Les tribus face à la propriété individuelle en Algérie. Sénatus-Consulte de 1863 et loi Warnier de 1873

Publié le par Mahi Ahmed

Les tribus face à la propriété individuelle en Algérie.

Sénatus-Consulte de 1863 et loi Warnier de 1873

Omar BESSAOUD

Administrateur scientifique

CIHEAM-IAMM-Montpellier

European Rural History Organization

University of Geronia (Spain)

7-10 September 2015

La possession collective liée très étroitement à des “ genres de vie ” pastoraux et agro-pastoraux a eu, jusqu’à la fin du XIXéme siècle, le primat en Algérie. La propriété paysanne de statut melk (privé) ne s’est développée, avant la colonisation française, que dans la périphérie de villes qui ont été pour certaines dans le passé, le siège d’Etats dynastiques ou de pouvoirs politiques, dans des communautés villageoises évoluant dans des massifs montagneux ou dans les oasis du Sud. Avec sa volonté de fixer les populations nomades et semi-nomades, la colonisation française, va non seulement opérer une rupture radicale dans l’utilisation complémentaire des espaces agricoles et de leurs potentialités ; dans le même temps, elle poursuivra l’objectif de ruiner les bases matérielles des communautés rurales et des tribus en les privant de l’exploitation de leurs ressources foncières, de leurs parcours et de leurs forêts[1]. Ces buts explicites (« la domination doit suivre la colonisation pas à pas ») seront réalisés par des moyens militaires, d’une part, et administratifs et juridiques d’autre part. Pour reprendre une formule empruntée par le Dr Warnier aux Saint-Simoniens, il fallait « assurer la domination par la colonisation », suite logique de la conquête française de l’Algérie[2] . Tout l’arsenal juridique et politico-militaire du système colonial français visait au XIXème siècle à atteindre un objectif majeur pour assurer cette colonisation : la destruction de la propriété collective et de l'organisation tribale qui lui correspondait.

Le principe de la colonisation de l’Algérie ayant été retenu après de vifs débats au sein des institutions et des milieux politiques français, deux textes législatifs vont contribuer à la constitution/consolidation du fonds de terre de la colonisation : le Sénatus-Consulte de 1863 et la Loi Warnier de 1973. Ces deux lois apparemment opposées ont durablement bouleversé l’ordre tribal. La première déclarait les tribus « propriétaires des territoires dont elles ont la jouissance permanente et traditionnelle, à quelque titre que ce soit » ; alors que la seconde soumettait dorénavant à la législation française « l'établissement et la conservation de la propriété foncière en Algérie ainsi que le transfert contractuel des biens et droits immobiliers ».

De toutes les lois foncières adoptées dans l’objectif de mobiliser des terres pour les centres de colonisation, le Sénatus-Consulte de 1863 et la loi Warnier de 1873 ont été des instruments efficaces dans le processus de désagrégation des communautés rurales locales, de leurs institutions, de leur fonctionnement, ainsi que de la reproduction de leurs cadres culturels et religieux. L’intrusion du « droit commun » régissant les droits de propriété (Droit civil français) au sein des sociétés traditionnelles va accomplir, non sans résistance, un processus de domination coloniale lourdement relayé par la force et la puissance militaire[3].

L’objet de cette communication, vise à décrire les mécanismes concrets de désagrégation-destruction des tribus sous l’effet des lois foncières, à analyser le processus de déconstruction des institutions juridiques, culturelles et religieuses qui les accompagnent, à évaluer enfin, au-delà du « récit colonial » et des arguments idéologiques visant à donner une légitimité à la colonisation française en Algérie (1830-1962), les conséquences de ces actions.

Avant, de décrire les moyens de la domination et les effets de la conquête coloniale, il est peut être utile de rappeler quelques données historiques portant sur les modes d’organisation de la société rurale ainsi que sur les formes de propriété de l’Algérie précoloniale, ceci afin de bien saisir quel changement majeur fut introduit par la colonisation française dans l’économie et les modes d’organisation de la société algérienne.

  1. « Vocations naturelles », organisation socio-économique et statuts fonciers de l’Algérie précoloniale

L’Algérie était généralement décrite dans les travaux français comme une terre fertile ayant sombré dans la décadence à cause des techniques « primitives » des « autochtones paresseux », des « hordes de nomades arabes et d’éleveurs voraces». Le récit colonial stigmatise en particulier les éleveurs, pour avoir « déboisé et dégradé », ce qui était autrefois, en apparence, le très fertile « grenier à blé de Rome[4] »… L’Algérie est dans sa grande partie un pays aride et semi-aride. Région tellienne et espaces steppiques offrent des conditions bien adaptées à l’activité céréalière et à l’élevage ovin. Les régions littorales, de plaines humides et des oasis sont adaptées à des activités agricoles où se combinent des systèmes de polyculture associés à l’élevage et aux plantations (oliviers et figuiers).

Il convient de rappeler que l'Algérie rurale de l’antiquité jusqu’à la fin du XIXème siècle, était qualifiée de fondamentalement pastorale et agro-pastorale[5]. L’élevage restait l’activité la plus importante et l’effectif de ce cheptel était si important que l’historien grec Polybe (IIéme siècle avant J-C) “ ne pensait pas que l’on puisse trouver rien de semblable dans tout le reste de la terre[6]”. Strabon (Ier siècle de notre ère), relate de son côté que les Numides, qui étaient divisés en tribus étaient essentiellement de tradition nomade. L’organisation de l’espace agricole au cours de cette période se caractérise par une adaptation des populations aux éléments offerts par le milieu naturel. Les formes de production sont fondées sur le régime de la propriété tribo-communautaire. Cette forme de propriété autorisent une exploitation complémentaire des ressources disponibles à l’intérieur des différents domaines bio-climatiques (montagnes/plaines, forêts/terres de culture, hautes plaines/steppe). Nous savons , qu’à un espace agricole dont la mise en valeur était réalisée par un réseau de villae et d’exploitations agricoles organisées autour d’établissements à caractère originellement défensif[7] succédait un autre espace où l’élément déterminant du paysage agraire était constitué par de petites et moyennes agglomérations paysannes, car comme le note Lacroix " des tribus plus sédentaires habitaient dans des villages formés de cabanes, et s’adonnaient à la culture du sol en même temps qu’à l’éducation du bétail [8]. Si les dominations romaines (-200 ans avant J-C au Vème siècle), vandales et byzantines (VIème) ont modifié, avec l’invention des latifundia et les spécialisations céréalières, les modes d’exploitation des territoires colonisés délimités par le « limes », la soumission des Berbères à l’égard de Rome n’a été, selon la formule d’Ibn-Khaldun, que “ précaire et temporaire[9]. Les tribus n’ont pas été absorbées par la colonisation romaine et fixées au sol. L’agro-pastoralisme et le nomadisme restaient le mode d’organisation de la production dans les régions de hautes plaines et les steppes pré-sahariennes. Les nomades et agro-pasteurs adaptaient leurs techniques d’élevage à l’écologie locale et planifiaient le mouvement de leurs troupeaux en fonction des saisons. D’autres communautés villageoises, sédentarisées sur des espaces montagnards et des terres échappant au contrôle de l’Empire romain, continuent d’exploiter, céréales, olivier, figuiers et arbres fruitiers[10].

A la veille de l’arrivée des Arabes (fin du VIIème siècle), Ibn Khaldun note qu’à l’opposé des autres pays étrangers, « où la civilisation est villageoise et citadine, comme en Espagne, en Syrie, en Egypte ou dans l’Irak persan »[11], la civilisation de « la population d’Ifrîkya et du Maghreb est en majorité bédouine.»[12]. Si le monde rural est structuré par ces populations nomades, il est toutefois difficile de ne pas évoquer le rôle exercé par les cités intérieures du Maghreb précolonial et leurs influences sur les campagnes[13]. La prospérité des villes se fonde essentiellement sur l’emprise foncière de terres des plaines situées sur ses périmètres de rayonnement, et/ou d’activités agricoles développées par des populations paysannes placées sous leur contrôle et qui les approvisionnent[14]. Ces villes, dont certaines sont le siège d’Etats dynastiques qui se succèdent jusqu’au XIVème siècle, vont tracer ou consolider les contours de nouveaux espaces agricoles ; ceux des plaines péri-urbaines (le fahç ou le hawz) et de zones de montagne cultivées intensivement, employant des techniques de mise en valeur plus élaborées (puits et machines hydrauliques), consacrant des modes de propriété individuelle (le melk) qui marqueront les structures agraires de l’Algérie jusqu’à nos jours. Les îlots de propriété foncière - privée - prédomineront dans la périphérie des centres urbains, dans certains massifs montagneux ou les oasis du Sud. Hormis les montagnes de tradition melk, la grande partie de l’Algérie du Nord étaient caractérisée organisée autour d'activités pastorales et semi-pastorales (combinant élevage et exploitation extensive de terres céréalières) avec des formes communautaires et collectives d'appropriation des ressources et un habitat semi-dispersé en mechtas ; dans les hautes plaines prédominaient une population de pasteurs et de semi-nomades. La répartition spatiale des formes d’exploitation du sol entre les populations sédentaires (des plaines et vallées intérieures proches des villes et des hameaux fortifiés, des villages de montagne, sièges d’une polyculture et d’une arboriculture paysannes), et les populations nomades et semi-nomades (qui associent plus ou moins étroitement la culture des céréales et les déplacements de troupeaux) se modifiera selon les époques. Les limites entre terres de propriété collective et celles marquées du sceau de la propriété individuelle- « melk »- ne sont pas immuables et figées : les rapports de force entre les pouvoirs en place, les évolutions démographiques, et les accidents naturels (sécheresse, inondations, invasions de sauterelles...), les différenciations sociales à l’œuvre au sein des tribus déterminent les statuts fonciers et les modes d’appropriation[15]. Dans la Muqqaddima, Ibn-Khaldun décrit avec précision les modes de constitution des propriétés et possessions de fermes par les citadins[16]. Il développe également une approche du fonctionnement des marchés fonciers qui étaient marqués, selon les indications qu’il en donne, dans les périodes d’essor de la « civilisation urbaine », par des fluctuations des prix et une forte spéculation foncière. La dépendance des campagnes et des paysans se révélait également à l’occasion d’une fiscalité (le kharâj payé en céréales ou en argent) qui s’exerçait sur un rayon plus ou moins large et selon les puissances politiques et militaires constituées du moment.

La période ottomane héritera des territoires agricoles façonnés au cours des précédentes périodes. Elle les marquera à son tour de son empreinte, et les changements affecteront statuts juridiques des terres, structures agraires et modes de gestion foncières des espaces agricoles.

La propriété citadine (melk) domine dans les milieux agricoles riches et cultivés intensivement. Nous savons par plusieurs sources, que “ les jardins [des] fahç étaient possédés par les riches commerçants, les patrons hdar, des membres de tribus maghzen ou des dignitaires turcs[17]. Les haouch de la Mitidja, vastes fermes travaillées par des khammès, des captifs de la course[18] et des ouvriers agricoles, appartenaient à des propriétaires fonciers ou à des dignitaires de la Régence. Hamdan Khodja, auteur du Miroir, se déclare par exemple “ possesseur de père en fils d’une assez grande partie de cette plaine, comme les familles Bougandoura et Nasseph Khodja… ”[19]. Les exploitations agricoles et les vergers arboricole et oléicole des massifs montagneux obéissaient quant à eux, davantage aux règles qui régissent la propriété familiale indivise (statut melk).

