DEVOIR DE MÉMOIRE : L’ENTRÉE DANS LA DÉCENNIE 1990

Publié le par Mahi Ahmed

DEVOIR DE MÉMOIRE : L’ENTRÉE DANS LA DÉCENNIE 1990

mercredi, 1er mai 2019 / raina

 

L’Algérie entre dans la décennie 1990 avec une nouvelle constitution, votée en février 1989 qui consacre l’abandon de la référence à la Charte nationale ainsi qu’au socialisme et la disparition des articles 94 et 95 de la constitution de 1976 disposant que « le système institutionnel algérien repose sur le principe du parti unique » et que « le FLN est le parti unique du pays ».Le multipartisme fait son entrée sur la scène politique. 30 puis 60 partis émergent, les associations (féminines, culturelles) sortent de la clandestinité et une presse d’une grande liberté de ton fait son apparition. Par la loi du 3 avril 1990, le gouvernement « Réformateur » de Mouloud Hamrouche met fin à près de trente ans de monopole de l’État sur les médias écrits et audiovisuels. On dénombre alors pas moins de 169 périodiques, dont la moitié sont écrits en français. Mais cette ouverture politique se caractérise surtout par un phénomène de « déversement de la religion dans la politique », selon l’expression de Jacques Berque. Le FIS (Front islamique du salut) en sera le principal bénéficiaire aussi bien que le plus puissant protagoniste. En juin 1990, le FIS remporte, les premières élections pluralistes de l’Algérie indépendante. Il rafle 856 des 1541 APC (assemblées populaires communales) soit 55,5 % du total contre 31,6 % pour lez FLN soit 486 sièges. Fraîchement sorti de la clandestinité, le PAGS (Parti de l’avant-garde Socialiste, communiste) s’inscrit dans le jeu politique électoral, en présentant 56 listes pour les 1541 APC et 33 listes pour les 277 APW (assemblées populaires de wilaya). Seules 25 000 voix se portent sur les listes de ce parti.

Le quadrillage islamiste des quartiers se met en place : « baladiyaislamiya », « souk islamiya », les conservatoires sont fermés, les Maisons de jeunes squattées, les mosquées se transforment en permanences politiques du FIS. Les prêches du vendredi deviennent l’instrument de l’agit-prop islamiste. Mariages, circoncisions, festivités ou deuils tout est prétexte au déploiement des « akhinas » (les frères). La culture du « layadjouze » (interdit) sévit systématiquement. Galas artistiques, soirées théâtrales, manifestations culturelles sont perturbées et empêchées. Aux marches des démocrates répondent les démonstrations de force massives et puissamment encadrées des islamistes. Les actes de violence islamiste se multiplient. La démocratie est « kofr » (apostasie), déclare un de leurs dirigeants

Le mouvement islamiste opère sur une base sociale large, floue et mouvante que rallie la seule photographie des rapports sociaux du type « eux », les gens du pouvoir et « nous », la masse indifférenciée qui n’en fait pas partie, clivage passe partout qui absorbe tous les autres. S’y retrouve un conglomérat de groupes sociaux : les couches mercantiles, les élites arabophones, les petits commerçants et artisans, les petits propriétaires terriens expropriés, les trabendistes et affairistes, la masse des femmes au foyer attachées aux traditions,….

L’année 1991 se termine par des élections législatives dont les résultats du premier tour font ressortir l’éventualité que la prochaine APN (Assemblée populaire nationale-le Parlement) soit dominée par les députés du FIS. A l’issue du premier tour des élections législatives, tenues le 27 décembre 1991, le FIS s’adjuge 47,27% des voix (avec 188 sièges et 3.260.222 voix recueillies sur 7.822.625 votants et 6.897.719 suffrages exprimés), devançant largement le FFS qui obtient 7,40% des voix (25 sièges et 510.661 voix) et le FLN avec 16 sièges et 1.612.947 voix, soit 23,38%. Avant le deuxième tour, le président Chadli Bendjedid démissionne, le 12 janvier 1992, et les élections sont annulées. Un Haut comité d’État (HCE) est formé, il est dépositaire de la charge du président de la république. Mohamed Boudiaf, rappelé d’exil, est à la tête de cette instance de suppléance. Le gouvernement Ghozali poursuit sa mission dans le cadre de l’état d’urgence. La priorité des autorités est à « la sécurité et la quiétude du citoyen » .

L’Algérie va alors traverser une longue décennie 90 de bouleversements violents et dramatiques sans précédent depuis l’indépendance. L’État national est ébranlé dans ses fondements, maints indices en attestent :

* L’impressionnant « turn over » des chefs d’Etat et des chefs de gouvernement. En l’espace de dix ans, cinq pour les premiers dont un, Mohamed Boudiaf, assassiné en direct à la télévision et dix pour les seconds.

* La décomposition du système du parti unique dans un multipartisme à base religieuse, régionale, clanique, linguistique..., sans pluralisme politique ni idéologique réel.

* L’effondrement de l’économie administrée symbolisé par le recours au rééchelonnement-tabou et au programme d’ajustement structurel du FMI et signé par l’explosion d’un libéralisme de bazar.

* La fracture en tous sens du lien sociale sous les coups de la violence terroriste, « libérée » des « autocontrôles », qui a atteint des sommets de barbarie inégales : bébés brûlés vifs, femmes enceintes éventrées, vieillards décapités, femmes et hommes de progrès et de lumière égorgés, soldats de la république et simples travailleurs abattus...

 

Abdeltif Rebah

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article