Enseignement des mathématiques Les vertus de la pédagogie active et du e-learning

Publié le par Mahi Ahmed

 

Par Ali Derbala, universitaire
«L’histoire est un roman dont le peuple est l’auteur», Alfred de Vigny (1).
La façon d’enseigner les mathématiques est devenue archaïque et «ringarde». Elle utilise encore une pédagogie classique orientée vers l'abstraction. Le temps où le «fonctionnaire enseignant» de l’enseignement supérieur n’est présent à l’université que durant six heures par semaine doit être révolu.

Les enseignants sont tenus de participer à la vie universitaire par leur assiduité, leur présence à l’université pendant toute la semaine, leur engagement à fournir plus d’efforts en encadrant les étudiants, en développant leur propre cours et en les rendant visibles, lisibles sur internet et sur intranet. Ils doivent développer des plateformes électroniques dédiées à l’enseignement par internet appelé aussi le e-learning. En effet, comment des universités algériennes ne développent pas leur propre plateforme du e-learning et comptent acquérir des plateformes pédagogiques à coups de centaines de milliers de dollars ? La sonnette d’alarme est tirée ! Notre façon d’enseigner les mathématiques n’a pas changé depuis longtemps. C’est un enseignement présentiel. Nous devons arriver à la situation où il n’y aura plus de craie, il n’y aura que de la projection sur des écrans des résultats mathématiques par les data-shows, des démonstrations sont insérées dans des supports numériques de type fichier PDF ou polycopié remis par le chargé de cours à ses étudiants. Elles seront disponibles sur la plateforme dédiée, des séries d’exercices, des corrections d’exercices ardus, des EMD affichées en toute transparence et leur correction s’ensuivront peu de temps après les épreuves. Même les examens écrits peuvent se faire à distance. Les tableaux verts, noirs ou blancs sont obsolètes. Après le «cahier numérique» (2), le TNI, le nouveau tableau numérique interactif, également appelé TBI, tableau blanc interactif, est, après l’ordinateur, l’un des outils les plus utilisés pour les TIC, technologies de l’information et de la communication. C’est un outil innovant. Le TNI permet avant tout une souplesse dans la présentation des éléments présentés aux élèves pendant le cours. Il s’agit en effet d’un support pour le multimédia (texte, image, son) permettant l’affichage de documents numériques, la modification de ces documents ou, par exemple, l’enregistrement d’une séance de cours. Il facilite également l’activité des élèves au tableau grâce à la manipulation simple de fonctionnalités intégrées jusqu’alors externes au tableau classique : feutres multicolores, déplacement d’objets, instruments géométriques…
Le TNI est toujours associé à un logiciel qui offre la possibilité de création, de personnalisation et de modification de documents multimédias grâce aux différentes fonctionnalités proposées (3).
Il est accroché dans les salles de cours des pays développés, il est fixe mais tactile, il répond au doigt et bientôt à l’œil, il suffit d’en développer le système d’exploitation reconnaissant le «clin d’œil». C’est un «animal pédagogique», qui saute aux yeux. Il faut donner des chances aux étudiants, de les voir adopter des techniques modernes, d’utiliser de nouveaux produits tels les logiciels de mathématiques et bien d’autres. L’utilisation de logiciels de mathématiques, des supports pédagogiques, est indispensable. Tracer le graphe d’une application ou d’une courbe ne doit pas se faire en toute une séance de cours. Donner l’expression analytique d’une fonction et l’instruction «tracer» (de l’anglais «plot») à un logiciel de calcul formel et vous aurez l’allure de la courbe en quelques dixièmes de seconde.

