Lettre ouverte à la Télévision Nationale Tunisienne Je suis citoyenne tunisienne, mère de famille, et j’ai le regret de devoir attirer votre attention sur l’invraisemblable léthargie de votre institution. Il est vrai que si notre révolution s’était déroulée au siècle passé, elle aurait nécessairement investi les murs de la radiotélévision nationale ; internet nous en a dispensés. Il n’en est pas moins vrai que le vent de la liberté d’expression a nécessairement soufflé sous vos fenêtres. Mais si la révolution a frappé à votre porte, il semblerait qu’elle soit restée sur le perron. Jusqu’à quand allons nous zapper des reportages sur les paysages et la faune de notre pays ? Jusqu’à quand allons nous zapper sur des interviews en vase clos, menés avec condescendance et circonspection ? Jusqu’à quand allons nous zapper un JT propagandiste staliniste ? Où sont les débats avec des interlocuteurs de toute classe sociale pouvant poser directement les vraies questions : Quels sont les projets des commissions formées par ce gouvernement provisoire ? Quelles sont leurs prérogatives, leurs limites, leurs délais ? A qui, a quoi, vont servir leurs travaux ? Où sont les juristes, les spécialistes en droit constitutionnel qui peuvent nous expliquer vers quoi nous allons, pourquoi nous nous sommes battus. Cette constitution sera-t-elle changée avant les prochaines élections présidentielles ou après ? Si plusieurs options se dessinent qui fera le « bon » choix ? Où sont les enquêtes de journalistes sur les personnalités actuellement au gouvernement (même) provisoire que la majorité des Tunisiens qui ont manifesté ne connaissent pas ? Quel est leur CV, qui sont-ils, comment ont-ils été choisis, par qui ? Où sont les reportages sur l’actualité du Sud, sur les partis politiques qui existent, se forment ou se « déforment » ? Ne serait-il pas temps de changer votre langue pseudo littéraire que personne (ou si peu) ne comprend par du tunisien accessible à tous ? Resterons-nous pour l’éternité condamnés à la nostalgie de Douagi et Haddad ? Ne serait-il pas temps de faire l’inventaire de vos étagères et de dépoussiérer tout ce que la censure y aura rangé ? Notre paysage culturel se limite –t-il à ce que vous proposez ? A quand le direct sur nos ondes et nos écrans ? N’y a-t-il, pour nous Tunisiens et Tunisiennes, que le micro-trottoir enseigné dans nos écoles de journalisme ? Le zapping sur les chaînes étrangères est-il notre lot à jamais ? Une terrible tristesse se dégage de votre programmation qui n’a d’égale que votre solitude. Avec toute ma compassion, une auditrice et spectatrice désespérée. Dr Monia FERCHIOU-CHERIF |