Des propriétés dites beylicales ou du makhzen s’étendaient sur une grande partie des territoires agricoles contrôlés par la Régence turque. Ainsi, pour Constantine, l’on sait que “ tous les douars qu’on trouve dans un rayon de dix lieux forment pour ainsi dire une dépendance de la ville (de Constantine), parce qu’ils appartenaient au beylik[20] et aux plus riches habitants (maures et turcs). Ce n’est guère au-delà de cette distance qu’on trouve des peuplades sédentaires...Une grande partie des terres qui avoisinent Constantine appartient au domaine public ; la jouissance en était accordée aux hauts fonctionnaires du beylik. Les Arabes qui les travaillaient pour le compte de ceux-là retenaient seulement 1/5 du produit [21]. Par ailleurs, “ comme le beylik hérite de tout homme qui ne laisse point de postérité, il se trouve possesseur d'un grand nombre de ces jardins et de ses métairies, qui fournissent tout ce qui est nécessaire pour l'armement des corsaires, la provision des camps et des garnisons et la table du gouvernement et celle de l'ogeac»[22].

Il y avait aussi les terres azelières, terres confisquées par la Régence ou achetées aux tribus, et donc appartenant au domaine public mais qui sont concédées et administrées par des groupes sociaux alliés de la Régence et des tribus dites azelas qui acceptent de lever des troupes pour le dey. Les terres arables et de parcours des hautes plaines et de la steppe sont collectives et de statut collectif (arch). Elles étaient occupées le plus souvent par des tribus qui en avaient la jouissance selon des modes définis par les collectivités. Si terre arch est de « jouissance communautaire dont la tribu est souveraine (…) l’appropriation, elle est toujours individuelle même dans l’indivision»[23]. Le statut « arch » pouvait se retrouver également dans les zones de montagne ou de piémont.

Il y a enfin les terres Waqfs ou habous terres de fondations religieuses privés ou publiques et qui se déploient dans les régions où s’organisent de fortes communautés religieuses, des familles maraboutiques de tradition urbaine ou rurale. Les familles adoptent ce statut pour se protéger contre les abus des dignitaires ou des représentants de la régence, d’exclure les femmes de l’héritage ou d’échapper à la fiscalité.

Il y a en effet, un fort prélèvement fiscal de l'Etat Turc : le Djabri, impôt foncier forfaitaire, le Ouchour et la Ghrama, impôts versés en nature proportionnellement au nombre de charrues ou de terres labourées. Le beylik lève également la ghrama sur la récolte “ qui est au moins de un sur dix, et plus ordinairement un sur huit ” selon Venture de Paradis et " les terres ensemencées payent en nature une certaine quantité de mesures pour chaque paire de bœufs employées au labourage. Ce droit n'est pas non plus uniforme ; il y en a qui payent 10%, d'autres 5, d'autres 15, ..."[24].

Les modes de propriété et les formes de répartition des terres existants sous la Régence turque conduiront dans les faits à des processus de polarisation sociale qui se traduiront, d’une part , par un renforcement de la classe des grands propriétaires fonciers d’origine citadine (dignitaires de la Régence, Kouloughlis[25], citadins et chefs de tribus alliés) et, d’autre part, par un accroissement du nombre de khammès et de métayers. Selon certaines estimations la population rurale du Constantinois comptait, à la veille de l’occupation française, 20 % de khammès[26]. Les prélèvements fiscaux ruineront, par ailleurs, les possibilités d’expansion des petits propriétaires et des petits jardiniers des banlieues péri-urbaines. Les sociétés paysannes avec un solide attachement au terroir, une mise en valeur intensive de la terre dans le cadre privé (droit melk) et une forte cohésion sociale resteront, comme par le passé, localisées ou cantonnées dans les espaces agricoles dominées par les villes, dans certains massifs montagneux (ou fonds de vallées) et à l’intérieur des zones oasiennes.

Comme le signalait judicieusement R. Gallissot[27], « la domination turque [...] représente pour l’époque un fait d’extension de la souveraineté générale de l’Empire Ottoman », et non comme le sera la domination coloniale un fait lié au développement d’un mode de production (le capitalisme). Les régions, commandées par des armées aux effectifs limités et par un corps de dignitaires « turcs » impose aux populations plus une pression fiscale qu’un contrôle sur les ressources foncières et forestières. La propriété individuelle est citadine avec la création de « haouchs », fermes où sont employés des « esclaves blancs », captifs des « barbaresques », des renégats ou des khammès indigènes.

Jusqu’au XIXème siècle, comme le faisait remarquer Marx, l’Algérie aurait ainsi gardé des traces importantes de la forme de la propriété foncière (propriété tribale, collective et indivise) qu’il qualifiera d’archaïque[28]. Cela ne signifie pas précise Marx que la propriété algérienne est purement collective. Des formes intermédiaires existent, telles que l’exploitation familiale non titrée ou la propriété individuelle transmissible, y compris dans les régions agro-pastorales. La forme d’organisation sociale restait, sur une immense partie du pays, à dominante tribale avec des ententes et/ou des conflits intra et inter tribus dans l’usage des ressources naturelles et/ou le contrôle de territoires- L’opposition équilibrée des groupes tenait lieu d’institutions et les communautés vivent sur le principe général du «divisez-vous pour ne pas être gouverné»[29], car comme le note J. Berque dans un article de référence, « ce qui unit une tribu Nord-Africaine, c’est sa volonté d’autonomie vis-à-vis du pouvoir central »[30].

Si dans le précapitalisme, époque de la domination de la Régence turque, « une armée peu nombreuse suffisait à mettre en allégeance » des tribus, la colonisation française qui intervient en Algérie reste une forme d’extension du capitalisme triomphant en France[31]. Cette colonisation a eu besoin non seulement de conquérir, c’est-à-dire d’occuper le territoire, mais aussi de défaire et de détruire par nécessité économique les formes de propriété et d’organisation sociale qui préexistaient. Fondée sur l’exploitation du pays et de ses habitants, elle a eu à mobiliser des terres et une main d’œuvre détachée de son groupe social d’appartenance, de sa communauté ou de sa tribu d’origine, main d’œuvre de salariés ou semi-salariés.

L’examen du processus de destruction des tribus en Algérie s’est effectué en deux phases complémentaires : une phase de conquête du pays par la guerre, de domination des territoires et de « compression »[32] des tribus, d’une part, et d’autre part, une phase d’installation et de rationalisation de la colonisation par des moyens administratifs (organisation communale), économiques (fiscalité, monnaie, crédit) et juridiques (lois foncières).

  1. De l’usage de la force brutale dans le processus de destruction des tribus : « la domination et la colonisation doivent se suivre pas à pas » (Warnier, 1846)

Le processus de colonisation de l’Algérie se déroule dans un contexte marqué par des rivalités portant à la fois sur l’avenir de la colonie et le système de colonisation à adopter par la France. De la Restauration (1830) à la IIIème République (1870), des luttes, qui masquent des enjeux de politique intérieure et extérieure de la France[33] ; opposent à propos du sort de l’Algérie, bourgeois-libéraux et tenants de la Monarchie de Juillet (années 1830), Républicains et Bonapartistes (au cours de la IIème République), «indigénophiles» et/ou « arabophiles » et partisans du « Royaume arabe » (au cours du IIème Empire). Les débats sur les formes de colonisation -« peuplement » ou « exploitation »-, sur les modes d’administration de la colonie - « administration civile » ou « militaire »- mettent en scène les « colonistes » et les «anticolonistes», et au sein même des «colonistes» entre ceux favorables à la «colonisation libre», et ceux qui conseillent une « colonisation officielle». Ces affrontements se sont toutefois développés sur la base d’un consensus, établi dès les premières années de l’occupation, sur la nécessité de conserver la conquête[34].

L’examen par le Dr Warnier d’un ouvrage écrit par le baron de l’Etang en 1840 intitulé « Des moyens d’assurer la domination française de l’Algérie », commente les formules clés, ou pour reprendre notre auteur, constitue le « Vade Mecum des officiers et employés du gouvernement en Algérie » de la colonisation[35]. Warnier évoque l’idée que « la domination est le but de la conquête » ; qu’elle a dû et doit précéder la colonisation, « mais la domination ne sera complète que par la colonisation ». Il précisait que « coloniser un pays, ce n’est pas seulement s’approprier le sol, c’est y porter ses lois, ses mœurs, ses arts, c’est se l’assimiler, c’est le civiliser », définition de la colonisation qui sera reprise dans le premier numéro de la célèbre Revue Africaine fondée en 1856[36].

L’enjeu des luttes entre «colonistes»[37] et «indigénophiles», est circonscrit au sort des terres algériennes et aux tribus. Les partisans de la colonisation de l’Algérie établissent très tôt, un lien dialectique entre l’organisation tribale et les structures foncières. L’organisation tribale est ainsi considérée comme un obstacle à la colonisation, car cette structure « longtemps impénétrable, refuge et citadelle indigène, a montré une faculté d’agression et de résistance qu’il importe de détruire »[38]. Cette opinion est partagée par l’auteur de « La Démocratie en Amérique », A. De Tocqueville, qui écrit les tribus sont des « petites nations complétement organisées… [qui]…les porteront toujours à nous faire la guerre »[39].

Il est donc impératif de « démanteler la tribu dans ses structures, dans ses richesses, dans ses terres », et en particulier de « rompre le lien charnel de la tribu avec la terre ». L’intrusion de la propriété individuelle et la création d’un cadre administratif pour les territoires indigènes doit parallèlement parachever le processus de dissolution de la tribu, « ce petit Etat dans l’Etat » et faire disparaitre ainsi « tous les obstacles contre lesquels nos efforts d’assimilation et de civilisation ont été impuissantes jusqu’à ce jour »[40].

Avant même que ne se réalise et triomphe la colonisation, la puissance coloniale a eu recours à ce qui fut qualifié de « guerre totale » visant à s’attaquer aux bases matérielle des tribus algériennes. Dans ce processus de destruction des conditions d’existence des tribus, deux périodes historiques sont à distinguer :

  • La première période « de conquête » (1841-47), au cours de laquelle le processus de destruction des formes communautaires s’accomplit avec une brutalité et une violence organisées, couvre celle où le Gouvernement Général de l’Algérie est confié au Maréchal Bugeaud.
  • La deuxième période « conquérante » (1852-1858) est caractérisée par une alliance entre l’armée et les colons C’est une période de transition vers une colonisation généralisée où se combine colonisation de peuplement et colonisation d’exploitation sous l’égide de grandes compagnies financières.

L’avènement de la IIIème République (1870) inaugure le triomphe définitif de la colonisation officielle et du Parti des colons d’Algérie.

2.1 Le temps de la conquête et de la « guerre totale » (1841-47)

Jusqu’en 1848, la colonie algérienne est un « champ militaire »[41]. L’objectif fixé par le pouvoir colonial au cours de cette période est clair. Comme l’écrit A. Bernard dans le manuel sur l’histoire de l’Algérie paru à la veille du Centenaire de l’Algérie : « On s’efforçait d’atteindre les indigènes dans leurs intérêts saisissables : récoltes sur pied, plantations, douars, bestiaux, silos »[42].

Cette orientation officielle découle d’une décision de la hiérarchie militaire en place. Dès les années 1840, Bugeaud formule dans les termes suivants une conception de la « guerre totale » qui sera mise en pratique par tous les « Africains »[43] : « on fait la guerre, dit-il, non aux armées mais aux intérêts des nations avec lesquelles on est en lutte »[44], et d’instruire l’ordre à ses commandants en Algérie « de ne pas courir après ces Arabes, ce qui est fort inutile ». Il faut précise-t-il, «…empêcher, dans votre zone, les Arabes de semer, de récolter, de pâturer… de jouir de leur champs…Il faut une grande invasion semblable à ce que faisaient les Francs, à ce que faisaient les Goths…». Le général Changarnier, l’un des célèbres Africains écrit pour sa part : « Après avoir ruiné Abdelkader et dispersé ses troupes, nous devons nous attaquer à la fortune mobilière et aux récoltes des tribus pour les convaincre à se soumettre. Une civilisation meilleure donnée à ces belles contrées doit être notre justification aux yeux des hommes et le sera, je l’espère aux yeux de Dieu »[45]. L’on peut évoquer également les propos d’un autre commandant du Maréchal Bugeaud, le général Montagnac qui proclame de son côté que, « Qui veut la fin veut les moyens. Selon moi, toutes les populations [d'Algérie] qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées, tout doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe ; l'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied ». « Ces razzias…étaient cependant un des moyens les plus puissants pour châtier les Arabes et les amènera se soumettre » commente le général Canrobert.

