LA PAX AMERICANA , LE MONDE ARABE ET NOUS

Publié le par Mahi Ahmed

LA PAX AMERICANA , LE MONDE ARABE 

  ET NOUS

 

Par Mahi Ahmed ( Dr.Ing.)

 

Le 4 juillet dernier , jour anniversaire de l’indépendance américaine, W. Bush a exprimé de nouveau sa détermination à poursuivre et à étendre la mise en œuvre de sa doctrine d’intervention préventive. Celle-ci , peut-on l’oublier , a été déjà matérialisée  par une guerre d’enfer contre l’Irak et l’occupation de ce pays ,berceau de l’humanité , plongé dans un chaos indescriptible . Ni l’enlisement , chaque jour aggravé, dans lequel se trouve embourbés les troupes et les émissaires colonisateurs de la puissance américaine, ni les retombées négatives engendrées par cette guerre et cette occupation, tant au niveau du peuple américain  que de l’opinion publique internationale et au niveau d’une grande majorité d’Etats, ne semblent  altérer une telle détermination.

 

LA DOCTRINE W.BUSH EN ACTION

 

Nous vivons de fait  , à l’échelle de la planète  mais plus sensiblement au niveau  des régions géographiques auxquelles nous appartenons de  par notre histoire  , notre identité culturelle, notre faible niveau de développement économique et sociale etc., sous l’action des puissantes dynamiques provoquées par le déploiement géostratégique de cette doctrine visant à imposer la Pax Americana  et à soumettre le monde aux intérêts actuels et de long terme  des USA et surtout de leur pilier néo-conservateur. Les effets de l’application de cette doctrine agissent comme de véritables séismes provoquant de sérieuses déstabilisations et des déstructurations/restructurations massives de tous ordres, imposées par la force, à l’échelle des pays , des régions et du monde. Il faut s’en inquiéter et s’efforcer de rendre lisibles et surtout intelligibles non seulement les lignes de forces qui portent une telle doctrine mais aussi celles qui marquent durablement ses effets.

Qu’observons-nous depuis la défaite et la chute du régime de Saddam Hussein ?

Le monde occidental et l’Europe, en particulier « la vieille Europe » représentée par l’Allemagne et la France , s’accommode déjà des formes imposées de l’hégémonie et de l’unilatéralisme de l’administration américaine , accepte le fait accompli en Irak et cherche, tout en faisant amende honorable, à se construire dans le monde unipolaire en formation des positions favorables à leur croissance économique et à un rapport de forces supportable ,y compris en Europe.

Car il s’agit bien de nous , de notre devenir et de notre avenir et surtout celui des générations qui viennent. On ne peut qu’être sidéré par l’apathie et l’opportunisme s’apparentant à une trahison historique de la plupart des dirigeants des pays arabes face au désastre qui vient de frapper et frappe encore sévèrement l’Irak et surtout le peuple irakien et partant la région.

Nos Etats et surtout leurs dirigeants assistent comme  intimidés , humiliés  et impuissants , à une déclinaison,  fougueuse et déterminée, par les USA et leurs alliés, des plans, découlant de leur nouvelle doctrine , qu’ils ont développés pour les différents champs géostratégiques devant assurer leur domination et le triomphe des contenus qu’ils entendent assurer à leurs valeurs et à leur civilisation.

Le caractère opérationnel, la synergie et l’efficience du management de la communication globalisée, à l’américaine, utilisant tous les moyens d’élaboration , de confection et de diffusion de l’information ciblée, semblent avoir porté , avec le temps et surtout depuis leur intensification au cours de ces dernières années ,et incrustés tels quels,  les contenus déstabilisateurs des messages dont ils avaient la charge dans certaines catégories des masses et de l’intelligentsia arabes. De tels messages , en permanence affinés et adaptés au mouvement des environnements mondiaux et de l’évolution historique par des officines (instituts, fondations , services etc.) spécialisées et installées ou rattachées directement aux états-majors opérationnels comme le pentagone, assènent la modernité du modèle de consommation américain (American Way of Life ), l’universalisme et la supériorité de la civilisation occidentale américanisée de même que des valeurs et de la culture qui lui sont rattachées. De tels messages veulent faire admettre , y compris par la coercition et le recours à la puissance militaire , comme indispensable à l’humanité , à la paix mondiale , au progrès et  à la justice sociale, la suprématie universelle des USA. Ils visent la légitimation du caractère impériale de l’hyper puissance américaine et du droit international qui le fonde et l’appuie.

Les masses et  l’intelligentsia arabes avaient pourtant depuis les années vingt du siècle dernier pétri  le nationalisme arabe et développé  avec plus ou moins de bonheur sa lutte pour la libération nationale , le développement économique et social , la modernité et le progrès général.