1. Le devoir pédagogique de l’enseignant universitaire
Une grande partie des enseignants de mathématiques n’ont presque jamais varié leurs méthodes transmissives. Il faut que des équipes pédagogiques existent réellement.
Par exemple, elles seront dénommées équipe-analyse, équipe-algèbre… Elles sont domiciliées à l'université. Tous les enseignants doivent disposer d'un bureau. Un professeur chapeaute deux maîtres de conférences ou plus. Chaque maître de conférences a sous sa direction deux ou trois maîtres-assistants. Ils dispensent les mêmes modules. Leur intérêt ou domaine de recherche est identique. Un professeur ou un maître de conférences confectionne un cours détaillé. Il comporte tous les énoncés et les démonstrations rigoureuses de son cours.
Il est distribué aux étudiants de sa section où il sera disponible au moins pour ses étudiants sur le site web de l'université. Les étudiants peuvent le rapatrier et ont les moyens de l'imprimer à l'université.
Le professeur donne un «cours magistral» où il n'évoque que les énoncés et les idées essentielles que l'étudiant doit retenir. Des détails sont sur le livre ou sur le polycopié ou sur un fichier que le professeur a déjà fourni. Il peut terminer à temps et sans difficultés le programme pédagogique qui lui est imparti. Hebdomadairement, une série d'exercices est fournie virtuellement sur le site web. Elle comporte en moyenne dix exercices imprimés sur une page format A4. De notre expérience pédagogique, les séries d'exercices trop volumineuses ne comportent aucun intérêt pour les étudiants. Le maître-assistant fait ses travaux dirigés, des TD ; disons qu'il n'arrive à corriger en classe que cinq exercices par semaine. A la fin de semaine, dans son bureau, il doit fournir la correction des cinq autres exercices et les met sur le site web.
La seconde semaine, une nouvelle série est confectionnée, et, ainsi, l’avancement des études s’effectuera durant l'année universitaire. Certains professeurs font preuve de plus de créativité, et parviennent à dynamiser leur enseignement en y incorporant des dispositifs de pédagogie active et le développement de leur cours en ligne. Une approche par compétence est associée à chaque spécialité. Il n’y a pas une unique approche par compétence. Une pédagogie active est fondée sur l'apprentissage par projet de recherche et s'inscrit dans le cadre d'une approche par compétences pour former des masters en mathématiques. Un projet de recherche ou projet de fin d’études du cycle de mathématiques consiste à entraîner les étudiants à écrire, décrire, formuler, analyser, modéliser, résoudre les problèmes, en déduire les résultats et réinterpréter les solutions mathématiques de manière à apporter des réponses intelligibles au problème de départ, de confectionner un outil d’aide à la décision, sous forme d’un logiciel pédagogique, pourquoi pas commercialisable, avec une interface conviviale et facile à utiliser.

2. Le devoir de l’étudiant
Il faut des étudiants brillants, motivés, qui ont choisi la spécialité de mathématiques et non des étudiants qui, faute de places ailleurs, se retrouvent en sciences exactes. Ils doivent être tous détenteurs du baccalauréat option mathématiques ou à défaut des sciences de la nature et de la vie. Ils doivent préparer et consulter les polycopiés avant chaque cours. Ils ont une idée sur le contenu du cours qui sera dispensé à son heure habituelle. Ils préparent leur série d'exercices. Ils connaissent la difficulté de chaque exercice avant le début de chaque séance de TD. Ils proposent et orientent le maître-assistant, qui les assiste, à leur fournir des indications ou des corrections pour les exercices non élémentaires et difficiles. Ils ne doivent pas perdre du temps sur des exercices élémentaires. Ils peuvent les faire tout seuls. Ce n'est qu'après un tel effort que les étudiants seront autorisés à accéder à la bibliothèque et consulter d'autres ouvrages pour pouvoir apprécier les différentes approches d'un cours particulier. Ils peuvent même comparer une approche anglo-saxonne à une approche française ou russe, ou autre. Avec ces bagages en main, ils peuvent aller «surfer» sur d'autres sites de mathématiques des universités du monde.

