Octobre88- 5 A Rouiba, le "5 octobre" avait commencé le 4 !
A Rouiba, le "5 octobre" avait commencé le 4 !
informations sur les affrontements n’ont pas tardé à se répandre dans la ville de Rouiba ce qui a provoqué une émeute menée par les jeunes qui prennent le chemin de la zone industrielle
Abdelkrim Ghezali
La veille du 5 octobre 1988, le mouvement de protestation des travailleurs a pris de l’ ampleur. Je suis l’évolution de cette protesta à travers les comptes rendus, d’amis syndicalistes présents sur le terrain, puisqu’ils sont impliqués dans la grève générale.
L’atmosphère était tendue depuis le début de l’été, voire même avant. Des barrages ont été dressés par les citoyens dans différentes régions du pays pour soulager les transports de semoule de leur charge et la distribuer aux populations. Le 19 septembre, Chadli a prononcé un discours, qui aurait mis le feu aux poudres, selon certaines analyses, mais la révolte était latente depuis longtemps.
J’avais fait une tournée dans certaines villes de l’Est et j’ai constaté un ras-le-bol grandissant chez toutes les catégories socio-professionnelles contre le pouvoir et sa gestion des affaires publiques, contre la corruption, les malversations, le népotisme, la hogra, la bureaucratie mais sans formulation d’une alternative ni de vision d’une action commune.
Après le discours prononcé par Chadli le 19 septembre, la colère diffuse prend la forme d’un puissant mouvement de protestation ouvrière qui a touché pratiquement toutes les grandes entreprises notamment les zones industrielles.
Entre le 23 et le 24 septembre, la grève contre la cherté de la vie était générale et nationale. A Rouiba, bastion de la résistance des travailleurs, le ton est donné. Face aux autorités qui font la sourde oreille, les grévistes ont décidé de marcher sur la ville de Rouiba mais les forces répressives ont barré la nationale 5 et ont commencé à bastonner les protestataires.
Les informations sur les affrontements n’ont pas tardé à se répandre dans la ville de Rouiba ce qui a provoqué une émeute menée par les jeunes qui prennent le chemin de la zone industrielle en scandant “Rouiba ya dine ezzah”. Le mouvement de solidarité des jeunes rouibéens avec les travailleurs de la zone industrielle s’est propagé comme une traînée de poudre à travers la capitale et le soir même du 4 octobre des émeutes ont éclaté à Bab El Oued. Une première victime est tombée, il s’agit d’un policier lynché par la foule déchaînée.
Ce n’est que tard dans la nuit qu’un calme précaire s’est installé. Mais ce n’est qu’une trêve puisque dès les premières lueurs de l’aube, des jeunes ont commencé à s’amasser dans différents quartiers d’Alger scandant des mots d’ordre hostiles aux autorités nationales et locales, notamment contre Chadli et son épouse.
Le 5 Octobre 1988, les émeutes ont embrasé tout Alger et ont touché toute les grandes villes du pays. Le printemps automnal a fleuri partout, rejetant les mauvaises herbes natives des saisons factices.