Les troupes se chargeront de resserrer le périmètre de vie des tribus et de les regrouper afin de les contrôler efficacement au moyen de postes militaires localisés à proximité. Même Tocqueville qui repousse l’idée d’une extermination –erreur commise selon lui contre les Indiens d’Amérique-, approuve l’idée de « comprimer » les Arabes : il ne trouve pas mauvais que « l’on brûle les moissons, que l’on vide les silos et que l’on s’empare des hommes sans armes rétifs à la civilisation… Ils sortiront de l’état de barbarie et seront alors attirés par nos marchés »[46].

De 1841 à 1847, Bugeaud mène ainsi une guerre de conquête de l’Algérie avec de nouvelles techniques, où les « colonnes infernales » du général de Saint Arnaud concurrencent les « voltigeurs de la mort » du Général Montagnac, ou d’autres « colonnes expéditionnaires légères » qui sillonnent le pays, et « où les razzias s’emparent des richesses et des troupeaux de l’adversaire et où la dévastation systématique ruine les régions en cours de soumission ». Il faut rappeler que l’’armée coloniale est supérieure en nombre, en puissance de tir et est dotée d’une artillerie que les troupes de l’Emir et les tribus qui résistent ne possèdent pas. Elle comptait 42 000 hommes en 1837, atteint 83 000 en 1842, 90 000 hommes en 1844 et finit par culminer à 108 000 hommes en 1846[47].

L’armée contrôle le ravitaillement en blé des nomades, surveille les transactions caravanières dans le sud « et peut donc tenir à merci les tribus récalcitrantes en les affamant »[48]. La destruction de tous les moyens d’existence et de production des tribus sont utilisées à grande échelle : destruction des villages, des champs, des silos de blé, des troupeaux, la confiscation des récoltes, des outillages... Peu à peu les actions de la guerre totale contribuent au resserrement et au refoulement des tribus hors de leurs territoires ; les foyers de résistance sont provisoirement brisés et les lieux de vie économique et sociale ruinés[49].

2.2Le temps du triomphe et de la raison coloniale (1852-1858).

Au cours de cette période, le processus de destruction de l’ordre tribal par la guerre se poursuit. Lors d’un débat au Parlement français, le député Didier déclare en 1851: « Nous devons activer la destruction des communautés fondées sur le sang : c’est là que se trouvent les chefs de l’opposition contre notre domination »[50]. Cette phase marquée par la brutalité se conjugue toutefois avec un processus de colonisation qui s’accélère : colonisation officielle de peuplement et colonisation d’exploitation sous l’égide de grandes compagnies financières[51]. La phase de conquête militaire du pays est toujours conduite par l’armée qui assure en 1857 la conquête de la Kabylie, atteint quelques territoires du Sud (Laghouat, le M’zab, Ouargla), s’installe dans les territoires du Souf et obtient l’acte d’allégeance de la grande confédération des Ouled Sidi Cheikh dans le sud oranais.

La phase de colonisation officielle est engagée après la Révolution de 1848 et l’avènement de la IIème République que les colons d’Algérie accueillent avec enthousiasme - Ces mêmes colons disputent aux bureaux arabes, assimilés à une institution impériale partisane du « Royaume Arabe », l’autorité exercée sur les algériens[52].

Dès lors que l’existence de la colonie ne sera plus remise en cause et la conquête considérée comme pratiquement acquise, la question de la terre devient vitale pour le gouvernement de l’Algérie. La IIème République (1848-51) relance énergiquement les opérations de colonisation officielle. Les opérations de colonisation de 1848 à 1852 gagnent 50 000 ha en 4 ans, et si l’on recense 131 000 colons en 1851, le chiffre double et atteint 200 000 colons européens en 1857[53]. C’est au cours de la IIème République qui « donne à la France coloniale ses titres de noblesse », que l’on « intègre la geste du colon défricheur »[54]. Si 200 villages sont créés dans le cadre de la colonisation officielle, près de 200 000 ha sont concédés par ailleurs à des investisseurs privés. Le régime Impérial qui dispose par décrets des terres du domaine de l’Etat, distribue en effet de vastes concessions à de grandes sociétés[55].

Si la colonisation trouve son assise, c’est en revanche pour les tribus algériennes la remise en question de leurs droits sur les terres. Au motif de sédentariser les populations indigènes, l’Etat colonial organise, sous l’administration du Général Randon (1851-1858), la politique du cantonnement. Il s’agit par cette mesure de « prendre aux Arabes des terres qui excèdent leur force de production », terres qui deviendront propriété de l’Etat en échange d’un titre de propriété collectif consolidé, ou mieux de propriété individuelle. D’autres mécanismes de spoliation des terres seront mis en place : intégration au domaine de l’Etat des terres habous et des « terres incultes » - en réalité des pacages naturels et parcours utilisées par les tribus-. En 1851, les forêts (2 millions d’ha) sont rattachées au domaine de l’Etat privant ainsi les agriculteurs comme les agro-pasteurs de ressources économiques vitales pour leur existence[56].

Les faits liés à la conquête militaire et à la guerre totale vont également affectent profondément les institutions tribales.

2.3L’effondrement des institutions tribales

Le capitaine du génie Charles Richard[57], chef du Bureau arabe d'Orléansville et auteur de « l’insurrection du Dahra » (1845-46) note que « la première chose à faire pour enlever aux agitateurs leurs leviers, c’est agglomérer les membres épars de ce peuple, c’est de nous le rendre saisissable ». Il ajoutait de façon cynique et claire que : « L’essentiel est, en effet, de grouper ce peuple qui est partout et nulle part ; l’essentiel est de nous le rendre saisissable », et de conclure par cette affirmation lourde de conséquence : « Quand nous le tiendrons, nous pourrons alors faire bien des choses qui nous sont impossibles aujourd’hui, et qui nous permettront de nous emparer de son esprit après nous être emparés de son corps »[58].

M. Lacheraf et Y. Turin ont analysé avec finesse cette volonté de contrôle exercé par le système colonial, sur ce que le chef du Bureau arabe d’Orléansville appelait « l’esprit » des tribus, et que l’on désigne aujourd’hui sous le terme de capital institutionnel, culturel et immatériel des tribus[59].

Cet encadrement est assuré au plus près des populations par les fameux Bureaux arabes, institution créé en 1833 par l’armée et dont le premier administrateur fut le général Lamoricière. Cette institution coloniale, dotée d’un corps de militaires issus souvent de l’Ecole Polytechnique ou de Saint-Cyr, est en charge de l’administration des populations indigènes et de la gestion de la politique indigène. Dans le dispositif, « l’officier des bureaux arabes sert d’intermédiaire entre les indigènes et l’administration coloniale »[60].

Ces bureaux arabes ont été un instrument privilégié de surveillance des tribus et de leurs représentants. Les fonctionnaires et officiers des bureaux arabes ont centralisé toutes les informations sur les territoires des tribus et leurs ressources naturelles (foncières, forestières… et économiques), sur les communautés, leurs chefs, leurs activités, leurs attitudes et leur état d’esprit vis-à-vis de la présence française, leurs coutumes et leurs cultures, leurs alliances et leurs conflits. Exerçant sur les territoires placés sous leur autorité des pouvoirs, jugés régaliens par les colons[61], ils se sont substitués par la force aux institutions coutumières Ils ont ainsi arbitré les conflits locaux et rendu la justice. Ils ont prélevé les impôts dits « arabes », dirigé les travaux d’utilité publique, appliqué leurs règles de police, nommé et régenté les chefs indigènes.

Les réformes fiscales, administratives, judiciaires commerciales et foncières revendiquées par les colons au cours de la période 1850-70 vont précipiter le processus d’effacement des institutions coutumières autorisant ainsi l’État colonial de s’immiscer pleinement dans la gestion affaires des tribus. Au chef indigène élu par la Djemâa[62] succède le Caïd[63] nommé par l’administration, au Cadi[64] se substitue le juge français, et le garde champêtre installé sur le territoire de la tribu devient le gardien de l’ordre établi.

La domination militaire des territoires des tribus s’est doublée d’une domination politique et institutionnelle. Des institutions civiles, concurrentes des bureaux arabes sont créées, et la décentralisation administrative se traduit par l’octroi de larges attributions aux autorités locales et l’extension du régime civil aux territoires militaires[65]. Les orientations retenues ont pour but «l’assimilation » des populations et la création d’institutions calquées sur la Métropole : « Entravons autant que possible le développement des écoles musulmanes et des zaouïas[66]…Tendons, en un mot au désarmement moral et matériel du peuple indigène… », préconise froidement en 1864 le Général Ducrot[67].

La confiscation des biens habous, les opérations de séquestre individuel et collectif, la pression fiscale et les paiements en argent des amendes appauvrissent les populations asséchant ainsi toutes les ressources qui étaient mobilisées afin d’entretenir les foyers culturels, les fondations religieuses et les zaouïas[68] qui essaimaient les territoires ruraux algériens[69].

La destruction des écoles et des institutions religieuses, en définitive de la base intellectuelle et religieuse priveront les communautés et les tribus de leurs élites contribuant ainsi à leurs désagrégation.

En favorisant le transfert de la terre « des mains des autochtones dans celles des colons européens »[70], les lois foncières ont été l’une des armes les plus efficaces d’affaiblissement et de désintégration des communautés tribales. Elles tendent toutes vers la généralisation de la propriété individuelle. « Attaquer la propriété arabe dans son principe…, la société indigène dans sa base,… voilà donc pour le gouvernement de l’Algérie le commencement de la sagesse… La propriété individuelle une fois établie dans la tribu, les Européens s’y introduiront vite. Ils y trouveront les terres qui leur manquent et la main-d’œuvre qui leur fait défaut », voilà donc l’objectif poursuivi et clairement énoncé par les partisans d’une colonisation de l’Algérie»[71]. Warnier, celui-là même qui donna le nom à la loi de 1873 en tant que parlementaire[72], et qui fut comme le rappelle avec pertinence M. Emerit un « dictionnaire vivant de la colonisation », prévenait déjà les chefs indigènes : «votre organisation sociale en tribu, force associée, conséquemment puissante, est un obstacle à tout gouvernement et une cause éternelle de guerre ruineuse entre vous : comme nous voulons l’ordre, la paix et la richesse, nous supprimons la tribu et nous créons l’individu…». Il justifia la démarche qui sera suivie en affirmant encore que « l’honneur de la civilisation nous impose de substituer la propriété incommutable et individuelle à l’usufruit précaire et collectif, aussi bien au profit des indigènes que des colons européens », car « maintenir la forme de propriété détenue par les indigènes, « c’est perpétuer la barbarie »[73].

3.Les tribus indigènes face et la question de la terre

Les lois foncières répondaient toutes à une question vitale pour la colonisation et que résumait l’auteur des « Siècles obscurs du Maghreb », l’historien E.F Gautier dans les Cahiers du centenaire de l’Algérie sous l’interrogation suivante : « Que veut la colonisation française en Algérie : les terres et les meilleures. Mais le sol tout entier avait des propriétaires musulmans. La propriété était plus ou moins collective. Cela exigeait l'intervention de l’Etat français, ne serait-ce que pour rendre le sol susceptible d'appropriation»[74].

Trois grandes étapes marqueront l’histoire du foncier rural dans l’Algérie coloniale.

  • La première (1830-1850) correspond à la constitution du domaine de l’Etat afin de réaliser les projets d’installation des nouveaux centres et villages de la colonisation.
  • La deuxième période (1850-1870) qui voit le triomphe de la colonisation privée et l’attribution de grandes concessions aux sociétés capitalistes coïncide avec l’adoption du Sénatus-consulte de 1863 visant l’institution de la propriété individuelle sur les terres possédées par les communautés rurales.
  • La troisième période (1870-1930) signera un tournant dans l’histoire de la paysannerie algérienne. Le séquestre collectif de 1871, la loi Warnier de 1873 et les lois qui suivront seront utilisés comme un puissant instrument de dépossession foncière et de prolétarisation de l’immense majorité de la paysannerie.

