Les pressions et les menaces se multiplient sur l’Algérie

Publié le par Mahi Ahmed

Les pressions et les menaces se multiplient sur l’Algérie

Résurrection de la responsabilité collective

14-04-2011

 

Par Mohamed Bouhamidi

À la veille de la réunion de Doha sur la Libye, le Conseil national de transition de Benghazi, adoubé par le couple anglo-français, rejoint aujourd’hui par l’Italie, ressort la «présence de mercenaires algériens» sur le sol libyen. Il n’en fallait pas plus pour que la balle rebondisse en Algérie et notre inénarrable presse ultralibérale, et de plus en plus néocoloniale, de sommer le gouvernement de s’en expliquer et d’être transparent sur la question. Comme si les Etats, représentants de collectivités nationales, étaient légalement responsables des actes et des choix de leurs citoyens. Car sans être des fines oreilles, nous pouvons distinguer dans la scène qu’on nous joue la sourde menace : «Non seulement l’Algérie s’est absentée à Londres, mais, en plus, elle compte s’abstenir, sans en payer le prix, d’aller à Doha.» Là, nous sommes dans l’accumulation. Car l’ambassadeur français à Alger ne fut pas le seul à «regretter» l’absence de notre pays à Londres. Le ministre qatari des Affaires étrangères, en visite à l’époque chez notre voisin, a exprimé dans des termes qui rappellent le clairon l’attachement du Qatar à l’intégrité territoriale du Maroc ; ne cherchez pas loin la source toute désignée de la menace.

Des pics et des boulets rouges
En termes clairs et ordinaires, le ministre qatari a exercé sur notre pays une intolérable pression et rajouté son intimidation à la série que le gouvernement algérien a eu à subir, de la rodomontade de Sarkozy lui enjoignant de laisser manifester la CNCD à celle d’Hilary Clinton impatiente de voir les prochains pas du gouvernement dans la bonne direction. Cette histoire de mercenaires vient confirmer dans un extraordinaire, et paradoxalement immédiatement intelligible, métalangage le message général : d’une façon ou d’une autre, l’Algérie doit se déterminer en fonction des dilemmes artificiellement énoncés par les grandes puissances et selon leurs désirs et non en fonction de ses intérêts et de ses principes. Cette histoire de mercenaires tués ou faits prisonniers - où sont les images alors qu’El Jazeera et France 24 opèrent chez elles à Benghazi -  reliée aux déclarations des diplomates qui ne prennent plus de gants avec l’Etat algérien ne peut être comprise que comme un avertissement supplémentaire qu’on instruit quelque part un dossier «Algérie». Et que cette affaire de mercenaires est un élément à charge de plus dans ce dossier. Un processus mental, très curieux, s’est mis en place autour de cette accusation : la validation du principe de responsabilité collective.Ainsi, le pouvoir est responsable des choix politiques ou professionnels des Algériens expatriés. C’est avec cette logique de la responsabilité collective que l’armée coloniale a rasé des villages et des tribus ou livré leurs populations à la bestialité sanguinaire de ses soldats. Ce retour à cette vieille pratique de la responsabilité collective est évidemment utilisé pour paralyser l’Etat algérien dans ses démarches pour une solution politique, à défaut de l’obliger de prendre fait et cause pour le Conseil national de transition. Il vise également à nous effrayer en tant que peuple : «Voilà ce que vous risquez si vous ne faites pas changer d’avis votre gouvernement.» C’est ce que répètent rituellement les Etats-Unis, Israël et l’Union européenne à différents peuples de la planète, mais plus particulièrement aux Palestiniens et aux Libanais. Et ils le disent textuellement «frapper et affamer» pour que les Palestiniens comprennent que le Hamas est un mauvais choix.

Des menaces à peine voilées
Beaucoup diront que nous n’en sommes pas là pour l’Algérie. Ils se trompent. Susciter un sentiment de peur chez la population, c’est créer la pression sur les gouvernants, mais c’est aussi creuser le fossé entre les gouvernants et les gouvernés. En tout cas, le creuser entre les gouvernants et les élites économiques, sociales ou culturelles qui auraient à perdre quelque chose dans le conflit. Les journaux algériens qui s’ingénient à «valider» cette idée de la responsabilité collective savent très bien que leur rôle est essentiel pour rendre «normale» cette idée que les grandes puissances seraient en droit d’exercer sur nous des représailles. C’est bien dans notre presse locale qu’un ancien haut - et même très haut - responsable s’évertue à nous expliquer que la résolution sur la Libye vient de parachever un processus de transformation des bases juridiques des relations internationales et que maintenant les gouvernements locaux, et forcément africains, doivent rendre compte de leurs actes à la communauté internationale. Il ne dit pas autre chose qu’un amiral français. La résolution sur la Libye serait donc de protée universelle. Cette interprétation est aussi une intimidation, une façon de menacer.Plus importante encore reste l’interrogation sur l’absence de contre-feu à cette véritable campagne qui veut convaincre et le peuple et le pouvoir à renoncer à l’idée qu’il n’existe plus d’intérêt national, ni de principe de souveraineté nationale, ni de validité de l’Etat national, etc. Nous sommes arrivés à la dernière ligne de sensibilité : pourquoi avoir fait le 1er Novembre 1954 et pourquoi sept et ans et demi d’une guerre atroce si l’idée même d’Etat national n’est pas valide ? Ce n’est même pas une réponse à nos ultralibéraux qui se gaussent des concepts de développement national et d’Etat national. Ils savent très bien que leurs orientations et leurs propositions débouchent inéluctablement sur la disparition de l’Etat national, sur la remise en cause du 1er Novembre. A quoi d’autre devait servir la caravane avortée pour Albert Camus sponsorisée par un grand patron de l’agroalimentaire et à quoi va servir le film financé par l’Algérie sur le même Camus et qui devaient les deux nous convaincre de la bonté et de la grandeur de nos colonisateurs ?

