Stratégie impériale pour un nouvel ordre mondial: les origines de la Troisième Guerre mondiale.1ère partie

Publié le par Mahi Ahmed

Introduction

 

Face à l’effondrement économique mondial, les perspectives d’une guerre à l’échelle internationale s’intensifient. Historiquement, les périodes de déclin impérial et de crises économiques sont marquées par la guerre et une violence accrue. La chute des grands empires européens a été stigmatisée par les Première et Seconde Guerres mondiales, et par la Grande dépression qui a eu lieu entre ces deux guerres.

 

Le monde assiste actuellement au déclin de l’Empire étatsunien, en soi un produit de la Seconde Guerre mondiale. En tant que toute-puissance d’après-guerre, les États-Unis ont dirigé le système monétaire international et ont régné en champion et arbitre de l’économie politique mondiale.

 

Afin de gérer cette dernière, les États-Unis ont créé la plus grande et la plus puissante force militaire de l’histoire. Le contrôle permanent de l’économie mondiale nécessite une activité et une présence militaire permanentes.

 

Maintenant que l’empire étatsunien et l’économie politique mondiale sont en déclin et s’effondrent, les perspectives d’une fin violente de l’ère impériale étatsunienne augmentent dramatiquement.

 

Cet essai se divise en trois parties. La première couvre la stratégie géopolitique des États-Unis et de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide, au début du nouvel ordre mondial, en dressant les grandes lignes de la stratégie impériale occidentale ayant mené à la guerre en Yougoslavie et à la « guerre au terrorisme ». La seconde partie est une analyse de la nature des « révolutions des fleurs » ou « révolutions de couleur » dans la stratégie impériale étatsunienne et met l’accent sur l’instauration d’une hégémonie en Europe de l’Est et en Asie centrale. La troisième partie examine l’aspect de la stratégie impériale qu’est la construction d’un nouvel ordre mondial, en se penchant sur les conflits grandissants en Afghanistan, au Pakistan en Iran, en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Afrique, ainsi que le potentiel qu’ont ces conflits de déclencher une nouvelle guerre mondiale contre la Chine et la Russie.

 

Définir une nouvelle stratégie impériale

 

En 1991, avec la chute de l’Union soviétique, les États-Unis et l’OTAN on dû réinventer le rôle joué par leur politique étrangère dans le monde. La Guerre froide servait de justification à l’expansion impérialiste des États-Unis à travers le monde, ayant pour objectif d’« endiguer » la menace soviétique. L’OTAN a elle-même été créée et a existé uniquement dans les but de forger une alliance antisoviétique. Avec la disparition de l’URSS, l’OTAN n’avait plus de raisons d’exister et les États-Unis devaient trouver une nouvelle raison pour leur stratégie impérialiste dans le monde.

 

En 1992, le département de la Défense, sous la direction du secrétaire à la Défense Dick Cheney [futur vice-président sous George Bush Jr] a demandé au secrétaire adjoint à la Défense du Pentagone (Under Secretary of Defense for Policy) Paul Wolfowitz [futur secrétaire adjoint de George Bush Jr et président de la Banque mondiale] de rédiger un document sur la défense pour guider la politique étrangère du pays dans l’ère post-guerre froide, appelée communément « nouvel ordre mondial ».

 

Le document Defense Planning Guidance a été coulé en 1992 et a révélé ceci : « Dans une nouvelle déclaration générale à l’étape finale d’écriture, le département de la Défense affirme que la mission politique et militaire des États-Unis dans l’ère post-guerre froide sera de s’assurer qu’aucune autre superpuissance rivale ne soit autorisée à émerger en Europe de l’Ouest, en Asie ou dans les territoires de l’ancienne Union Soviétique. Le document confidentiel défend un monde dominé par une superpuissance, dont la position peut être perpétuée par un comportement constructif et une force militaire suffisant à dissuader tout pays ou groupe de défier la primauté des États-Unis. »

 

En outre, « la nouvelle ébauche dépeint un monde dans lequel il y a une puissance militaire dominante, dont les leaders “doivent conserver les mécanismes visant même à décourager les compétiteurs potentiels d’aspirer à un rôle régional ou mondial supérieur” ». Parmi les défis nécessaires à la suprématie étatsunienne, le texte « réclamait des guerres régionales contre l’Irak et la Corée du Nord » et identifiait la Chine et la Russie comme ses plus grandes menaces. Par ailleurs, il « suggère que les États-Unis pourraient aussi considérer l’élargissement des engagements de sécurité aux pays d’Europe de l’Est et de l’Ouest, semblablement à ceux de l’Arabie Saoudite, du Koweït et d’autres États arabes le long du Golfe persique ». [1]

 

L’OTAN et la Yougoslavie

 

Les guerres en Yougoslavie dans les années 1990 ont servi de justification au maintien de l’existence de l’OTAN dans le monde et à étendre les intérêts impériaux étatsuniens en Europe de l’Est.