Ce qui fait problème aujourd’hui , ce n’est certes pas ce que la civilisation occidentale a apporté à l’humanité comme avancées et comme progrès humains. D’autres civilisations, avant elle, notamment celles qui ont trouvé leurs sources et leur fécondité dans cette région du Moyen-Orient ,  ont aussi apporté leurs contributions et   continuent de le faire et de rayonner. Ce qui est inacceptable,  c’est d’abord cette forme de chauvinisme occidental arrogant, c’est  cette sorte de légèreté intellectuelle et aussi politique qui consiste  à styliser et à vouloir intégrer  par la force une civilisation ou une culture dont les processus de diffusion sont fonction de la complexité des mouvements sociaux et des évolutions historiques. Ce qui choque , c’est cette volonté manifeste, déjà mise en œuvre, d’imposer ( c’est à dire d’exporter ) cette civilisation et cette culture occidentale dans le monde entier.

 

Que nous arrivent-ils donc en tant qu’Etats et Nations arabes ?

 

Quelles sont les causes profondes de nos reculs , de nos défaites ,  de nos incapacités chroniques à peser avec efficience , c’est à dire dans le sens des intérêts de long terme de nos peuples ,dans la détermination des rapports de forces internationaux et dans les évolutions politiques , économiques,  sociales et culturelles qui y sont liées , dans la consolidation et un développement fructueux de la paix et de la stabilité régionales et internationales ? Devons-nous nous contenter, aujourd’hui où l’accélération de l’histoire connaît des rythmes affolants , de discours à caractère populiste  dont la couverture nationaliste avait pourtant ,dans les années cinquante et soixante du siècle dernier , su et pu nous mobiliser largement et avec succès  contre le colonialisme et pour nos indépendances nationales ?

Les Etats Nations arabes formés après la dislocation de l’empire Ottoman , sous l’impulsion des empires coloniaux anglais et  français , ont connu , tout au long du vingtième siècle , des évolutions diverses . Celles-ci ont été marquées principalement par l’émergence et le développement de deux grands mouvements historiques , le nationalisme arabe  et le réformisme  musulman . La naissance et le développement de ces deux mouvements étaient une réaction massive aux affres et à l’humiliation du joug colonial , une réaction organisée , fondée sur les facteurs unificateurs de nos nations et impulsant les évolutions de nos identités , facteurs plongeant leurs racines dans notre  histoire déjà plusieurs fois millénaire avant l’avènement de l’ère chrétienne. Le nationalisme arabe  visait, quant au fond,  à inscrire les sociétés arabes à  majorités musulmanes dans des processus de libération nationale, d’édification d’Etats Nations modernes se nourrissant sans cesse du progrès universel et de la modernité au développement desquels ils apportent leurs contributions tout en préservant et adaptant les fondements de leurs identités culturelles et nationales. Le réformisme musulman constituait une réaction

La deuxième guerre US du Golfe est terminée. L’Irak a été défait au sens propre et figuré par « la première puissance militaire du monde ». Saddam et son régime ont disparu laissant la place à l’occupation étrangère et à un chaos total aggravé par la dislocation de l’Etat national et des institutions qui le portaient . La région du Moyen Orient continue de subir, à la surface et en profondeur , les violents contre-coups de cette féroce guerre digitalisée menée , quant au fond, malgré la formidable et encore impuissante désapprobation de la communauté internationale, contre l’Irak et son peuple.

 Il y a des phénomènes ,qu’ils relèvent de la géostratégie ou tout simplement de dynamiques naturelles,  qui se conjuguent pour nous livrer la terrible réalité du sujet que nous sommes.

 Il y a des tendances d’évolutions politiques et sociétales qui , par les dangers multiples de déchéance historique qu’elles développent  , ne peuvent que souligner le radicalisme du sursaut dont une nation et un Etat comme les nôtres ont besoin s’ils veulent continuer d’exister et  ne pas subir les dislocations et les disparitions qui viennent de marquer ou qui menacent le sort de tant d’autres en Afrique, dans les Balkans ou en Asie centrale. Le radicalisme d’un tel sursaut ne peut signifier l’aventurisme. Il signifie d’abord et avant tout une détermination , forgée par une prise de conscience collective, soit-elle différenciée , des dynamiques lourdes d’ordre interne et externe , qui minent  et menacent dangereusement notre existence en tant qu’Etat et Nation,