3. Le tutorat des étudiants
Dans les nouveaux textes du LMD, un tuteur est attribué à chaque étudiant. Le tutorat est un service pédagogique d’accompagnement où l’enseignant est au cœur du système éducatif.
Le tuteur est celui dont la tâche consiste à faciliter le processus d'interaction entre l'étudiant et le contenu du programme. Le tutorat apparaît traditionnellement dans la formation en alternance, la formation alternant avec le travail en entreprise. Cette notion renvoie à une certaine prise en charge «morale» de l'étudiant, elle évoque une disponibilité différente de celle du formateur classique. Le tuteur est l'enseignant chargé de suivre l'étudiant en formation, de l'assister dans son parcours. Il est considéré comme un accompagnateur, un guide, une personne ressource dans un processus dans lequel l'étudiant élabore lui-même ses propres connaissances. Son rôle consiste non seulement à transférer des connaissances, mais à aider l'étudiant dans son processus personnel d'apprentissage et d'assimilation de connaissances. Dans ce cas on peut parler d'auto-formation assistée (4). A chaque niveau de la licence, 1re, 2e et 3e années, au plus deux étudiants seront suivis sérieusement par chaque enseignant. En faisant un décompte, au plus six étudiants seront associés à chaque enseignant. L’assiduité et la disponibilité des enseignants à l’université pendant au moins 25 heures par semaine sont impératives.

4. Le système de crédits
Le système de crédits ECTS a été adopté dans le programme de mobilité Socrates-Erasmus. Le projet Erasmus, créé en 1987, est une contribution concrète au rapprochement des Européens et non des Maghrébins ! Il est même bénéfique aux pays de l’Europe centrale et orientale qui font partie du programme depuis 1998. Il permet à tout étudiant sélectionné de se rendre dans un établissement lié au sien par un accord bilatéral de coopération. Le programme Leonardo da Vinci est une mesure d’internationalisation de l’enseignement professionnel. Comme se secteur a été démantelé par l’ex-Men, il n’y a rien à développer. A chaque module acquis par l’étudiant est associé un certain nombre de crédits. L’étudiant doit obtenir un nombre minimum de crédits, de l’ordre de 60 crédits, pour réussir son année universitaire d’inscription. Le fameux «logiciel» des délibérations est tant décrié ! En effet, certains étudiants sont déclarés admis en «mathématiques» sans acquérir aucun module de mathématiques. C’est très bizarre ! Quand on demande des explications, les responsables nous insinuent que ce logiciel est une «boîte noire» dont on ignore le fonctionnement. Qui l’a confectionné ?! Et comment et pourquoi l’université a acquis un tel logiciel ?!

Conclusion
Ce discours reste vrai pour toute matière scientifique, telle la physique, la chimie, l’électronique... Dans l’enseignement supérieur en Algérie, les TIC peuvent pallier le manque d’enseignants et inscrire le plus grand nombre d’étudiants. Mettre en ligne tous ses cours et demander aux étudiants de venir passer des examens de qualification et de certification moyennant un paiement est la «nouvelle vogue» du e-learning. L’histoire de l’introduction des moyens technologiques dans l’éducation date de plusieurs siècles déjà.
A partir des années trente, du XIXe siècle, il y a eu la radio scolaire. Dans les années 50, la télévision et le cinéma scolaires ont fait leur apparition, et plus récemment, les TIC. Il existe des pays importateurs d’étudiants et des pays exportateurs d’étudiants. Chers collègues, travaillez, prenez de la peine, il faut empêcher que l’Algérie ne devienne une nouvelle fois «une colonie scientifique et culturelle», elle est déjà un grand «bazar économique». Au lieu d’importer des centaines de milliers de véhicules pour nous encombrer, il vaut mieux importer des dizaines de milliers de tableaux numériques pour nous éduquer !
A. D.

Références

1.     Alfred de Vigny (1797-1863). Cinq-Mars. Extraits. Classiques Larousse, 1951, p.17.

2.     Ali Derbala. Le «cahier numérique». Le Quotidien d’Oran, Actualité Autrement Vue, Jeudi 3 octobre 2013, p.14. 3.

3.     J.C. Marot et A. Darnige. La téléformation. Que sais-je ? Presses universitaires de France,1996.

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