 

La Banque mondiale et le FMI ont préparé le terrain pour la déstabilisation de la Yougoslavie. Après la mort de son dictateur de longue date, Josip Tito, en 1980, une crise de leadership s’est développée dans l’État. En 1982, des officiels de la politique étrangère étatsunienne ont organisé un ensemble de prêts du FMI et de la Banque mondiale, sous le nouveau Programme d’ajustement structurel (PAS), afin de faire face à la crise de la dette de 20 milliards de dollars US. Les prêts du PAS ont eu pour effet de « dévaster l’économie et la politique […] La crise économique menaçait la stabilité politique […] et risquaient d’aggraver les tensions ethniques latentes ». [2]

 

En 1989 Slobodan Milosevic est devenu président de la Serbie, la république la plus grande et la plus puissante des républiques yougoslaves. En 1989 toujours, le premier ministre yougoslave est allé aux États-Unis rencontrer le président George H.W. Bush afin de négocier un autre plan d’aide financière. En 1990, le programme de la Banque mondiale et du FMI est entré en vigueur et les dépense de l’État yougoslave allaient au paiement de la dette. En conséquence, les programmes sociaux ont été démantelés, la monnaie a été dévaluée, on a gelé les salaires et les prix ont augmenté. Les « réformes ont attisé les tendances sécessionnistes nourris par les facteurs économiques aussi bien que par les divisions ethniques, assurant pratiquement la sécession de facto de la république » et menant à la sécession de la Croatie et de la Slovénie en 1991. [3]

 

En 1990, la communauté du renseignement des États-Unis a publié un rapport de synthèse du renseignement (National Intelligence Estimate) prédisant le démantèlement de la Yougoslavie, l’éclatement d’une guerre civile, en rejetant par la suite le blâme de la future déstabilisation sur le président serbe Milosevic. [4]

 

En 1991, un conflit a éclaté entre le Yougoslavie et la Croatie lorsqu’elle a, elle-aussi, déclaré son indépendance. Un cessez-le-feu a été conclu en 1992. Pourtant, les Croates ont poursuivi de petites offensives militaires jusqu’en 1995 et ont également participé à la guerre en Bosnie. En 1995, la Croatie a entrepris l’opération Tempête dans le but de récupérer la région de Krajina. Un général croate a récemment été traduit en justice à La Haye pour crimes de guerre durant cette bataille, un affrontement clé dans l’expulsion des Serbes de la Croatie et qui a « cimenté l’indépendance croate ». Les États-Unis ont soutenu l’opération et la CIA a activement fourni des renseignements aux forces croates, ce qui a conduit au déplacement de 150 000 à 200 000 Serbes, en grande partie par le biais du meurtre, du pillage, de villages incendiés et du nettoyage ethnique. [5] L’armée croate a été entraînée par des conseillers étatsuniens et le général en procès a même été personnellement soutenu par la CIA. [6]

 

L’administration Clinton a donné le feu vert à l’Iran pour qu’il arme les musulmans bosniaques et « de 1992 à janvier 1996, il y a eu un afflux d’armes et de conseillers iraniens en Bosnie ». Qui plus est, « l’Iran et d’autres États musulmans ont aidé à amener des moudjahidin en Bosnie pour livrer la bataille avec les musulmans contre les Serbes, des “saints combattants”  d’Afghanistan, de Tchétchénie, du Yémen et d’Algérie, parmi lesquels certains avaient des liens soupçonnés avec les camps d’entraînement d’Oussama ben Laden en Afghanistan ».

 

C’est « l’intervention occidentale dans les Balkans [qui] a exacerbé les tensions et a aidé à entretenir les hostilités. En reconnaissant les revendications des groupes et des républiques séparatistes en 1990-1991, les élites occidentales – étatsuniennes, britanniques, françaises et allemandes – ont sapé les structures gouvernementales en Yougoslavie, ont accru l’insécurité, ont attisé le conflit et amplifié les tensions ethniques. Et en offrant un soutien logistique aux différentes parties pendant la guerre, l’intervention occidentale a soutenu le conflit jusqu’au milieu des années 1990. On doit voir sous cet angle le choix qu’a fait M. Clinton de défendre les musulmans bosniaques pour se faire le champion sur la scène internationale, ainsi que les demandes de son administration pour que les Nations Unies lèvent l’embargo sur les armes afin d’armer les musulmans et les Croates contre les Serbes. » [7]

 