Des séismes naturels successifs viennent de frapper durement, encore une fois, notre pays. Il s’agit certes d’une catastrophe naturelle qu’il est difficile de prévoir et de prévenir avec précision étant donné  la complexité des facteurs et des dynamiques géologiques et écologiques qui la provoquent. Cependant l’immensité des pertes humaines et des dévastations de régions entières , les faiblesses graves observées dans la mobilisation des secours, dans les moyens logistiques dérisoires déployés , dans le management général de crise, dans l’opportunité et l’efficience des décisions politiques qui s’imposent pour aujourd’hui et pour demain , donnent à cette catastrophe qui vient aiguiser une crise de société profonde qui perdure un contenu politique éclairant les racines des problèmes auxquels nous sommes confrontés. L’organisation , la maintenance et le développement des capacités nationales de prévention des catastrophes  naturelles et autres  y compris au niveau de la recherche et de la formation spécialisée est un axe stratégique et opérationnel relevant de la sécurité nationale au sens le plus humain et le plus noble. C’est lorsque les crises éclatent et laissent apparaître à la surface , c’est à dire à l’œil nu , les profondeurs des facteurs sociaux , économiques , culturels et politiques qui les nourrissent et les aggravent , que la véritable nature de l’Etat et l’état réel de ce dernier se démasquent au fil des solutions qu’un tel Etat met au point et des moyens qu’il mobilise pour traiter de telles crises. Que l’Etat algérien donne l’impression de ne pas avoir tiré les leçons  des séismes précédents , notamment de ceux survenus depuis un peu plus de vingt ans, pour mettre au point des plans stratégiques de long termes de prévention et de traitement des catastrophes relevant des séismes , indique à l’évidence , au regard des défaillances déroutantes et continues dont il fait montre dans la plupart des domaines  liés à ses missions fondamentales que nous avons affaire à un Etat sinistré. C’est à l’efficience et à la pertinence politique et sociale de la réactivité d’un Etat , dans le temps et dans l’espace, qu’apparaît au grand jour et devient sensible à la collectivité la véritable valeur de cet Etat. Nous sommes devenus l’Algérie de tous les types de séismes, malgré l’immensité et l’immortalité historique de notre mouvement de libération nationale et du puissant potentiel de mobilisation et de création que celui-ci pouvait représenter pour la construction  de l’Etat moderne ,impératif de nos nécessités et de nos besoins projetés dans le long terme et inscrits dans la prise en charge vigilante des évolutions de nos environnements . Un séisme est tout naturellement le produit de dynamiques complexes d’instabilités et de facteurs aléatoires majeures non repérées et non maîtrisées.

Bagdad , la brillante cité historique, est tombée le 9 avril 2003 sous les puissants assauts des hordes impériales  du 21é siècle. Les faits sont là, terribles. Les choquantes réalités  que l’on nous imposent nous bouleversent jusqu’au plus profond de notre être. Mais ces réalités , au lieu de nous aveugler par leur intensité et leur complexité , doivent au contraire nous pousser à les rendre intelligibles , à forcer et forger la lumière en mesure de pétrir nos consciences et surtout nos engagement pour les causes justes et en particulier celles de notre pays. Quelles sont ces réalités ? Quels sont les objectifs stratégiques poursuivies d’abord par les puissances qui les provoquent ? Pourquoi est-il possible , dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui et dans notre sphère culturelle arabo-islamique , que de telles réalités créées en violation du droit international et au mépris de la libre détermination des peuples , puissent être créées et développées ?

La puissance militaire américaine a fait , cette fois-ci en Irak plus que dans la première guerre du Golfe, dans les Balkans ou en Asie centrale, une démonstration affolante de ses potentiels , de son efficience et du haut degré de synergie en temps réel de toutes ses capacités de destructions et de mise hors combat des cibles ennemies poursuivies. Elle entendait signifier au monde entier , alliés des USA compris, par les formes qu’elle a délibérément prises au fil des processus de la crise irakienne, qu’elle était au service d’une idéologie de domination et de coercition de type militariste.

Le régime du Baath de Saddam Hussein a été défait. Il avait été déclaré par l’administration US  point d’appui du terrorisme international et détenteur d’armes de destructions massives chimiques , biologiques et nucléaires. C’était le prétexte et non la cause réelle de l’invasion et de l’occupation de l’Irak. L’Etat irakien s’est effondré et la nation irakienne est soumise encore une fois à la rude épreuve de l’histoire.

L’Irak, sorti , par une volonté des grandes puissances coloniales anglaises et françaises, du démembrement de l’empire ottoman après la première guerre mondiale, est de nouveau terriblement ensanglanté , détruit et déstabilisé et est l’objet de convoitises et de plans américains de nature  impérialiste  à portées stratégiques profondes et de long terme.

L’Etat national irakien , produit d’un processus complexe d’édification, notamment depuis la révolution de juillet 1958 déclenchée par une forte impulsion du mouvement national de libération arabe ascendant sous la direction d’officiers patriotes vient d’être soumis à des dynamiques de dislocation aux conséquences imprévisibles. Un séisme total a terriblement frappé tous les édifices de l’Etat irakien.  Les forces et facteurs qui l’ont déclenché et assuré ses méfaits doivent être déterminées et faire l’objet d’analyses approfondies et multidisciplinaires.

 

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