3.1 Les premiers mécanismes juridiques d’expropriation foncière (1830-1850)

Dès la conquête, l’Etat colonial invoque paradoxalement à la fois le droit musulman et le droit français pour créer son propre domaine foncier.

Un arrêté du 8 septembre 1830 et du 1er mars 1833 suivis par les ordonnances du 1er octobre 1844 et du 21 juillet 1846 introduisent les premiers bouleversements dans les statuts fonciers et l’ordre social dans les campagnes algériennes[75]. Ces lois organisent l’appropriation et le transfert de terres algériennes au profit du domaine de l’Etat et instaurent la vérification des titres de propriété détenus par les algériens. Marx note à ce propos que ce fut « en vertu d’une fausse interprétation du droit musulman » que « le gouvernement bourgeois s’était proclamé propriétaire exclusif du sol algérien »[76]. Cet acte d’appropriation des terres par le gouvernement colonial s’appuie les « Recherches sur la constitution de la propriété territoriale dans les pays musulmans » du Dr Worms, et selon laquelle l’Etat colonial, prenant la suite de la Régence d’Alger et du Dey, « avait un droit prééminent sur la terre » [77]. Ainsi seront versées dans le domaine public non seulement les terres publiques, propriété de la Régence (beylik), les terres concédées par le pouvoir (azel), mais aussi les « terres mortes »[78], et en dernière destination les terres des fondations religieuses (habous). S’y ajoutent les biens séquestrés des tribus rebelles ainsi que les biens des immigrés turcs.

D’autres lois remettront singulièrement en question le régime de propriété régi par le droit musulman ou la coutume.

L’ordonnance du 1er octobre 1844 sur la propriété foncière, qui est le premier texte réglementant la propriété foncière pour les territoires civils, codifie les principes à suivre entre Européens et Indigènes dans le but de « sécuriser » les achats de terre par les colons[79]. Cette loi en rupture avec les coutumes locales stipule dans son article 3, qu’« Aucun acte translatif de propriété d’immeuble consenti par un indigène au profit d’un Européen ne pourra être attaqué par le motif que les immeubles étaient inaliénables, aux termes de la loi musulmane ». Elle formule ainsi le principe de l’inopposabilité des transferts de terres aux Européens. Cette ordonnance introduit également la règle de l’expropriation pour cause d’utilité publique au moyen de procédures très simplifiées, et fait obligation aux réclamants de produire des titres de propriété antérieurs au 5 juillet 1830. L'ordonnance de 1844 édicta pour la première fois des mesures de vérification des titres de propriétés (quand ceux-ci existaient, aussi bien chez les Européens que chez les propriétaires algériens), ce qui fut source majeure de conflits fonciers.

L’ordonnance du 21 juillet 1846 qui suivi eu pour objectif de compléter l’ordonnance de 1844, à la fois sur les conditions d’expropriation pour cause d’utilité publique (selon l’article 40 de cette loi, l’inculture peut être un motif justifiant l’expropriation), d’attribution des concessions, d’établissement et de vérification des titres de propriété. A signaler que l’article 33 de cette ordonnance frappa d’un impôt spécial la situation d’inculture, ce qui contribua à la dégradation de la situation matérielle de la paysannerie. Cette loi adoptée sous le gouvernement de Bugeaud avantageait le colon par l’octroi de la pleine propriété : « Partout où il y aura de bonnes eaux et des terres fertiles, c'est là qu'il faut placer les colons, sans s'informer à qui appartiennent les terres. Il faut la leur distribuer en toute propriété »[80] conseillait-il.

Les mesures juridiques portant sur le cantonnement des tribus prise sous le gouvernorat du Général Randon (1851-1858) visaient à restreindre le territoire de tribus et contribuèrent à déposséder et à récupérer au profit du domaine colonial de bonnes terres. La politique du cantonnement se fondait sur le principe que les tribus locales soumises à l’autorité coloniale occupaient des territoires trop vastes. L’État colonial imposa en conséquence un partage des terres arch en opérant un prélèvement au profit de son domaine d'une partie du sol en pleine propriété; le reste des terres étaient laissé en jouissance aux tribus en compensation. Le cantonnement ne fut pratiqué avant d’être abandonné que dans cinq tribus (trois dans la province d’Alger, une dans le Constantinois et une en Oranie) en raison des difficultés d’application, car il supposait résolu l’inventaire des terres melk et arch, ainsi que le constat des titres de propriété.

Le domaine colonial sera enfin alimenté par la technique juridique du séquestre. Le séquestre a en effet été très vite régi par des textes en Algérie : arrêtés de septembre 1830, de juin et de juillet 1831, de juin 1832, d’avril 1834, l’arrêté du 3 décembre 1840 et l’ordonnance du 31 octobre 1845. Le séquestre fut prononcé individuellement ou collectivement et en représailles à une résistance à l’occupant. Les généraux ou maréchaux que la mémoire des algériens retiendra – De Bourmont, Clauzel, Berthezène, Changarnier, Saint-Arnaud, Cavaignac, Montagnac, Changarnier, Pellissier, Valé et le maréchal Bugeaud, qui utiliseront les techniques de la « guerre totale » et réprimeront les tribus rebelles, ont recours aux procédures de séquestres de leurs biens fonciers. On estime par exemple à 168 000 ha au minimum la superficie des terres séquestrées dans la Mitidja et qui a fait suite à l’arrêté du Maréchal Valée du 1er septembre 1840 en représailles de la révolte des Hadjoutes[81] de 1839. Les mesures de séquestre des terres prononcées en Kabylie après la conquête de 1857 se solda également une expropriation massive de nombreuses tribus hostiles à l’occupant français[82].

La loi foncière du 16 juin 1851 transféra au domaine de l’Etat les eaux et les forêts. Elle instaurait sur les seuls territoires civils la propriété privée avec délivrance d’un titre définitif et proclamait le principe de l'inviolabilité de la propriété individuelle. Elle consacrait les droits de propriété ou de jouissance appartenant aux particuliers, tribus ou fractions de tribus mais s'abstenait par ailleurs de définir ces droits. Elle confia aux tribunaux le soin de régler les litiges fonciers et exprima la volonté manifeste de désactiver tous les réseaux traditionnels et coutumiers de justice et d'arbitrage des conflits affaiblissant ainsi le pouvoir des tribus. Les transactions demeuraient interdites dans les territoires des tribus et seul l’Etat colonial avait la faculté d'opérer le démembrement de ces territoires par voie d’expropriation ou par transaction amiable quand il le jugeait utile et profitable aux services publics ou à la colonisation[83].

Des dispositions relevant de la fiscalité foncière furent par ailleurs adoptées. L’ordonnance du 17 janvier 1845 a ainsi reconduit les différents « impôts arabes » qui existaient et qui furent désormais affectés aux budgets locaux de l’Algérie : zakat (impôt sur le bétail), le achour (impôt sur les cultures), auxquels s’ajoutent l’impôt particulier payé dans le Constantinois, le hockor portant sur la terre, et l’impôt payé en Kabylie, la lezma.

Les lois foncières mises en œuvre lors de cette première période ont permis de constituer un domaine agricole de l’Etat colonial assez considérable : on l’estimait à 900 00 ha au moment où se met en place le second Empire. La dépossession qui résultait de ces lois permit l’installation des premiers colons français et européens. Un arrêté du 18 avril 1841 sur les concessions en général et la formation des centres de population — un des tout premier texte édicté par Bugeaud- affecta des assiettes foncières nécessaires à la fondation des villages de colonisation et octroya des lots de terre allant de quatre à douze hectares à chaque immigrants disposant d’un montant minimum de capital permettant leur mise en valeur. Le Décret du 19 septembre 1848 procéda à la création de 42 colonies afin d’installer comme colons une deuxième vague de migrants français issue des populations insurgés parisiens de 1848 ou de décembre 1850. Les centres de Novi (Sidi Ghilès) à l’ouest de Cherchell, d’El- Affroun, de L’Arba, Oued el-Alleug, Birtouta, Rovigo (Bougara), furent créés au cours de cette première période de colonisation officielle.

3.2Les lois foncières du IIème Empire et le sénatus-consulte de 1863

Tout en reconduisant les lois antérieures ainsi que les pratiques de cantonnement ou de confiscation de terres « pour cause d’utilité publique », c’est la doctrine de la colonisation privée qui sera privilégiée par le IIème Empire. Celui-ci inaugura l’ère de la grande colonisation capitaliste, car dès le début de l’Empire, Napoléon III avait exprimé sa conception de la colonisation dans sa lettre du 6 février 1853 adressée au Maréchal Pellissier, Duc de Malakoff: « aux indigènes l’élevage des chevaux et du bétail, les cultures naturelles du sol ; à l’activité, à l’intelligence des européens, l’exploitation des forêts et des mines, les dessèchements, les irrigations. Au gouvernement local, le devoir de laisser aux transactions la plus grande liberté, en favorisant les grandes associations de capitaux européens »[84].

Un décret qui sera pris le 25 juillet 1860 abandonne ouvertement le régime des concessions gratuites de terres à des petits colons qui avait eu la faveur du Maréchal Bugeaud. Entre 1862 et 1863, 160 000 ha des «plus belles forêts en bordure du littoral constantinois » furent concédées à une trentaine de concessionnaires[85]. La Compagnie genevoise, société d’actionnaires suisses, fut la première grande société capitaliste à profiter des dispositions du décret impérial du 26 avril 1853, qui ouvrit la voie à la vente de terres – ou à la concession-du domaine foncier de l’État colonial. Elle bénéficia d’une concession de 20 000 ha de terres domaniales situées dans la région de Sétif. Napoléon III céda 34 000 ha à 315 chefs indigènes renforçant ainsi les assises foncières de nouvelles « dynasties de chefs indigènes [...] nouvelle classe de privilégiés et de seigneurs, entièrement dévoués à [sa] cause… »[86]. Il accorda en 1865 une concession de 25 000 ha à la société française de l’Habra et de la Macta et de 100 000 ha à la Société Générale Algérienne (dénommée Société Algérienne en 1877) localisées pour l’essentiel dans la province de Constantine. L’Empereur, par les décrets, distribua également de très vastes concessions de terres du domaine de l’Etat à de riches entrepreneurs[87]. Ce furent ainsi près de 350 000 ha qui furent livrés à la grande colonisation capitaliste.

Les partisans de la colonisation de peuplement dénoncèrent des opérations spéculatives qui servaient selon eux des actionnaires étrangers à l’Algérie et transformaient ces sociétés en « entreprise de métayage», où « l’élément arabe et non le colon » dominait le paysage social[88]. Les luttes qui opposent entre 1857 à 1860, d’un côté les partisans du Royaume Arabe, de l’autre, les partisans de la colonie de peuplement sont exacerbés[89]. L’adoption du Sénatus-Consulte du 22 avril 1863 relatif à la constitution de la propriété en Algérie, placera de nouveau au centre des conflits entre les deux camps, le sort des terres et des tribus indigènes qui en ont la possession.

3.2.1Le Sénatus–Consulte de 1863 : dispositions et résultats

Trois principes-clés sont énoncées dans les premiers articles du Sénatus-Consulte (S-C). L’article 1 édicte en effet que «les tribus de l’Algérie sont déclarées propriétaires des territoires dont elles ont la jouissance permanente et traditionnelle, à quelque titre que ce soit. Tous actes, partages ou distractions de territoires, intervenus entre l’État et les indigènes, relativement à la propriété du sol, sont et demeurent confirmés ». L’article 2 précise qu’ « il sera procédé administrativement et dans le plus bref délai : 1°) à la délimitation des territoires des tribus ; 2°) à leur répartition entre les différents douars de chaque tribu du tell et des autres pays de culture, avec réserve des terres qui devront conserver le caractère de biens communaux ; 3°) à l’établissement de la propriété individuelle entre les membres de ces douars, partout où cette mesure sera reconnue possible et opportune, 4°) des décrets impériaux fixeront l’ordre et les délais dans lesquels cette propriété individuelle devra être constituée dans chaque douar ». L’article 3 stipule qu’ « un règlement d’administration publique déterminera : 1°) Les formes de la délimitation des territoires des tribus ; 2°) Les formes et les conditions de leur répartition entre les douars et de l’aliénation des biens appartenant aux douars ; 3°) Les formes et les conditions sous lesquelles la propriété individuelle sera établie et le mode de délivrance des titres ». L’objectif ultime de la loi vise l’établissement de la propriété privée et la délivrance de titres de propriété.