Pendant la guerre en Bosnie, il y « avait une vaste voie de passage secrète pour le trafic d’armes par la Croatie. Elle avait été constituée par les agences clandestines des États-Unis, de la Turquie et de l’Iran, avec la collaboration d’un éventail de groupes islamistes radicaux, incluant des moudjahidin afghans et le Hezbollah pro-iranien. » De plus, « les services secrets de l’Ukraine, de la Grèce et d’Israël s’affairaient à armer les Serbes bosniaques ». [8] L’agence de renseignement allemande, la BND, a également envoyé des cargaisons d’armes aux musulmans bosniaques et à la Croatie pour la lutte contre les Serbes. [9]

 

Les États-Unis avaient influencé la guerre dans la région de diverses façons. Comme le rapportait The Observer en 1995, un pan important de leur implication se faisait par le biais de « Military Professional Resources Inc (MPRI), une société privée étatsunienne de généraux et d’agents du renseignement à la retraite, située en Virginie. L’ambassade étatsunienne à Zagreb a admis que MPRI entraînait les Croates, avec la permission du gouvernement des États-Unis. » Aussi, les Néerlandais « étaient convaincus que les forces spéciales étatsuniennes étaient impliquées dans l’entraînement de l’armée bosniaque et de l’armée croate de Bosnie (HVO). » [10]

 

Dès 1988, le leader de la Croatie a rencontré le chancelier allemand Helmut Kohl afin de créer « une politique conjointe pour désunir la Yougoslavie » et amener la Slovénie et la Croatie dans la « zone économique allemande ». Des officiers de l’Armée étatsunienne ont donc été envoyés en Croatie, en Bosnie, en Albanie et en Macédoine en tant que « conseillers » et ont fait appel aux Forces spéciales des États-Unis pour les aider. [11] Durant le cessez-le-feu de neuf mois dans la guerre de Bosnie-Herzégovine, six généraux étatsuniens ont rencontré des dirigeants de l’armée bosniaque pour planifier l’offensive bosniaque qui a mis fin au cessez-le-feu. [12]

 

En 1996, la mafia albanaise, avec collaboration avec l’Armée de libération du Kosovo (ALK), une organisation de guérilleros militants, a pris le contrôle du gigantesque itinéraire de trafic de drogue des Balkans. L’ALK était liée à d’anciens moudjahidin en Afghanistan, dont Oussama ben Laden. [13]

 

En 1997, l’ALK a commencé à se battre contre les forces serbes, [14] et en 1998, le département d’État états-unien a enlevé l’ALK de sa liste d’organisations terroristes. [15] Avant et après 1998, l’ALK recevait des armes, de l’entraînement et du soutien des États-Unis et de l’OTAN, et la secrétaire d’État de M. Clinton, Madeleine Albright entretenait une relation  politique étroite avec Hashim Thaci, le dirigeant de l’ALK.

 

À la fois la CIA et le renseignement allemand, la BND, ont soutenu les terroristes de l’ALK en Yougoslavie avant et après qu’elle ne soit bombardée par l’OTAN en 1999. La BND avait des contacts avec l’ALK depuis le début des années 1990, au moment où l’ALK établissait des contacts avec Al-Qaïda. [17] Les membres de l’ALK étaient entraînés par Oussama ben Laden dans les camps d’entraînement en Afghanistan. Même l’ONU a affirmé que la violence provenait en majorité des membres de l’ALK « particulièrement des alliés de Hashim Thaci ». [18]

Le bombardement de l’OTAN au Kosovo en mars 1999 a été justifié par le faux-semblant suivant : mettre un terme à l’oppression des Albanais du Kosovo par les Serbes, qualifiée de génocide. L’administration Clinton a déclaré qu’au moins 100 000 Albanais du Kosovo étaient portés disparus et qu’ils avaient « peut-être été tués » par les Serbes. Bill Clinton a personnellement comparé les événements du Kosovo avec l’Holocauste. Le département d’État avait avoué craindre que près de 500 000 Albanais étaient mort. Finalement, l’évaluation officielle a réduit ce nombre à 10 000, toutefois, des enquêtes exhaustives ont révélé que moins de 2 500 des décès albanais pouvaient être attribués aux Serbes. Pendant la campagne de bombardements de l’OTAN, entre 400 et 1500 civils serbes ont été tués et l’OTAN a commis des crimes de guerres, dont le bombardement d’une station de télévision serbe et d’un hôpital. [19]

 

En 2000, le département d’État des États-Unis, en coopération avec la American Enterprise Institute, AEI, a tenu une conférence en Slovaquie sur l’intégration euro-atlantique. Parmi les participants, il y avait des chefs d’État, des officiels des Affaires étrangères et des ambassadeurs de divers États européens, ainsi que des représentants de l’ONU et de l’OTAN. [20] Un correspondance entre un politicien allemand présent à la rencontre et le chancelier allemand a révélé la vraie nature de la campagne de l’OTAN au Kosovo. On y apprenait que les conférenciers ont réclamé une déclaration hâtive de l’indépendance du Kosovo, que la guerre en Yougoslavie était menée dans le but d’élargir l’OTAN, que la Serbie serait exclue indéfiniment du développement européen afin de justifier une présence militaire états-unienne dans la région et que l’expansion était ultimement conçue pour endiguer la Russie. [21]

