Les avatars de François Hollande

Publié le par Mahi Ahmed

Les avatars de François Hollande

Par Abdelmadjid Kaouah

L’état de grâce dont bénéficiait le président français, François Hollande, prolongé ces derniers mois, par l’effet de l’intervention militaire au Mali et le dossier « mariage pour tous » est bel et bien fini. Il semble qu’en l’occurrence, un divorce avec l’opinion publique ait acté. Il n’y a qu’un tiers de Français qui soutient sa politique. Dans ses propres rangs, on sent le début d’une certaine mollesse bon enfant qui pouvait lui devenir à la longue préjudiciable. Pour couper court à ses alarmes, François Hollande vient donc de reprendre son bâton de pèlerin pour renouer le fil avec la France profonde. Il s’est imposé un agenda de sortie sur le terrain en commençant par Dijon, la cité de la fameuse moutarde. Le fait n’est pas nouveau, ses prédécesseurs l’ont déjà pratiqué, chacun selon son style. Le premier d’entre eux, Charles de Gaulle, que les questions de gestion n’inspiraient pas outre mesure, trouvait là, l’occasion de grands discours visionnaires. Et comme, la France baignait alors dans les bienfaits des Trois Glorieuses, le message passait. Jusqu’au jour, où une jeunesse nouvelle qui n’y voyait qu’ennui et conservatisme lui demanda de s’en aller.

Le Général finit par s’en aller bien avant son heure et à sa manière. Récemment, le vibrionnant Nicolas Sarkozy, qui fut malgré tout remercié par les électeurs, pratiquait aussi les déplacements. Spectaculaires et brefs que l’opposition qualifiait de simple agitation médiatique avec des effets d’annonce successifs. François Hollande président inattendu qui se voulait un président normal, reprend le procédé mais y met ses ingrédients propres. Il prend plus de temps et va au-devant des gens. Durant sa campagne présidentielle, il avait redonné de l’espoir dans les chaumières et provoqué quelques frissons au grand Capital.

Dans une Europe en crise, toute présidence aussi modeste, soit-elle, a devant elle des travaux d’Hercule. C’est le cas de F. Hollande. Réduire les déficits publics, infléchir la courbe du chômage et s’emparer des questions sociétales laissées en suspens par la droite. Dans l’opposition, François Hollande n’eut pas aussi assez de mots pour critiquer la France-Afrique. Il a pris pied au Mali, assure-t-il, brièvement, surtout pour sauver l’intégrité et la souveraineté du pays face au péril intégriste. Pour l’heure, le consensus national sur l’intervention reste en vigueur. Sauf pour les exactions de militaires maliens qui font désordre…Mais dix mois depuis son accession à l’Elysée, François Hollande peine à vendre ses mesures les plus positives, tels les emplois d’avenir et les contrats de génération censées donner un coup de fouet à l’emploi.

Force est de constater que si la courbe du chômage ne s’est pas infléchie, celle de la cote de popularité du président Hollande a connu une chute significative dans l’opinion publique. Il est même selon des sondages le président de la Ve République le plus impopulaire à ce jour… Il a enregistré un réel décrochage dans les catégories populaires et ses alliés du front de Gauche et des Verts. Jean-Luc Mélenchon, le leader du front de Gauche, n’a pas trop de mots durs à son égard. A gauche, on soupçonne le gouvernement de préparer à force d’euphémismes un virage vers la rigueur. C’est en tout cas ainsi que L’Humanité, le quotidien du PCF, a décrypté certaines phrases de François Hollande lors de son déplacement à Dijon :

« J’entends ceux qui s’inquiètent. Il y en a toujours quand il y a des changements, des transitions, des évolutions. Mais le risque le plus grand, ce serait le statu quo ». Les ruptures ont déjà commencé sur des projets de loi contestés comme par exemple, l’ANI, l’accord national interprofessionnel entre le patronat et des syndicats estimés comme minoritaires par la CGT et FO. Ces deniers globalement considèrent que les nouveaux droits sont de portée limitée, assortis de multiples dérogations, masquant des reculs et donc au final, facilement contournables.

L’ANI est donc vécu par ces syndicats comme une grave menace pour le droit du travail, en généralisant la logique du « travailler plus pour gagner moins », la mobilité forcée, en facilitant les licenciements et en réduisant le pouvoir des prud’hommes. Pour les socialistes, cet accord vise au contraire la sécurisation de l’emploi et l’adaptation des entreprises au contexte économique actuel, tout en assurant le mieux possible aux salariés de garder leur emploi et leur salaire. C’est là, un point fort de désaccord entre les socialistes et leurs alliés de gauche les plus radicaux, comme le front de Gauche et le PCF. Au Sénat, où la gauche est majoritaire, le gouvernement a vu cependant son projet de loi sur le « bonus/malus » sur l’énergie retoqué car il n’a pas eu les voix du PCF. Ce n’était pas une première. Les communistes avaient déjà refusé de voter la loi de programmation des finances publiques au motif que le texte donnait la priorité à la réduction des déficits publics imposée par le traité budgétaire européen (le déficit public à 3% du PIB en 2013 et jusqu’à 0,3% en 2017).

Autant de « sorties » qui font grincer les dents chez les socialistes et qui font même dire au ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, « il y a ceux qui sont qui ne le sont pas… ». Est-ce à dire que les communistes se sont mis en dehors de la majorité ? Selon eux, ils œuvrent à ce que la gauche réussisse et dénoncent une volonté d’amalgame qu’ils rejettent. D’autres projets du gouvernement en cours ou à venir (loi d’orientation de l’école, retraites, allocations familiales.) risquent d’être le lieu de confrontations entre alliés. D’autant plus que le message du président de la République française est clair : « Il y a des choix courageux à faire », en particulier sur l’objectif de la réduction du déficit des comptes publics qui est selon lui non seulement une obligation financière mais aussi « morale envers les générations futures et un enjeu de souveraineté ». Ainsi donc par touches successives, les esprits sont préparés à une nouvelle cure de rigueur.

Le tableau est déjà austère, fermetures d’usines, licenciements, chômage en progression, nouvelle pauvreté et exclusions diverses, surtout dans les banlieues -ou le chômage atteint de hauteurs vertigineuses. Il n’est pas loin le temps où François Hollande critiquait les marchés financiers et affirmait sa détermination de ne pas les laisser lui dicter sa conduite. Mais François Hollande a toujours été un homme de synthèse. Dans ce rapide panorama, il ne faut pas oublier l’extrême droite en embuscade. Elle a rondement mené sous la houlette de Marine le Pen, sa dédiabolisation au point que des franges dures de la droite ne craignent plus d’afficher leurs affinités mutuelles. À l’image de la météo qui a surpris par ses neiges tardives, le printemps qui arrive réservera des surprises à gauche.

A.K.

Source : http://www.algerienews.info/les-avatars-de-francois-hollande/

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