Tunisie : les calculs occultes d'Ennahda

Publié le par Mahi Ahmed

Tunisie : les calculs occultes d'Ennahda Par Ahmed Halfaoui

l est certain que le paysage politique tunisien est

en train de subir une évolution fulgurante. Dans

le même temps, on assiste à un durcissement

des positions, aggravé par le refus d'Ennahda de

répondre aux préoccupations de ses principaux

adversaires, et par la profonde dégradation de la

situation socio-économique du pays. De surcroît, la

dette extérieure frise les 20 milliards d'euros, pour

une économie exsangue et ce ne sont les indices de

croissance " encourageants ", calculés sur la base

des données de 2011, qui peuvent augurer de promesses

d'embellie. Trois courants dominent désormais

la scène. Les islamistes, le mouvement lancé

par les caciques de l'ancien régime, Nidaa Tounès,

sous la direction de Béji Caïd Essebsi (BCE) et le

Front populaire, une coalition de formations antilibérales.

Le tableau reflète une décantation politique

assez significative. Les mécontents du système se

répartissant entre les partis islamistes en général et

le Front populaire. La bourgeoisie, les couches

moyennes convergeant vers Ennahda, et Nidaa

Tounès pour ceux qui se réclament de la laïcité et de

la " modernité " ou qui sont apeurés par la montée

religieuse. A côté de ces choix partisans, une majorité

de la population semble se maintenir dans un "

marais " attentiste, apolitique ou méfiant vis-à-vis

des partis. Ce " marais " correspondrait aux effectifs

abstentionnistes lors des élections de l'Assemblée

constituante du 23 octobre 2011. Son importance

va, néanmoins, peser lourdement dans la détermination

du cours des événements, car le refus de

choix politique, ne signifie pas une absence d'action

sur le front social. Le comportement émeutier relève,

à cet égard, pour une bonne part, du rejet et du

déficit de crédibilité de la classe politique. Dans les

sphères du pouvoir en place, la débandade que

connaissent deux ailes de la "Troïka", le Congrès

pour la république et Ettakatol, cooptés par

Ennahda, est la conséquence directe des bouleversements

qui les ont renvoyés à leur poids réel dans

la société, si ce n'est pas à la disproportion entre ce

poids et leur statut de gouvernants. En réponse à

l'instabilité et au climat délétère, qui menacent l'Etat

d'effondrement, le Front populaire est le seul à proposer

une rupture avec le mode de gouvernance

actuel et la fuite en avant. Il prône un dialogue national

sur la base de réponses à donner à une situation

radicalisée. Il n'est pas écouté, au profit de tractations

au sommet ou de manoeuvres d'Ennahda, qui

inquiètent au plus haut point sur ses objectifs, en

termes de respect des règles démocratiques. A

commencer par le silence devant la montée en puissance

de ces " Comités de défense de la révolution

", véritables commandos (au service du parti dominant),

qui ne sont pas sans rappeler, par leur mode

d'action et toutes proportions gardées, les Sections

d'Assaut (S.A) allemandes. Ensuite par les déclarations

de Rached Ghanouchi qui assure ses troupes

que " Ennahdha ne quittera pas le pouvoir ", qui

assimile la dernière manifestation de ses militants et

sympathisants à un second " 14 janvier " et qui qualifie

les partis adverses de contre-révolutionnaires.

Il faut ajouter à cela, la lenteur qui entrave la rédaction

d'une Constitution qui aurait dû être achevée, il

y a quatre mois et dont l'échéance reste toujours

indéfinie. A. H

Source : Les Débats du 20.02.13

Publié dans TUNISIE Spécial

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