LE ROSE ET LE PIRE

Publié le par Mahi Ahmed

LE ROSE ET LE PIRE

par K. Selim

Les autorités algériennes ont fait hier une démonstration de force disproportionnée pour contrer un appel à manifester dans la capitale. Médiatiquement parlant, le RCD, qui s'est empressé d'embrayer sur la vague tunisienne, en tire un petit bénéfice. Ce n'est pas le plus important.

 Le plus important, ce sont les messages qui seront retenus par les Algériens comme par les observateurs étrangers : on ne change rien ! La révolution tunisienne, avec son déroulement aussi rapide qu'imprévu, ne constitue pas aux yeux du pouvoir une raison pour changer ou, pour faire plus simple, ouvrir et déverrouiller. On fait donc mine de croire que l'Algérie dispose d'institutions et d'un espace politique où l'expression des idées et des opinons divergentes est assurée. On baigne dans la même autosatisfaction qui prévalait chez le voisin tunisien. Tout est bien fermé et bien contrôlé
… Jusqu'à ce qu'une émeute arrive et qu'un responsable demande, sans le moindre humour, aux gens de s'exprimer par des moyens pacifiques.

 Le message est tellement fruste que certains se prennent à douter de son caractère définitif. Cert
ains en effet, qui croient que la sagesse et le bon sens n'ont pas déserté tout à fait le pouvoir, pensent que l'ouverture est inéluctable. Mais que le régime ne veut pas la faire sous la pression de la révolution tunisienne, qui est dans tous les esprits. La réponse immédiate à la contagion immolatrice et contestataire qui vient de l'Est est de l'ordre du sécuritaire. Et de la gestion des prix des denrées alimentaires. Ce scénario rose voudrait donc que le régime s'occupe de ce qu'il considère le plus urgent, avant de songer à apporter des réponses aux questions politiques de fond que la révolution tunisienne pose à l'Algérie.

 Mais si l'adage dit que le pire n'est jamais sûr, on peut en dire autant des scénarios roses. Le système algérien, qui n'a pas changé, vit toujours sous le syndrome de la «mal-votation» des Algériens en décembre 91. Toute son action a consisté à remettre en cause les ouvertures concédées à Octobre 88 et revenir, avec la préservation du décor multipartiste, au système de quasi-parti unique. Dans ce domaine, les tenants du pouvoir considèrent qu'ils ont accompli un chef-d'œuvre. On a les partis politiques en nombre largement suffisant
– peu importe qu'ils se comportent en agents dormants qui ne se réveillent que sur injonction – et une presse qui anime plus ou moins le débat. Et quand des émeutes ont lieu, on s'empressera rapidement de dire que la réponse n'est pas de l'ordre du politique mais de l'organisation économique et du social. Cette conception est désormais confortée par l'aisance financière qui permet de faire un peu de redistribution, sans pour autant faire de la création de richesses.

 En réalité, hormis des signes extérieurs de nervosité sécuritaire, on ne sait même pas si la chute du régime de Ben Ali inspire une quelconque réflexion. On est même enclin à croire que le scénario rose est justement trop rose
… et que les Algériens sont condamnés à ne pas trouver les bons raccourcis pour sortir de la crise. Et qu'ils doivent la vivre jusqu'au bout.

http://www.lequotidien-oran.com/?news=5148344

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article