Si cette loi met fin aux opérations de cantonnement de tribus qui sont désormais reconnues « propriétaires des territoires », détenus à titre familial ou collectif, les prélèvements fonciers déjà opérés par les précédentes lois au profit de la colonisation ne sont pas remis en cause. Les cas prévus de séquestre ou d’expropriation « pour cause d’utilité publique » (loi du 16 juin 1851) sont également maintenus. Ce sont les dispositions les plus importantes, les plus commentées et les mieux connues. D’autres dispositions complémentaires, celles relatives à l’administration publique des territoires, à la réorganisation territoriale et aux droits de circulation des tribus contribueront toutefois à de profonds bouleversements de l’ordre tribal existant.

L’application du S-C a été confiée à des Commissions (composées d’un capitaine ou général de brigade, d’un sous-préfet, d’un fonctionnaire de l’administration militaire et d’un fonctionnaire des domaines comme assesseurs) et à des sous-commissions de délimitation des terres et d’arpentage des parcelles. Faute de moyens matériels, en personnels qualifiés et en ressources budgétaires, les opérations de délimitations des territoires des tribus et d’arpentage des parcelles, les principes d’une enquête sincère et honnête sur les territoires de tribus n’ont pas été totalement accomplis[90]. L’application du S-C s’est faite « à marche forcée », entre 1864 et 1870, pour couvrir près de la moitié du Tell et de la population algérienne. Les décisions prises par les Commissaires sont- hâtives, voire arbitraires. La formation des « douars-communes » ne tient compte « ni les articulations naturelles de la société traditionnelle, ni les contraintes des pratiques pastorales »[91]. Si des membres d’une fraction de tribus se retrouvent dans le même douar, d’autres fractions ont été dispersés dans d’autres douars-commune, ou incorporés dans des douars où avaient été regroupés des membres d’autres tribus voisines. Le classement des terres et/ou leur qualification inspirée du droit français (domaniales, communales, collectifs « arch » et privés-melk) par les commissaires ignorent à la fois les traditions et coutumes locales ainsi que les règles de droit musulman en matière d’appropriation et d’héritages familiaux appliqués sur les terres de culture[92]. S’appuyant sur les nouvelles élites rurales issues des grandes familles, les « adjoint-indigènes », relais et clients de l’administration coloniale vont jouer un rôle clé dans le processus de mise en œuvre du S-C. Ils tireront profit de la redistribution des richesses foncières[93]. A la veille de la proclamation de la IIIème République (1870), en dépit de mouvements de résistance localisés (révolte des Ouled Sidi -Cheikh de 1864), le rythme accéléré de travail des commissions avait permis la délimitation des terres de 382 tribus (1.037.066 habitants formant 667 douars) sur les 732 recensées et sur une surface de 6,8 millions d’hectares, soit la moitié des terres du Tell et près de la moitié de la population indigène. Près de la moitié de ces terres (41%) furent classées « Arch » (de culture ou de parcours), et la même proportion classée dans la catégorie des terres « Melk ». La dernière procédure (répartition des terres individuellement) n’a pas eu lieu faute de moyens[94].

Le SC a posé les bases de la propriété individuelle et d’une société capitaliste, tout en alimentant les réserves domaniales. Elle autorisa à la fois le développement de la colonisation « libre » (faite de transactions immobilières) et la colonisation « officielle » (sous la forme de concessions par l’État).

Le Sénatus-Consulte de 1863 avait introduit le principe de la constitution de la propriété individuelle sur des terres exploitées collectivement des communautés rurales ou par des familles paysannes indigènes. Même s’il a favorisé le démantèlement de la base foncière des tribus, les tenants d’une colonisation officielle de peuplement resteront hostiles au principe de l’attribution de terres aux tribus et à l’administration publique des territoires indigènes par les « bureaux arabes ». Ils reprochaient à tort au Sénatus-Consulte de 1863 de constituer un obstacle à la colonisation[95]. Leurs revendications n’attendront pas longtemps pour être satisfaites : l’avènement de la IIIème République (1870) inaugura deux grandes réformes importantes à leurs yeux : la substitution d’une administration civile au gouvernement militaire, ainsi que l’adoption le 26 juillet par le parlement de la loi du 26 juillet 1873 relative à l'établissement et à la conservation de la propriété en Algérie[96].

3.2.2La loi Warnier : une révolution foncière

Dans son article premier, la loi Warnier du 26 juillet 1873, stipule que : "L'établissement et la conservation de la propriété foncière en Algérie ainsi que le transfert contractuel des biens et droits immobiliers sont soumis à la législation française quels qu'en soient les propriétaires. En conséquence, tous les droits réels, accords et fondements des décisions basés sur la législation musulmane ou tribale qui seraient en contradiction avec le droit français sont annulés." L’article 3 énonce que « la propriété du sol ne sera attribuée aux membres de la tribu que dans la mesure des surfaces dont chaque ayant droit à la jouissance effective. Le surplus appartiendra soit au douar comme bien communal, soit à l’Etat, comme bien vacant ou en déshérence ». Enfin l’article 4 de la loi énonce que conformément au code civil français, « nul n’est tenu de rester dans l’indivision », et que « tout propriétaire, et par là même les créanciers de ce dernier avaient le droit de réclamer la division de la propriété ». Elle dérogea au droit d’achat tribal (la chafaâ)[97] d’une terre vendue par un des membres de la tribu.

Cette loi visait donc explicitement la francisation de la terre sous régime du droit musulman et la délivrance après enquête de titres de propriété individuelle. On constate la propriété individuelle là où elle existe; on la constitue dans les territoires de propriété collective par des procédures d'enquête générale s'appliquant à tout un douar ou à toute une tribu.

L’innovation juridique majeure, en lien avec la francisation du régime juridique des terres, a trait également à la subordination de la justice musulmane. La réduction de la compétence et du nombre de juridictions musulmanes est complétée par un décret du 11 novembre 1875 qui supprime le conseil supérieur de droit musulman, ainsi qu’un décret du 29 août 1874 qui institue comme seul juge unique le juge de paix en remplacement des djemaâs et des cadis.

Les textes d’application de la loi Warnier qui sont adoptés (décrets de 1886 et 1889) placent les affaires immobilières sous le coup de la loi française. La compétence et le nombre de juridictions musulmanes déjà affaiblis en 1873 furent encore diminués en 1886. Ils limitent les prérogatives des cadis en matière de licitation, de cession ou de partages d’immeubles confiés dorénavant aux avoués et notaires européens. Les pouvoirs judiciaires du cadi sont désormais réduits aux seules affaires civiles (statut personnel et successions mobilières). Une loi complémentaire, celle de 1887 (appelé « petit Sénatus-Consulte ») demandait la reprise des opérations d’arpentage, de délimitation des terres des tribus et douars abandonnée en 1870. Outre une atténuation sensible apportée aux formalités de constitution de la propriété individuelle, cette loi prévoit également le droit pour les européens d’acquérir des terres « arch » avant la constitution de la propriété privée. La loi du 28 avril 1887 s'attaquera pour la première fois à l'indivision et au patrimoine foncier des familles algériennes en obligeant les co-indivisaires à opérer le partage matériel lors des procédures de vente. Enfin, une partie des frais de procédures de la loi incombait désormais à l’Etat et aux communes[98].

Les résultats de la loi Warnier peuvent analysés à partir d’une vaste enquête sur les résultats de la colonisation officielle de 1871 à 1895 confiée à Henri de Peyerimhoff[99]. Les résultats de cette enquête foncière portant pour chacun des 300 centres de colonisation ou groupes de fermes créés de 1871 à 1895 sont publiés en 1906.

Si la concession gratuite a été la règle, le rapport Peyerimhoff note que de 1871 à 1895, la colonisation officielle a livré 643 546 ha répartis en 13 301 lots sur lesquels se sont établies autant de familles françaises, comprenant un effectif de 54 314 personnes. Ce rapport révèle l’échec du modèle de colonisation paysanne prôné par le législateur. Il rappelle que la loi engendra la multiplication des licitations qui devaient se traduire par des opérations coûteuses pour les co-indivisaires les soumettant aux spéculateurs qui profitent d'acquérir des terres à vil prix. Les pratiques de la licitation avaient fait tripler les ventes judiciaires et les saisies de terres des populations autochtones. Si les liens de solidarité des communautés rurales et des familles opposent aux spéculateurs le principe de l’indivision des propriétés et freinent le processus de dépossession, la législation et les services administratifs et judiciaires, ont conspiré dans leur ensemble à l’expansion du domaine colonial. Pour accélérer le processus de passage des anciennes terres tribales aux mains des colons, la loi de 1873, prescrivit la continuation des opérations de reconnaissance de propriété mais n’attribua aux algériens que les terres dont ils avaient la jouissance effective. Elle accentua par ce moyen le démembrement des terres collectives. Entre 1874 et 1890, cette loi a permis à la colonisation privée d'acquérir 387 000 hectares de bonnes terres de plaines. En 1899, les terres arpentées et délimitées depuis 1887, ne laissaient environ que 10% des terres collectives à leurs propriétaires d’origine, le reste soit 3 370 800 ha ayant été pris par l’Etat ou défini comme propriété privée. Elle fut étendue sur les terres du sud où elle eut des effets très négatifs sur les terres collectives des nomades.

La politique foncière de la IIIème République, faut-il le rappeler, fut marquée par le séquestre collectif pratiqué à la suite de l’insurrection de 1871 d’El Mokrani. Il frappa quelques trois cents tribus et concernait 2 640 000 hectares, et environ 475 000 furent confisquées et reversés au domaine privé de l’État.

La spéculation conjuguée aux abus de droit avait conduit à des protestations. Commentant les effets de la loi Warnier lors de débats de l’Assemblée Nationale de 1879, le Maréchal Niel faisait remarquer que par « des siècles de domination arabe, turque et enfin française ont été impuissants, sauf dans la toute dernière période, officiellement depuis la loi de 1873- à briser l’organisation fondée sur le sang et les principes qui en découlent : l’indivisibilité et l’inaliénabilité de la propriété foncière »[100]. Au sein même du gouvernement français, des voix se sont élevé comme celle du gouverneur Tirman qui affirme en 1892, devant le Sénat, que « la loi avait servi à dépouiller les indigènes, et beaucoup sont devenus khammès sur leur propre terre »[101]. « Au bout de quelques années de ce régime ; il fallut s’arrêter sous peine de provoquer une insurrection agraire » écrivait de son côté l’historien A. Bernard[102].

La loi Warnier fut en effet suspendue, et une Commission sénatoriale dirigée par J. Ferry fut chargée en 1892 de présenter à l’Assemblée un programme de réformes[103]. J. Ferry concluait dans son rapport au Sénat que : « le périmètre de refoulement de la race arabe est atteint à peu près partout et les limites de la colonisation ne peuvent plus guère être dépassées… »[104].

Les réformes qui suivirent furent toutefois impuissantes à ralentir la « silencieuse glissade de la paysannerie algérienne »[105]. Dans leur l’Encyclopédie agricole de 1900, les agronomes H. Lecq et M. Rivière dénoncent le fait qu’ : «Actuellement, l'Arabe ne peut plus descendre, comme autrefois, dans les riches pâturages ; la colonisation a envahi le Tell, défait la collectivité des propriétaires de parcours. Le petit lopin qu’il lui reste est dur à cultiver, car les ressources manquent »[106].

