LA PREMIÈRE ANNÉE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE

Publié le par Mahi Ahmed

21.12.01

 

LA PREMIÈRE ANNÉE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE

Par MAHI AHMED 

 

La première année du troisième millénaire vient de s’achever. Elle laisse des situations historiques lourdes ainsi que de nombreuses et sérieuses interrogations sur les menaces terribles qui pèseront  sur la stabilité et l’avenir de l’humanité et de notre planète. Une décennie avant le commencement de ce nouveau millénaire, le monde, au sens plein et entier du terme,  était soumis avec forte intensité aux chocs tectoniques de deux dynamiques majeures dont les mécanismes et les effets étaient soumis à des rationalités diverses et dont les cohérences relevaient encore, comme l’histoire nous le montre, de logiques de domination par la contrainte militaire et idéologique. Ces deux dynamiques majeures sont d’un côté la fin de la division du monde en deux blocs antagoniques régis par les doctrines et les politiques de l’équilibre de la terreur et de l’autre côté l’accélération impétueuse de ce que l’on appelle communément la mondialisation fondée sur une révolution continue des NTIC (nouvelles techniques de l’information et des communications). A l’époque, notre pays était encore sous le choc des dramatiques événements d’octobre 88. Il faisait face aux assauts redoublés d’un islamisme politique déchaîné et ignare. Il subissait l’inertie lourde d’un Etat et d’un système de pouvoir anachronique parce ne prenant aucun compte des impératifs et des nécessités du temps. De nombreuses voix qualifiées ou ayant l’Algérie non seulement au cœur mais surtout au cerveau essayaient, cependant, de percer l’imperméabilité des murs dressée devant elles pour les étouffer, pour attirer toutes les attentions sur les enjeux du troisième millénaire et sur l’importance de prendre avec détermination toutes les mesures et dispositions nécessaires pour y faire face et y prendre avec intelligence et savoir-faire toute notre place. Les gigantesques manifestations du 10 Mai 1990 pour une Algérie , libre, républicaine et démocratique étaient, devons-nous l’oublier,  l’expression d’aspirations fortes, pétries dans les ténèbres de la nuit coloniale , portée par l’élan libérateur du 1er Novembre 54 et trempées dans la sinueuse et déclinante expérience de l’édification nationale, pour une Algérie moderne, forte économiquement et culturellement, attachée à son histoire et à son identité, déployant et fortifiant sans cesse le génie créateur de ses forces vives et surtout de sa jeunesse.

Le troisième millénaire marque, de fait, une étape d’une qualité nouvelle jamais égalée dans l’histoire et dans l’évolution de l’humanité. Il porte en lui tous les facteurs d’une transformation de fond de la civilisation universelle. Il modèle déjà des recompositions géopolitiques, économiques et sociales  de long terme et d’une portée historique considérable. Une culture envahissante à l’excès, fondée et propulsée par la pensée marchande et l’idéologie néo-libérale  tente, non sans succès, de réduire les cultures nationales et populaires et de s’imposer comme style universel de vie.

Cette première année du troisième millénaire est particulièrement significative de ce qui attend les pays et les peuples, voire les nations,  qui osent montrer des velléités à se soustraire aux dynamiques fortement engagées de la mondialisation et des développements imprimés aux rapports de forces entre les trois composantes principales du monde dit développé. Elle a été riche en événements qui marqueront durablement de leurs empreintes les évolutions du futur. C’était une année aussi qui a laissé poindre des courants multiples de résistances multiformes à l’unilatéralisme à dimensions planétaires de la superpuissance restante. Cet unilatéralisme, ayant pour objectif un monde unipolaire, a été initié, faut-il le rappeler  par Bush père avec le lancement de la guerre du Golfe appelée, avec quelle symbolique, « Tempête du désert ».

Cette première année du troisième millénaire a dégagé, déjà , à l’échelle internationale, des lignes de forces majeures  dont les influences et les effets animeront et moduleront dans la durée les évènements à impact historique  à l’échelle du monde entier .

q   Ainsi, l’occident, représenté principalement par les trois pôles de la triade, entend agir comme une force planétaire cohérente dans ses fondements idéologiques et politiques exprimés par une économie de marché à consonance néo-libérale. Il entend régenter les différentes aires géographiques qui lui sont encore extérieures et soumettre  les peuples et les nations qui y vivent aux valeurs et à l’ordre de l’occident qu’on veut présenter désormais comme universels. L’année 2001, avec l’avènement de l’administration Bush Junior, a été,  dans ce sens , particulièrement riche. Il n’ y a qu’à observer comment l’intervention militaire sous la houlette de l’OTAN devient un facteur normalisé pour pacifier et stabiliser les régions ou les pays à haute intensité géostratégique et recelant des capacités de résistance liée à leurs identités massifiées par la force de leurs évolutions historiques. C’est le cas de la région des Balkans où les dernières poches de résistance, en Yougoslavie et en Macédoine, ont été en 2001, réduites et soumises au nouvel ordre régnant prenant la forme de protectorat de l’ère de la mondialisation. C’est le cas, depuis le 7 Octobre 2001, et suite, dit-on aux événements tragiques et barbares du 11 septembre 2001 de New York, de l’Afghanistan et de toute la région de l’Asie centrale dans et autour  desquels continue de se déployer l’invincible armada multinationale du 21é siècle. Cette région du monde est travaillée en profondeur, particulièrement depuis plus d’une décennie, par des processus complexes de recompositions géostratégiques, politiques, sociaux et culturels. Elle a été rongée jusqu’aux os par l’archaïsme d’un islamisme politique de l’âge de pierre qui l’a plongée dans le dénuement et l’errance . Elle est aujourd’hui une aire d’expérimentation, à large échelle, des stratégies et tactiques de même que des techniques de guerres appelées asymétriques.