Françafrique, le visage du néo-colonialisme
Par nécessité, la France a dû accélérer la «solution» de la crise ivoirienne. Par nécessité aussi, quelques photos de l’arrestation rappellent irrésistiblement la mise à mort de Patrice Lumumba. Par tout autant de nécessité, cet acte de pure essence coloniale nous rappelle que pour Lumumba comme pour Gbagbo, derrière le meurtre et derrière l’intervention, il y a d’immenses intérêts financiers et d’immenses richesses et ressources naturelles. Personne parmi notre jeunesse ne sait que les officiers belges qui l’ont tué en janvier 1961 et dissous son corps dans de l’acide agissaient pour garder au royaume de cette Belgique, aujourd’hui en guerre contre la Libye, sa mainmise sur le pays. Ils l’ont tué pour annihiler et tuer dans l’œuf toute velléité d’aller plus loin que le folklore d’un drapeau pour toute indépendance. Notre jeunesse sait peut-être encore moins que les libérateurs de cette époque savaient très bien que le colonialisme est une phase du capitalisme en expansion territoriale - en phase de mondialisation - et que, pour cela, il fallait nous arracher des griffes de ce capitalisme pour véritablement ne plus en dépendre pour résoudre nos problèmes. Nos ultralibéraux nous parlent de la mondialisation comme s’ils nous faisaient découvrir le fil à couper le beurre. La mondialisation, nous la connaissons depuis les galeries des sociétés minières aux chantiers de l’esclavage colonial de construction des chemins de fer et des routes pour transporter le minerai sorti de ces galeries.En fait, cette série d’intimidations politiques accompagnées d’alertes doctrinales ont une histoire. On n’en connaît pas encore leur fin, mais elles ont un début : la loi de finances complémentaire de 2009. Depuis, pressions externes et pressions internes se sont accrues. L’essentiel de ces messages est qu’il n’est pas question pour l’Algérie de corriger quoi que ce soit et qu’elle doit revenir à une situation d’ouverture toujours plus grande de son marché. On se souvient de cette fameuse contribution de Taïeb Hafsi brandie comme une proclamation par cinq titres de la presse en «une» et le même jour pour crier au danger du retour du  socialisme et de l’étatisme. Elle fut vite enterrée car, d’entrée, elle souffrait du bilan catastrophique de l’ouverture
ultralibérale.Depuis, beaucoup d’encre a coulé sous les ponts. Des catégories de plus en plus nombreuses de la population entrent dans la contestation active et dans la lutte pour leurs droits. Les étudiants viennent de donner à cette contestation généralisée les perspectives d’une grande espérance. Nous avons noté la rage de ces journaux quand les mesures en faveur de la jeunesse pour
leurs projets ou pour leur recrutement dans les entreprises publiques ont été prises. Cet argent n’allait pas dans les poches des maîtres de l’import-import et ils en étaient furieux. Ils ont été encore plus furieux que les masses considérables en mouvement pour leurs droits ont clairement signifié son congé à la CNCD, création de la presse ultralibérale.

Quand la conscience du peuple s’éveille
La montée de ces luttes sociales montre un facteur du rapport de force totalement inattendu et dont les renseignements étrangers et les ambassades rompues à la subversion devinent l’inestimable valeur : un peuple et une jeunesse qui se sont réveillés à la lutte ne croient plus beaucoup aux sauveurs venus d’ailleurs. Ils commencent à croire en leurs propres forces et dans leurs propres capacités d’organisation. La presse ultralibérale et ses annonceurs savent que cette entrée des masses dans la lutte sociale influera sur la nature de l’Etat, car elle arrachera en partie l’Etat national au monopole des importateurs.A juste titre, nous pouvons souligner que ces luttes incessantes viennent de connaître un bond qualitatif. Elles agissent sur le cœur des orientations qui ont rabaissé notre économie, notre université et notre vie sociale et culturelle. C’est une lutte du peuple pour se réapproprier son pays et si possible son Etat. Il n’en fait aucun doute que ces luttes pèseront lourd dans la balance et, qu’à leur faveur, les puissances qui nous menacent réfléchiront deux fois avant d’agir. Pour les vieux militants algériens qui en connaissent le prix, il est facile de comprendre combien ces luttes jouent déjà et joueront dans le proche avenir un rôle patriotique éminent en nous rendant l’Algérie plus belle et plus proche de nos rêves de justice. Cela rend encore plus incompréhensible la frilosité des militants anti-impérialistes, mais cela rendra encore plus furieux les ultralibéraux, dont un article paru mardi dernier dans un quotidien de l’Ouest nous alerte, sans le vouloir, sur une nouvelle campagne de promotion d’un livre de recettes ultralibérales. La thèse fondamentale ? On la connaît déjà : pour avoir des IDE, il ne faut plus que des lois. Il faut un «climat» des affaires, c’est-à-dire toutes les possibilités ouvertes pour détourner ces lois, et il faut une visibilité de vingt à vingt-cinq ans, c’est-à-dire remettez-nous le pouvoir et «dégagez».Le résumé est facile : «dégagez» en vertu des explications ultralibérales ou vous «dégagerez» en vertu des bombes venues au secours de la démocratie, le nouveau pseudo du capitalisme. Lumumba est mort pour avoir cru dans l’indépendance et pour avoir refusé ces raisons. Est-il si difficile pour les patriotes algériens d’élever la voix pour ne laisser aucun assassin moderne des Lumumba modernes approcher l’Algérie ?

 M. B.

http://www.latribune-online.com/suplements/culturel/50471.html?print

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