3.2.3De quelques conséquences du Sénatus-Consulte (1863) et de la loi Warnier (1873) sur l’organisation tribale

Le bilan a été tragique pour les communautés rurales et pastorales. Les violences exercées au cours de la « guerre totale » conjuguées à l’application des lois foncières ont épuisé les capacités de reproduction de ces communautés. Au cours des années qui suivront l’application des lois foncières les communautés rurales seront soumises à une grande vulnérabilité. Pauvreté, prolétarisation, éclatement des solidarités rurales et famines (de 1858 et de 1866-1868), auxquelles s’ajoutent des épidémies de peste et de choléra, auront des conséquences démographiques désastreuses sur les populations. Faute de ressources, les paysans se trouvent désarmés face aux maladies et à la famine qui s'abattent sur eux. Privés des meil­leures terres et de leurs réserves alimentaires, « ils ne purent se procurer les grains ni pour eux, ni pour leur bétail […] ; l'orge valait deux fois le prix du blé et des troupeaux entiers furent anéantis » signale Ch. A. Julien[107]. L'on estime entre 300.000 et 500.000 le nombre de personnes qui périrent à cette période. Et, « les plus frappés furent les paysans, surtout ceux des steppes du sud, qui se répandirent dans le Tell, jalonnant des pistes de cadavres »[108] « Le grand souci du fellah, poursuit-il, était de sauvegarder ses terres et de posséder les grains qui lui permettraient de subsister. L'immense majorité des indigènes avaient faim ». André Noushi a décrit dans sa célèbre « Enquête sur les niveaux de vie dans le constantinois et essai d’histoire économique et sociale de l’Algérie de la conquête à 1919 », les conséquences sur les populations locales de cette politique coloniale dans l’Est algérien[109]. De 1866 à 1870, l’Algérie aura ainsi traversé la crise la plus grave de son histoire : « ceux qui ont survécu se retrouvèrent dans un état de dénuement et de grande pauvreté car ils avaient perdu à la fois leurs troupeaux et leurs réserves foncières ». Les accaparements de terre au cours de cette deuxième période (1850-1870) s’étaient élevés à près de 650 000 ha[110].

Les années 1870 à 1898 ne furent pas meilleures. Le pays connut également une série de famines et disettes. Ainsi en est-il de la famine de 1877-78 qui se prolongea dans l'Est algérien et qui frappa durement les populations. Les années 1881 - 1887 - 1888 furent également des années de crises de subsistance. Le centre et l'ouest du pays connurent la famine en 1893 avec son "cortège d'horreurs, des hommes mourant le long des routes en essayant de gagner les villes ou les centres de colonisation : le choléra et le typhus décimèrent les populations affamées"[111]. La famine sévit de nouveau en 1897-1898 dans l'Oranie, l'ouest de l'Algérois et le sud Constantinois. .

Les insurrections paysannes, les contributions de guerre et les répressions coloniales qui suivront vont aussi contribuer au tarissement des ressources économiques et monétaires des tribus.

Mais ce sont les lois foncières et les mesures juridiques qui les accompagnent qui effets déstructurant les plus importants.

La colonisation des espaces telliens, base matérielle stratégique des pasteurs, va ruiner le nomadisme et remettre en question la structure socio-économique articulée sur l’agro-pastoralisme. La transhumance de printemps (« Achaba ») et d’hiver (« Azaba »)-, qui représentait non seulement un « droit à la vie » pour le nomade ; mais aussi une condition de reproduction de la société pastorale, de survie même est rendue difficile du fait de la colonisation des espaces telliens[112].

Les nomades qui représentaient en 1830 la moitié de la population algérienne et contrôlaient la quasi-totalité des espaces telliens et steppiques du pays ne représentent plus dans le recensement 1911, que 18,5 % de la population[113].

Même en l’absence de colonisation foncière, les tribus n’ont pas été épargnées par les effets de la politique foncière[114]. La confiscation des espaces forestiers et des pacages dans le Tell ont désorganisé le mode de production et les rapports sociaux existants. Analysant la crise du système agro-pastoral, Boukhobza faisait observer que « l’appropriation/spécialisation des terres des hautes plaines [avait] engendré une coupure avec la steppe, son arrière-pays naturel »[115]. Sari et l’analyse des Montagnard

Les institutions et le fonctionnement des communautés tribales connurent un bouleversement historique sans précédent à la suite du Sénatus-Consulte et de la loi de 1873. Les découpages administratifs des territoires des tribus, les terres affectées à la colonisation vont réduire les terres de parcours et affecter l’effectif du cheptel détenu par les tribus. C’est ainsi que déplacements des populations furent règlementées et étroitement contrôlés par les bureaux arabes : période de mobilité des troupeaux, membres de la tribu, aires de pacage, mesure de police, encadrement de la tribu durant les migrations, personnel de surveillance[116]. Le sénatus-consulte a permis à l’État colonial de s’immiscer dans la gestion des tribus et de leurs terres par l’intermédiaire de l’administration domaniale ou des délégués de jama‘a-s (Caïd nommés, khalifa, garde-champêtre). Substituant, un corps d’auxiliaires, « une nouvelle classe de privilégiés et de seigneurs, entièrement dévoués à leur cause [celle des colons]»[117], les réformes foncières introduites vont éliminer les cadres traditionnels des communautés et atteindre en partie les objectifs qu’elles s’étaient fixés, objectifs évoqués explicitement exposé par le général Allard, chargé par le Conseil d’Etat de défendre le projet de loi (SC). Celui-ci déclara au Sénat : « le gouvernement ne perdra pas de vue que la tendance de sa politique doit en général être l’amoindrissement de l’influence des chefs, et la désagrégation de la tribu. C’est ainsi qu’il dissipera ce fantôme de la féodalité que les adversaires du sénatus-consulte semblent vouloir lui opposer…La constitution de la propriété individuelle, l’immixtion des Européens dans la tribu…seront un des plus puissants moyens de désagrégation»[118]. Le capitaine Vaissière du bureau arabe des Ouled –Rechaich n’avait-il pas écrit que «Le sénatus-consulte de 1863 est, en effet, la machine de guerre la plus efficace qu’on ait pu imaginer contre l’état social indigène et l’instrument le plus puissant et le plus fécond qui ait pu être mis aux mains de nos colons. Grâce à lui, nos idées et nos mœurs s’infiltreront peu à peu dans les mœurs indigènes, réfractaires à notre civilisation, et l’immense domaine algérien, à peu près fermé jusqu’ici, en dépit des saisies domaniales, s’ouvrira devant nos pionniers ». Cet observateur rapportait à la suite des témoignages recueillis auprès des populations locales qu’il administrait : « Les cheikhs et les kebars sont tous venus me trouver, commentant et déplorant la nouvelle. La consternation peinte sur leurs visages, plusieurs versaient des larmes. Ils m’ont dit : “Les Français nous ont battus, ils ont tué nos jeunes hommes et nous ont imposé des contributions de guerre. Tout cela n’était rien, on guérit de ses blessures. Mais la constitution de la propriété individuelle et l’autorisation donnée à chacun de vendre ses terres qui lui seraient échues en partage, c’est l’arrêt de mort de la tribu»[119].

Le processus de détérioration de l'économie indigène et de dégradation des conditions de vie de la société algérienne se heurta des résistances armées régionales ou locales. « Hormis l'année 1861 », note Prenant, « il ne se passe pas une année sans que le feu reprenne à une extrémité ou l'autre de l'Algérie»[120]. Entre 1847, qui marquent la fin de la résistance de dimension nationale dirigée par l'Emir Abdelkader, et la veille de la première guerre mondiale, l'on compte en effet, pas moins de sept (7) insurrections ou révoltes d'importance régionale[121].

Le processus de transformation historique que la colonisation a engagé bouleversera de fond en comble la société algérienne. Sur les décombres de la société traditionnelle, émergera un prolétariat agricole et une classe de « petits propriétaires et de petits bourgeois » ruraux et urbains qui se projetteront dès la première moitié du XXème siècle dans la modernité capitaliste.

Le fait historique et singulier est que cette société algérienne et ses communautés tribales qui subiront avec une extrême violence cette modernité, fera usage des ressources héritées de cette modernité (émergence de l’individu et de ses droits, du sujet politique et de ses revendications, éclosion d’un mouvement national et des organisations politiques et des syndicats…) pour se libérer du système colonial.

[1] « Le plus grand obstacle que la France ait rencontré en Algérie, pour établir sa domination sur les habitants et prendre la possession du sol pour la colonisation […] consiste…dans l’état nomade de la plus grande partie de la population. Le premier effort à tenter était donc de stabiliser les nomades ». Warnier A. (1846). Examen : des moyens d’assurer la domination en Algérie par le lieutenant-général baron de Létang. Paris : Imprimerie de A. Guyot. p. 10.

[2] « Conquérir, c’est dominer et dominer, c’est coloniser » - La formule est d’Enfantin, un des pères de la doctrine Saint-Simonienne. Cf. Enfantin P. (1843). Colonisation de l’Algérie. Paris : P. Bertrand. 542 p. A. Warnier (1846) écrit : « La colonisation est le but de la conquête. La domination a dû et doit précéder la colonisation, mais la domination ne sera complète que par la colonisation », opus cité p 6.

[3] Voir Ben Hounet Y. (2007). Des tribus en Algérie ? À propos de la déstructuration tribale durant la période coloniale. Cahiers de la Méditerranée, n. 75, p 150-171. La thèse présentée par l’auteur nuance toutefois les effets de la colonisation sur l’organisation sociale tribale.

[4] Davis D.K. (2012). Les mythes environnementaux de la colonisation française au Maghreb. Seyssel (France) : Champ Vallon. 329 p. ("L'Environnement a une histoire").

[5] Cf. Lacroix, M.L ; " Histoire de la Numidie et de la Maurétanie, depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'arrivée des vandales en Afrique" Réimpression Bouslama, Tunis, éd. Firmin Didot Frères. 1842. p 60. De Polybe (-IIème siècle av J-C). Histoires. Livre XXXIV, à l’historien romain Salluste. La guerre de Jugurtha. (Ier siècle après J-C) en évoquant, plus proche de nous, A. De Tocqueville. Ecrits sur l'Algérie 1841-1847 - mettaient l'accent sur le caractère nomade de l'économie rurale de ce que l’on appelait la Numidie.

[6] Lacoste Y., Nouschi A., Prenant A. (1960). Algérie; passé et présent. Paris : Editions sociales. p 76

[7] Ce n’est pas par hasard que l’agronome Moll, L (1845) “ Colonisation et agriculture de l’Algérie ”, librairie agricole de la maison rustique, Paris, 2 T- se réfère au modèle de colonisation romain en préconisant qu’après "avoir colonisé les principaux centres d'occupation militaire, on tâcherait de les relier, soit entre eux, soit avec la côte, au moyen d'établissements coloniaux intermédiaires" et, ajoute-il, "pour éviter l'affaiblissement qui pourrait résulter du fractionnement des établissements coloniaux, il suffira que ce fractionnement s'arrête, comme celui de l'armée, à une certaine limite, c’est-à-dire que chacun des centres de colonisation ait une importance et un développement tels qu'il puisse, au besoin, exister et se défendre par lui-même. " , opus cité p 257 à 260.

[8] Lacroix, opus cité, p 59.

[9] Cf. Ibn-Khaldun (1978). Discours sur l’histoire universelle : El-Muqaddima. Paris, Sindbad. 2e ed. p 741 et suivantes.

[10] Lacroix M.L. (1842). Histoire de la Numidie et de la Mauritanie, depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'arrivée des vandales en Afrique. Tunis : Firmin Didot Frères, Réimpression Bouslama.

[11] Et là nous pensons à l’histoire des sociétés asiatiques et au rôle des Etats dans les aménagements hydrauliques.

