DU SPECIFIQUE ET DU SOPORIFIQUE

Publié le par Mahi Ahmed

DU SPECIFIQUE ET DU SOPORIFIQUE

par K. Selim

La machine vers les élections législatives est lancée dans un scepticisme ambiant et une dépolitisation générale qui, on ne le dira jamais assez, n'est pas synonyme de stabilité. Des officiels continuent d'affirmer que l'Algérie est une «exception», formule très générale et vide que les responsables du monde entier peuvent reprendre pour leurs pays.

Notre «exception», comme celles des Marocains, des Libyens et des Egyptiens, ne nous extrait pas des grandes manœuvres géopolitiques qui touchent un monde arabe profondément fragilisé par le système autoritaire en place. Ces manœuvres, qui se déroulent dans un contexte de crise économique dans les pays occidentaux, peuvent trouver dans les révoltes légitimes des peuples de bons prétextes pour des entreprises qui n'excluent aucune option, pas même le démembrement des Etats nationaux. Mais on l'a déjà dit, l'Empire et les sous-empires agissent en fonction de ce qu'ils sont et on ne peut reprocher à un prédateur d'être ce qu'il est.

La seule vraie question est comment sortir des systèmes autoritaires, en général liés à l'Empire, dont la pire des réussites est d'avoir réussi à brouiller la notion d'intérêt national. Il ne sert à rien de faire semblant de ne pas voir que dans le monde arabe, des pans entiers de populations ont basculé et trouvent qu'une intervention étrangère directe n'est pas grave si elle permet de se débarrasser des régimes. L'argument est totalement contestable. Aucune intervention étrangère ne se fait pour les beaux yeux des peuples, c'est une évidence. Mais ces attitudes ne sont pas tombées du ciel. Elles sont les fruits amers de systèmes fermés, fondés sur l'exclusion, qui croient, absolument à tort, que la dépolitisation est un gage de tranquillité.

Les sociétés où il existe une vraie vie politique sont les plus stables et les plus aptes à faire face aux difficultés et aux menaces. Or, une vie politique digne de ce nom a besoin de la création d'un espace de débat sérieux et fécond qui permet d'éclairer l'opinion et de lui apporter des éléments de réponse de manière convaincante. Et cet espace politique ne se décrète pas et il ne peut pas exister l'espace d'une campagne électorale et être refermé par la suite. Il ne peut pas non plus être confiné à des appareils qui se mettent en hibernation, avant de se réveiller une fois qu'on a fixé la date des élections.

Dans un pays qui fonctionne, une échéance électorale sert en premier lieu à renouveler le lien entre les citoyens et les institutions. Bien avant le choix des personnes. Et cela commande un débat permanent sur les questions économiques et sociales, sur les politiques publiques et sur nos positionnements sur l'arène internationale. Sans ces débats permanents sur des questions essentielles et à l'ombre d'une dépolitisation forcenée sur fond de bigoterie et d'extension de l'espace informel, les élections tournent à vide. Elles ne servent pas à renforcer l'Etat et les institutions. Elles deviennent une simple corvée que les autorités cherchent à expédier et que les citoyens ont tendance à bouder.

Et si on observe bien ce qui s'est passé autour de nous, l'Algérie n'a rien de spécifique. Ou alors, la seule spécificité à mettre en exergue est la grande patience des Algériens qui attendent que ceux qui gouvernent deviennent mûrs et comprennent que l'Algérie sera plus forte et mieux protégée avec des citoyens libres et très bien informés des enjeux.

Le discours qui consiste à répéter que l'Algérie est une exception est un dangereux soporifique dans un monde qui devient de plus en plus dangereux et compliqué.

Source : Quotidien d’Oran du 10.01.2012

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