C’est le cas aussi de la région du Moyen Orient dont l’intensité géostratégique est fortement modulée par les recompositions en cours et par les nouvelles ouvertures énergétiques mondiales, développant des facteurs d’instabilités concentrés autour de la question palestinienne, du statut d’Israël,  des trônes chancelants des pays du Golfe et du sous-développement économique et social dominant les autres pays. Cette région a été soumise au cours de l’année 2001 à l’arrogance guerrière et humiliante à merci d’Israël et de Sharon refusant au peuple palestinien ses droits nationaux et opérant, avec le soutien sournois de l’administration américaine, une colonisation dont les objectifs réels dépassent la petite Palestine et visent la région entière. C’est une région où le choc des civilisations peut être des plus redoutables et où les scenarii de pacification planétaire mis en œuvre dans d’autres régions imposent des adaptations plus complexes et étalées dans le temps. Mais c’est une région dont les métamorphoses profondes sont suivies avec une  vigilance aiguë par les différentes parties de l’Occident et plus spécialement par les USA, prêtes à chaque instant à y appliquer les stratégies éprouvées ailleurs quitte à y recomposer toutes les données considérées jusqu’ici comme immuables.

Les autres régions du monde sont aussi soumises, avec des dynamiques plus souples ou moins visibles, aux mêmes stratégies de pacification et d’intégration au giron occidental. L’Amérique dite latine en fait une expérience particulière. Le Mexique, membre important de l’ALENA qui lui a fait  subir les affres de la spéculation boursière à grande échelle et qui l’a plongé dans une crise économique sévère , a vu s’installer en 2001, avec une couverture démocratique, un nouveau pouvoir formé, comme le dirait Benjamin Barber au moule Mac World et se moulant volontiers au modèle imposé ou déposé, comme on veut. Les deux autres géants de cette région, le Brésil et l’Argentine se débattent , certes d’une façon inégale, dans une grave instabilité économique et politique, où les forces politiques dominantes sont soumises à des pressions multiples les poussant à mettre en application les plans de sauvetage concoctés pour eux dans les institutions internationales de stabilisation stratégique. L’Argentine avec ses 320 Milliards de dollars de dette extérieure, devenue insolvable, malgré ses nombreuses richesses et son potentiel humain, offre de nos jours le triste spectacle de la valse des Présidents démissionnaires sitôt désignés, de la rage d’un peuple mené à la ruine par sa classe politique et mis dans l’incapacité, malgré ses manifestations, à changer fondamentalement la situation.

q   L’économie mondialisée, malgré les manifestations de récession qu’on observe aux USA, au Japon ou ailleurs n’a rien perdu des caractéristiques qu’elle a forgées au cours de la décennie passée. Celles-ci ont pris, au cours de 2001,  plus de consistance et de profondeur avec les méga fusions de multinationales, l’élargissement des champs des technologies du futur comme la biotechnologie etc., le développement de la productivité, de la qualité et du management , les fonctions d’orientation et de contrôle du G7-G8 de même que le rôle plus opérationnel de l’OMC et les adaptations en cours de la BIRD et du FMI. Si les nouvelles technologies appuyées sur l’Internet connaissent certaines inflexions négatives liées aux multiples et nécessaires stabilisations et développement des systèmes complexes de consommations mondiaux, leur avenir, comme moteur essentiel de la globalisation, semble rester intact. L’avènement de l’Euro  va sûrement renforcer cette tendance et exacerber la compétitivité comme l’indiquait M. Duisenberg, Président de la banque centrale européenne le 31 décembre dernier.

q   La pauvreté et l’exclusion sociale se sont encore plus  étendues et aggravées en 2001 dans les pays dits du tiers-monde. Elles ont aussi gagné, à un autre degré, de larges couches sociales des pays dits développés.

 

Ainsi l’année 2001, inaugurant le premier siècle du troisième Millénaire, se présente comme une année d’aggravation des tensions aux plans militaires, économiques et sociales. C’est une année qui a dessiné clairement la forme d’hégémonie occidentale qui entend s’imposer partout. Cette année a montré aussi que les processus en cours peuvent être durables si les ressorts des nations et des identités portés par la rationalité, la modernité et surtout le savoir démocratisé n’y opposent pas les résistances intelligentes et adéquates pour pousser l’humanité et la planète vers des équilibres qui fondent une paix réelle et permettent à chaque nation, forte de son génie de construire avec bonheur son avenir tout en fortifiant les solidarités internationales.

Notre pays doit prendre la mesure des empreintes que l’année 2001 à donné aux évolutions. Il ira encore plus à sa perte et à sa soumission , comme aujourd’hui l’Argentine, si toutes les forces saines ne saisissent pas que la priorité réside dans le dépassement du système actuel de pouvoir, dans la refondation démocratique et républicaine de l’Etat, dans la construction persévérante d’une école fondée sur la rationalité, dans le développement d’une culture qui fortifie par l’ouverture notre identité nationale. Ce n’est que grâce aux  capacités sans renforcées de nos cadres, de nos scientifiques, de nos travailleurs,  que nous serons en mesure de développer nos connaissances , contribuer au développement du savoir et prendre ainsi toute notre place dans ce monde et faire agir valablement notre modeste influence sur ses évolutions.

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