[12] La civilisation rurale est selon Ibn Khaldun "celle qui se rencontre à l'extérieur des villes, dans les montagnes, dans les campements mobiles à la recherche des pâturages, au désert ou aux confins des sables". Cette civilisation est dominée par des rapports communautaires, la mise en commun des moyens de production et une faible division sociale du travail. Les ruraux, comme les nomades ne visent guère que la satisfaction des besoins fondamentaux "pour la conservation de leur vie, sans rien de plus". La civilisation urbaine est celle "qu'on trouve dans les grandes capitales, dans les petites villes, les villages et les hameaux, lieux qui servent de refuge et où l'on peut se protéger derrière les murailles". La vie citadine est caractérisée par un degré plus avancé de la division du travail, avec l'apparition d'une classe de commerçants aux côtés des artisans, de l'élite intellectuelle et politique, par un raffinement dans les modes vie et d'habitat; "leurs richesses surpassent en valeur et en étendue celles des gens de la bédouinité car leurs conditions de vie dépassent le strict nécessaire et leurs moyens d'existence sont en rapport avec leur fortune" in Ibn-Khaldoun, opus cité (1978). P

[13] Nouschi, Prenant et Lacoste notent que “ Les villes qui conservent leur supériorité urbaine furent celles qui préservèrent l’étendue de leur domaine foncier ” et soulignent également que “ la prospérité commerciale et agricole des villes semble procéder de leur supériorité politique sur les paysans des campagnes environnantes...Ces campagnes riches aux alentours des villes attiraient les nomades... ” ; opus cité p. 123. Voir aussi Nouschi A. (1983). La ville dans le Maghreb précolonial. In : ouvrage collectif. Les réseaux urbains du Maghreb pré-colonial. Alger : OPU. p. 37-53.

[14] El Idrissi écrit d’Alger qu’elle " a une vaste campagne entourée de montagnes habitées par des tribus berbères qui cultivent le froment et l'orge, font surtout de l'élevage de troupeaux de bovins et d'ovins, élèvent aussi beaucoup d'abeilles, disposent de grandes quantités de miel et de beurre salé et en exportent vers les régions voisines et lointaines. Ce sont des tribus dont le territoire est inviolable". Il signale qu’à Constantine "ville peuplée qui a des sûqs et des marchands ”, “ des habitants aisés[et] nantis ” vivent “ largement des transactions qu'ils font avec les Arabes et des contrats d'association qu'ils souscrivent avec eux, pour des labours et pour le stockage des récoltes” in El-Idrissi (1983). Le Maghrib au XIIéme siècle de l’hégire (1099 –1160). Trad. de l’arabe Nuzhat-al-Mushtaq par M. Hadj Sadok. Alger : OPU. p. 106.

[15] El-Idrissi (XIIéme siècle) signalait par exemple, que la région de Kâlaa (sud-est de Mostaghanem), qui disposait d’un fahç cultivé intensivement, était devenu “ déserte et inculte, la crainte (inspirée par les attaques des tribus voisines) ayant fait fuir tous les habitants ”. El-Idrissi, opus cité, p. 143.

[16] Opus cité, T.2, p. 720-721.

[17] Kaddache M. (1998). L’Algérie durant la période ottomane. Alger : OPU. p. 183-184

[18] Par course on désigne des pratiques de bâtiments de mer afin de s’emparer de marchandises (butin) et de personnes réduites à l’état de captifs et /ou d’esclaves.

[19] Khodja H. (1985). Le miroir. Paris. Editions Sindbad. p. 74

[20] Le beylick est le représentant de la puissance publique sous la Régence turque, l’ogeac est le représentant des armées

[21] Nouschi, Prenant, Lacoste, opus cité. Voir également Merad-Boudia A. (1981). La formation sociale algérienne précoloniale. Alger : OPU. 390 p.

[22] Venture de Paradis J.-M. (1979). Alger au XVIIIéme siècle. Tunis : Bouslama. 2e éd. Texte écrit en 1789.

[23] In Henni A. (1982). La colonisation agraire et le sous-développement en Algérie. Alger : SNED. 246 p

[24] Venture de Paradis opus cité p. 162

[25] Les koulighlis sont les descendants de turcs (souvent des janissaires) et d’autochtones

[26] Un khammès est un métayer payé au 1/5 de la récolte. Cf. Meuleman J.H. (1991). Le Constantinois entre les deux guerres mondiales. L’évolution économique et sociale de la population rurale. Alger : OPU. 338 p.

[27] Marx K., Engels F. (1976). Marxisme et Algérie. (Textes présentés et traduits par Gallissot/Badia). Paris : UGE. 432 p. (Collection 10/18).

[28] Marx K. (1970). Le système foncier en Algérie au moment de la conquête. In C.E.R.M. (ed.). Sur les sociétés précapitalistes : textes choisis de Marx, Engels et Lénine. Paris : Editions Sociales. p. 383-384.

[29] La formule est de .....

[30] Berque J. (1974). Qu’est-ce qu’une tribu nord-africaine. In : Berque J. Maghreb, histoire et sociétés. Alger : SNED. p. 22-34. Article publié en 1954

[31] Gallissot, opus cité p. 119 et suivantes

[32] L’expression est de A. De Tocqueville

[33] Fortement contrôlée en France, l’opposition au IIème Empire s’exprima par exemple en Algérie, en revendiquant la « liberté individuelle contre la tyrannie administrative », les libertés économiques et politiques… Voir Meyer J. et al. (1991). Histoire de la France coloniale. Des origines à 1914. Paris : A. Colin. T.1. Chapitres 13 à 17.

[34] Les divergences entre les « Africains » (officiers en poste en Algérie) porteront aussi sur les modes de colonisation. Le général Lamoricière sera favorable à une colonisation capitaliste portée par des sociétés : « la colonisation est affaire d’argent plutôt qu’une question d’hommes » affirmait-il (avis partagé par A. De Tocqueville). Pour le maréchal Bugeaud la colonisation devait être conduite par des « soldats laboureurs ». Dans les toutes premières années de la conquête, outre les partisans de colonies militaires, les débats mettent aux prises les tenants de la petite colonisation paysanne et peuplante et celle de la grande exploitation coloniale avec apport de capitaux. Les deux systèmes sont expérimentés au cours des premières années de la colonisation. Il convient de rappeler qu’en 1837, année du traité de la Tafna signé entre Bugeaud et l’Emir Abdelkader, les Européens (1 500) détenaient moins de 10 000 ha.

[35] Opus cité 56 p.

[36] La Revue Africaine a été fondée par le maréchal Randon et A. Berbrugger, conservateur de la Bibliothèque Nationale d’Alger « dans le but de connaître tous les faits qui appartiennent à l’histoire de l’Algérie ». La Revue Africaine a paru de 1856 à 1962. La collection de la Revue a été rééditée par l’Office des Publications Universitaires. L’ensemble des numéros peuvent être consultés en ligne sur le site de la Bibliothèque Nationale de France.

[37] Terme utilisé dans la littérature du XIXème siècle pour désigner les tenants de la colonisation

[38] Histoire de la France coloniale, T.1, opus cité p. 550

[39] A. De Tocqueville, opus cité p. 65

[40] Warnier A. (1865). L’Algérie devant l’Empereur : pour faire suite à l’Algérie devant le Sénat et à l’Algérie devant l’opinion publique. Paris : Challamel aîné. p. 72. Warnier écrivait par ailleurs que « Votre organisation sociale en tribu, force associée, conséquemment puissante, est un obstacle à tout gouvernement et une cause éternelle de guerre ruineuse entre vous : comme nous voulons l’ordre, la paix et la richesse, nous supprimons la tribu et nous créons l’individu, en respectant la famille ». Warnier A . (1963). L'Algérie devant le Sénat. Paris : Edit. Dubuisson. p. 64 ou Warnier A . (1964). L'Algérie devant l'opinion publique, pour faire suite à "l'Algérie devant le Sénat". Indigènes et immigrants. Alger : impr. de Molot ou Warnier A. (1865). L’Algérie devant l’Empereur : pour faire suite à l’Algérie devant le Sénat et à l’Algérie devant l’opinion publique. Paris : Challamel aîné. p. 72 ??

[41] Gallissot, opus cité p. 115

[42] Bernard A. (1931). L’Algérie. Paris : Larousse. 224 p

[43] Militaires en poste en Algérie

[44] Discours de Bugeaud à la Chambre des députés au début des années 1840 in Histoire coloniale de la France, T.1, opus cité p.

[45] Cf. Maspéro F. (1993). L’honneur de Saint-Arnaud. Paris : Editions Plon. 540 p. F. Maspéro retrace l’histoire de ce fameux maréchal et de ses Africains qui ont gagné leurs grades en participant activement à la guerre totale dans les années 1840. Leurs lettres et écrits sont un témoignage saisissant de l’extrême violence exercée contre les populations (massacres, enfumades, razzias, incendies de douars…). Voir aussi, Histoire de la France coloniale- opus cité, chapitre 14 et 15. Cf. De Montagnac L.-F. (1998). Lettres d'un soldat. Algérie 1837-1845. Vernon : Editions Ch. Destremeau. 251 p.

[46] A. De Tocqueville, opus cité p

[47] Histoire de la France coloniale – T.1, opus cité

[48] Histoire de la France coloniale, chapitre 14. L'armée organise dès 1846, le contrôle des structures de collecte des blés stockés dans des silos traditionnels par les populations locales. Henni A. (1981). La colonisation agraire et le sous-développement en Algérie. Alger : SNED. p. 110. A. De Tocqueville écrit : « J’ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre », écrit Alexis de Tocqueville avant d’ajouter : « Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit (...) en détruisant les moissons à l'époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu'on nomme razzias et qui ont pour objet de s'emparer des hommes ou des troupeaux. »

[49] Histoire de la France coloniale – T.1, opus cité, p. 357-358

[50] Déclaration en 1851 du député René Didier dans un rapport de l’Assemblée Nationale, cité par Gallissot, in opus cité p. 209. Cette déclaration est faite lors du débat par l’Assemblée nationale de la loi foncière du 16 juin 1851, dont il fut le rapporteur et qui porte par ailleurs son nom.

[51] De 1857 à 1860, les luttes entre partisans de la colonisation et indigénophiles qui opposent deux concepts de la colonisation continuent. D’un côté, l’on a les partisans du Royaume Arabe qui partagent l’idée d’une division du travail entre indigènes (agriculture et l’élevage) et Européens (contrôle du commerce et de l’industrie) ; de l’autre, il y a les colonistes, partisans de la colonie de peuplement car l’indigène est « incapable de mettre en culture son sol et doit se « cantonner » sur une étendue restreinte pour laisser aux hardis colons une exploitation rationnelle de ces terres. La tradition doit céder la place à la modernité » in La France coloniale, opus cité, T.1 p 251

[52] Voir l’ouvrage de Rey-Goldzeiguer A. (1977). Le royaume arabe. Alger : SNED. 814 p. La Lettre-programme de Napoléon III de novembre 1861 évoque le concept de Royaume Arabe. Elle ordonne « aux algériens désormais rassurés pour leurs propriétés, l’agriculture et l’élevage, aux colons confortés par les capitaux investis, l’industrie et le commerce ».

[53] Toutes les données qui suivent sont tirées de l’Histoire de la France coloniale, T.1 opus cité, chapitres 14 et 15. Après la révolution de 1848, la Métropole placera dans la colonie des contingents de volontaires au chômage après la fermeture des ateliers nationaux, fera face à l’agitation sociale et aux revendications politiques d’une population paupérisée, enverra dans les bagnes algériens les délinquants et autres condamnés à des peines d’emprisonnement. L’envoi de 12 000 colons est planifié dès septembre 1848.

[54] Histoire de la France coloniale, T.1 opus cité, chapitres 14 et 15.