 

Élément important, « la guerre créait une raison d’être pour la perpétuité de l’OTAN dans un monde d’après-guerre froide, alors que l’organisation tentait désespérément de justifier son existence et son désir d’expansion ». En outre, « les Russes avaient assumé que l’OTAN se dissoudrait à la fin de la Guerre froide. Au contraire, non seulement l’OTAN s’est élargie, elle est allée en guerre en raison d’une dispute interne dans un pays slave d’Europe de l’Est ». Cela a été vu comme une grande menace. Ainsi, « la guerre de 1999 contre la Yougoslavie est à l’origine de bien des tensions entre les États-Unis et la Russie au cours de la dernière décennie ». [22]

 

La guerre au terrorisme et le Project for the New American Century (PNAC)

 

Lorsque Bill Clinton est devenu président, les faucons néoconservateurs de l’administration de George H.W. Bush on formé un cercle de réflexion appelée Project for the New American Century (Projet pour un nouveau siècle états-unien) ou PNAC. En 2000, ils ont publié un rapport intitulé Rebuilding America’s Defenses: Strategy, Forces, and Resources for a New Century. (Reconstruire la défense des États-Unis : stratégie, forces et ressources pour un nouveau siècle). En se basant sur le document Defense Policy Guidance (Guide de la politique de défense) ils ont déclaré que « les États-Unis doivent conserver suffisamment de forces capables de se déployer rapidement et de gagner de multiples guerres de grande échelle à la fois [23] ». On ajoute, qu’« il est nécessaire de conserver suffisamment de forces de combat pour mener et gagner de nombreuses guerres de théâtre presque simultanées [et que] le Pentagone a besoin de commencer à calculer la force nécessaire pour protéger, indépendamment et en tout temps, les intérêts états-uniens en Europe, en Asie de l’Est et dans le Golfe ». [25]

 

Fait intéressant, le document indiquait que « depuis des décennies, les États-Unis ont cherché à jouer un rôle davantage permanent en matière de sécurité dans la région du Golfe. Alors que le conflit irrésolu avec l’Irak fournit une justification immédiate, la nécessité d’une force états-unienne substantielle dans le Golfe transcende la question du régime de Saddam Hussein [26] ». Cependant, en préconisant une importante augmentation des dépenses en défense ainsi que l’expansion de l’empire états-unien autour du globe, incluant la puissante destruction de nombreux pays par de grandes guerres de théâtre, le rapport mentionnait qu’« [e]n outre, le processus de transformation, même s’il apporte des changements révolutionnaires, sera probablement de longue durée s’il ne se produit pas d’événement catastrophique et catalyseur, comme un nouveau Pearl Harbor [27] ». Cet événement s’est produit un an plus tard, lors des attentats du 11 septembre. De nombreux auteurs du rapport et membres du PNAC étaient devenus des représentants de l’administration Bush et étaient en position convenable pour mettre leur « projet » à exécution après l’avènement de leur « nouveau Pearl Harbor ».

 

Les plans pour la guerre étaient « déjà en développement par les boîtes de réflexion d’extrême-droite dans les années 1990, des organisations au sein desquelles des combattants de la Guerre froide issus du cénacle des services secrets, des églises évangéliques et des compagnies de pétrole et d’armement formulaient des plans consternants pour un nouvel ordre mondial ». Afin d’y arriver, « les États-Unis auraient besoin d’utiliser tous les moyens – diplomatiques, économiques et militaires, même des guerres d’agression – pour avoir le contrôle à long terme des ressources de la planète et la capacité d’assurer la faiblesse de tout rival potentiel ».

 

Parmi les personnes impliquées dans le PNAC et les plans impériaux on trouve “Dick Cheney – vice-président; Lewis Libby – chef d’état-major de M. Cheney; Donald Rumsfeld – secrétaire à la Défense; Paul Wolfowitz – secrétaire de M. Rumsfeld; Peter Rodman – chargé des Affaires de Sécurité mondiale; John Bolton – secrétaire d’État pour le contrôle des armements; Richard Armitage – adjoint du secrétaire d’État; Richard Perle – ancien adjoint du secrétaire à la Défense sous Reagan, aujourd’hui à la tête du Defense Policy Board (conseil des politiques de Défense); William Kristol – directeur du PNAC et conseiller de M. Bush, connu comme le cerveau du président et Zalmay Khalilzad », qui est devenu ambassadeur et en Afghanistan et en Irak après les changements de régimes [28
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