[55] Cf. Passeron, R (1830). Centenaire de l’Algérie. Congrès de la colonisation. La compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif. Ancienne Imprimerie V. Heinz. Alger. 45 p

[56] La mobilité des hommes et des troupeaux participait à un mode d’exploitation cohérent des différentes catégories de parcours disponibles ou rendus disponibles par les pratiques agricoles: elle permettait de valoriser toutes les ressources accessibles du Tell (jachère, terres moissonnées, broussailles des forêts, pacages naturels…).

[57] Richard C. (1846). Etude sur l'insurrection du Dahra (1845- 1846). Alger : Besancenez. 207 p.

[58] Cité par Lacheraf M. (1969). L’Algérie : nation et société. Paris : Maspéro. p. 259

[59] Lacheraf, opus cité et Turin Y. (1971). Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale - Ecoles, médecines, religion, 1830-1880. Paris : Maspéro. 434 p. Une deuxième édition de l’ouvrage d’Y. Turin existe depuis 1983 aux éditions ENAL d’ Alger

[60] Cf. Hugonnet, F (1858). Souvenirs d’un chef de bureau arabe. Michel Lévy Frères. Libraires-Editeurs. Paris.286 P ; Voir en particulier p 7 à 12

[61] Les bureaux arabes deviennent, notamment sous Louis-Bonaparte (1850-1870), le symbole du « régime du sabre ». « Cible des colons… et des civils rétifs à la militarisation de la vie coloniale...ils deviennent l’enjeu de la rivalité des civils contre les militaires pour devenir bientôt le symbole d’un régime dictatorial pour l’opposition républicaine. In Histoire de la France coloniale, opus cité, p. 364

[62] Assemblée villageoise

[63] Titre conféré au désormais représentant local de l’administration coloniale

[64] Agent de justice spécialisé en droit musulman Agent de justice spécialisé en droit musulman

[65] La justice musulmane est par réorganisée en 1854 et des réformes sont mises en œuvre au cours des années 1858-60 in Histoire de la France coloniale, opus cité, T.1 p. 426-427

[66] Fondations ou Instituions religieuse de l’Islam maghrébin qui sont vouées au culte de Saints. Elle est un lieu d’instruction religieuse, de célébration de fêtes et de pratiques rituelles…

[67] Cité par Lacheraf , opus cité p. 107. Le Général Ducrot fut officier des bureaux arabes. Il fait partie de ceux qui aux côtés du Général Eugène Dumas (1803-1871) contribua à la définition de la politiquer indigène.

[68] Confrérie religieuse

[69] Il y a aussi des liens entre la misère des populations qui sévit et la disparition des talebs. Y. Turin note : « Que les récoltes baissent et alors les écoles se taisent… Que vienne l’abondance, et les tolbas reparaissent, les ziaras leur assurent quelques ressources. Que le ciel emporte les grains avec les pluies, et les écoles se taisent ». Turin, opus cité p. 236 ; plus loin elle signale que dans de nombreuses circonscriptions, la confiscation des habous « fit disparaître les écoles supérieures », p. 242-243.

[70] Gallissot ; opus cité p. 205

[71] Vacherot A. (1869). L’Algérie sous l’empire. Les indigènes et la colonisation. Revue des Deux Mondes, Septembre-Octobre 1969, T. 83, p. 189

[72] Voir notre notice Auguste Warnier (1810-1876). A paraître dans Remaoun H. (2015). Le dictionnaire historique de l’Algérie. Oran : CRASC.

[73] Warnier A . (1964). L'Algérie devant l'opinion publique, pour faire suite à "l'Algérie devant le Sénat". Indigènes et immigrants. Alger : impr. de Molot

[74] Gautier, E.F (1830). Les cahiers du centenaire de l’Algérie, n° III

[75] Cf. Chouquer, G (2012). Dictionnaire des questions foncières pendant la colonisation de l’Algérie au XIXème. CNRS. Paris. 41 p

[76] Marx, opus cité p 208

[77] Dr Worms, MG (1846). « Recherches sur la constitution de la propriété territoriale dans les pays musulmans ». Editions A. Frank. Paris. 499 p

[78] C'est la terre en friche ou inculte. En droit musulman une terre morte « est celle qui n'appartient à personne, tout en étant le bien de Dieu ». C'est aussi celle qui n'est l’objet d’aucune appropriation. Ces terres sont généralement des terres de parcours , de pacages ou des espaces montagnards ou de forêts utilisées comme parcours.

[79] Cf. Dictionnaire des questions foncières pendant la colonisation de l’Algérie au XIXème de Gérard Chouquer, opus cité

[80] Cité par Chouquer, Opus cité

[81] Les Hadjoutes est une tribu occupant la plaine de la Mitidja qui se trouve aux portes d’Alger

[82] Ch Chouquer, opus cité, notice séquestre

[83] Cf Chouquer, opus cité, notice loi du 16 juin 1851

[84] Paragraphes 12 et 13 de la Lettre-programme de Napoléon III adressée le 6 février 1863 au Duc de Malakoff in Leblanc de Prébois, F (1864). Bilan de l'Algérie à la fin de l'année 1864, ou de la Crise financière, commerciale et agricole, ses causes et les moyens de la conjurer. Impr. Akhbar.Alger. 31p

[85] Cf Passeron, R (1830). Centenaire de l’Algérie. Congrès de la colonisation. La compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif. Ancienne Imprimerie V. Heinz. Alger. 45 p

[86] Lacheraf, opus cité p 57-58

[87] « Un riche entrepreneur, Demonchy reçoit 2000 ha à Tipaza, Lestiboudois, concessionnaire de 600 ha dans la vallée du Saf-Saf, choyé par la IIème république puis notabilité du IIème Empire » In Histoire de la France coloniale, opus cité chapitre 14, p 423

[88] Passeron, opus cité

[89] Les partisans du Royaume Arabe partagent l’idée d’une division du travail entre indigènes (agriculture et l’élevage) aux indigènes et Européens (contrôle du commerce et de l’industrie. Les partisans de la colonie de peuplement pensent que l’indigène est « incapable de mettre en culture son sol et doit se « cantonner » sur une étendue restreinte pour laisser les colons exploiter rationnellement les terres ».

[90] Guignard, D (2010). Conservatoire ou révolutionnaire ? Le sénatus-consulte de 1863 appliqué au régime foncier d’Algérie, Revue d’histoire du XIXème siècle. 41/1010. L’Algérie au XIXème siècle. P 81-95

[91] Guignard, article cité ; Cf également Ben Hounet, Y (2007) « Des tribus en Algérie ? À propos de la déstructuration tribale durant la période coloniale », Cahiers de la Méditerranée 75 : 150-171. Cf. Fabiano, G (2011). «Pour moi, l'Algérie, c'est les Béni-Boudouane, le reste j'en sais rien ». Le Mouvement Social. 2011/3. N° 236

[92] Guignard, article cité, p

[93] Cf. Lacheraf, opus cité p 47 à 68, chapitre « colonialisme et féodalité ».

[94] Cf Guignard, article cité, p

[95] Cf Warnier, L'Algérie devant l'Empereur, opus cité

[96] Cette loi est connue aussi sous le nom de loi Warnier qui fut son rapporteur au parlement français

[97] La chafâa renvoie au droit de préemption

[98] Voir Chouquer, dictionnaire…, opus cité

[99] De Peyerimhoff, H (1906). Enquête sur les résultats de la Colonisation Officielle de 1871 à 1895. Rapport à M. Jonnart, gouverneur général de l’Algérie, Alger, Imprimerie Torrent, 1906, 2 vol.

[100] Marx, opus cité

[101] Cf. Bencheikh-El-FegounAbbassi, F (2007). L’impact des lois foncières coloniales sur la situation socio-économique des paysans Algériens, de 1873 à 1911. Application à trois communes de l’ancien arrondissement de Constantine (El Khroub-Oum el Bouaghi-El Milia). Thèse de doctorat d’Etat. Université Mentouri de Constantine. Faculté des sciences humaines et sociales. Département de sociologie et de démographie. 277 p

[102] In Lacheraf, opus cité p 83

[103] CF Jules Ferry et la question algérienne, p 72 et suivantes in Ageron, Ch.R (1980). L’Algérie algérienne de Napoléon III à De Gaulle. Edit. Sindbad. 254 p

[104] Ageron, opus cité p 77

[105] Tillon, G (1999). L’Afrique bascule vers l’avenir. Editions Tirésias- Michel Reynaud, Paris. «Un paysan aurésien de 1954: Mohand-ou-si-Tayeb , p. 33 et suivantes.

[106] Lecq, H et Rivière, Ch. (1900). Traité pratique d'agriculture pour le Nord de l'Afrique -Algérie, Tunisie, Maroc, Tripolitaine. Société d'Editions Géographiques, Maritimes et Coloniales. Paris.

[107] Julien, Histoire de l'Algérie contemporaine, T.1 "Conquête et colonisation" édition PUF, Paris, 1964, p.439-440

[108] Julien, Ch.A. opus cité, p 411

[109] Nouschi, A (1961). Enquête sur le niveau de vie des populations rurales constantinoises de la conquête jusqu'à 1919 - PUF, Paris, 1961, 767 p – L’enquête quantitative a porté sur le phénomène de paupérisation de la région de Constantine.

[110] Annie Rey Goldzeiguer dans le "Le Royaume Arabe", opus cité fournit également des données quantitatives sur la période 1867 - 1870. Cf chapitre consacré aux années de la misère. « En trois ans, les épreuves s’abattent sur le peuple : sécheresse, tremblement de terre de a Mitidja en 1867, invasion de sauterelles, des maladies des troupeaux auxquelles s’ajoutent la misère, l’absence de nourriture et la famine. Les épidémies suivent les migrations de la faim : choléra et typhus atteignent les mieux nourris des poubelles des villes coloniales ; dans les campagnes les « maladies faméliques » ont raison des tribus » in Histoire de l’Algérie coloniale, p 501

[111] Ageron, Ch.R. (1979) in Histoire de l'Algérie contemporaine, t.2, 1871-1954, Ed. PUF, Paris, p.211.

[112] Cf. Lehuraux L. (1930). La transhumance des nomades des territoires du Sud vers les Hauts plateaux. Alger : Imprimerie V. Heinz. 514 p. Voir également Boukhobza M. (1982). L'agro-pastoralisme traditionnel en Algérie. De l'ordre tribal au désordre colonial. Alger : OPU. 452 p.

[113] Cf. Boukhobza, M (1982), L’agropastoralisme traditionnel en Algérie. De l’ordre tribal au désordre colonial. Alger, Éditions OPU.

[114] Cf Fabbiano,article cité

[115] Boukhobza, opus cité p

[116] L’art. 34 du SC de 1863 édicte que « l’administration réglera annuellement les conditions auxquelles les tribus sahariennes seront admises à exercer sur les territoires des douars les anciens usages de dépaissance de leurs troupeaux »

[117] Lacheraf, opus cité

[118] Cité par Marx dans Marxisme et Algérie, opus cité, p 209-210. Augustion Berque, initiateur de l’administration sociale des indigènes, écrivait de son côté que le Sénatus-Consulte de 1863 avait clairement pour objectif d’assurer « l’amoindrissement des grandes familles indigènes et la dislocation de la tribu ». In Berque, A (1939). Pour le paysan et l’artisan indigène. Editions Minerve.

[119] Vaissière, A (1893). Les Ouled –Rechaich. Revue Africaine n°209, p 144-145-

[120] Prenant, Nouschi, Lacoste, opus cité

[121] 1849-1850 : révolte de l'oasis de Zaatcha (Zibans) dirigée par le Cheikh Bouziane ; 1851 : insurrection et résistance en Grande Kabylie sous la direction de Bou Baghla ; 1859 : révolte des Béni Snassen dans la région de Tlemcen ; 1864 : révolte des Ouled Sidi Cheikh dans le sud oranais ; 1871 : insurrection en Kabylie d'El Mokrani et de la confrérie des Rahmanya ; 1881 : révolte de Bouamama dans l'Oranie ; 1912 : révolte des Béni Chougrane

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B
Cher camarade et ami Ahmed<br /> Peux tu m'écrire pour un échange d'informations. Bien mes amitiés
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