Qatar : quelques articles édifiants

Publié le par Mahi Ahmed

Qatar : quelques articles  édifiants

- le 15 Juin 2012

Les dessous de la Coupe du Monde 2022 au Qatar

Les conditions de travail des ouvriers immigrés qui construisent les infrastructures de la future Coupe du Monde de football sont proches de l’esclavage. Un an après un rapport de la Confédération Syndicale Internationale, l’organisation Human Rights Watch tire à son tour la sonnette d’alarme. Dans son document paru cette semaine, l’association révèle l’exploitation de ces centaines de milliers de travailleurs, venus pour la plupart des pays d’Asie du Sud.

En décembre 2010, l’organisation de la Coupe du Monde 2022 était confiée au Qatar, la minuscule pétromonarchie du Golfe à l’appétit toujours grandissant. Pour être à la hauteur de l’évènement qui braquera tous les feux sur le pays d’ici 10 ans, le Qatar a vu les choses en grand. Des dizaines de milliards de dollars sont investis pour construire l’ensemble des infrastructures nécessaires : stades climatisés, transports publics, hôtels… Mais pour construire, il faut de la main d’œuvre, et au Qatar, 94% des travailleurs sont immigrés.

Ceux qui sont à la construction travaillent, comme le révèle Human Rights Watch, dans des conditions à la limite de l’exploitation et de l’abus. Le rapport basé sur plus de 70 témoignages d’ouvriers et intitulé « Construire une meilleure Coupe du Monde : protéger les travailleurs migrants du Qatar avant la coupe de la FIFA 2022 », parle même de travailleurs migrants prisonniers de leur emploi. Il dénonce en effet des frais d’embauche élevés, la confiscation du passeport par les employeurs, des déductions de salaire illégales et surtout le système de parrainage imposé aux travailleurs. Ce système met les ouvriers dans une situation de dépendance par rapport à ceux qui les emploient. Impossible pour eux de changer de travail sans permission de leur patron, et même afin de sortir du pays, ils doivent obtenir un « permis de sortir » signé par leur « parrain ». Les règles de sécurité sont elles aussi régulièrement bafouées détaillent le rapport et aucune statistique ne permet de se rendre compte du nombre d’accidents du travail ou de décès accidentel. D’après le document, « l'ambassade népalaise a déclaré 191 décès d'ouvriers népalais en 2010, et l'ambassade d'Inde a annoncé 98 décès de migrants indiens, dont 45 travailleurs pauvres victimes de crises cardiaques, rien que pour les premiers mois de l'année 2012 ». Côté qatari en revanche, les représentants du ministère explique qu’ « au cours des trois dernières années, il n'y a guère eu plus de six cas de décès d'ouvriers ».

Quant à protester contre ses abus, les lois du Qatar interdisent tout simplement aux ouvriers migrants de se syndiquer ou de se mettre en grève. « On ne se plaint pas, parce que si on se plaignait de quoi que ce soit, l’entreprise nous punirait » a expliqué un des travailleurs à l’ONG. La marge de manœuvre n’existe donc quasiment pas pour ces salariés exploités en toute impunité.

Le rapport appelle le Qatar mais également la FIFA à réagir face aux manquements signalés. Le droit de grève est par exemple reconnu par l’Organisation Internationale du Travail comme un droit fondamental, mais interdit à ces travailleurs. La situation est d’autant plus scandaleuse que le gouvernement comme la FIFA s’étaient engagés à respecter les droits des travailleurs tout au long de la préparation du Mondial. Malgré quelques promesses émises depuis, l’association estime que l’on est encore loin du compte et qu’il faudra d’autres mesures pour respecter les droits de ces travailleurs immigrés.

Le Qatar n’est pas le seul pays de la région à bafouer le droit des travailleurs. Human Rights Watch vient de publier un autre rapport sur le sort des ouvriers qui construisent une annexe du musée du Louvre sur l’île Saadiyat à Abou Dhabi.

Qatar. La diplomatie du carnet de cheikh

Révolutions arabes, acquisitions d’hôtels de luxe en France, prises de participation multiples, Coupe du monde de football 2022 et rachat du PSG… la frénésie du richissime petit émirat du Golfe semble sans limites et commence à inquiéter. Capitale désormais incontournable, 
Doha est un vaste chantier, eldorado pour les uns et mirage pour les autres. Reportage au pays des rentiers.

Doha (Qatar), envoyé spécial. Al Corniche Street. Sur cette route qui délimite la baie de Doha, un joggeur remonte tranquillement cette corniche de sept kilomètres dont la courbe s’arrête au pied de l’hôtel Sheraton. Il y a dix ans à peine, ce bâtiment en forme de pyramide était le seul immeuble de cette cité-État. Aujourd’hui, il fait office de figure de proue de West Bay, un immense chantier où se relaient jour et nuit des milliers d’ouvriers venus du sous-continent indien pour bâtir un Manhattan-sur-Sable au rythme d’une nouvelle tour par mois. En face, le front de mer, lui aussi, n’est plus seul. L’émir Hamad bin Khalifa Al Thani, cinquante-neuf ans, en a ouvert beaucoup d’autres.

Diplomatie, médias, sport, finance, culture… le Qatar est omniprésent. Arrivé à la tête de cette monarchie héréditaire wahhabite, qui tire ses immenses revenus de ses ressources en gaz, à la faveur d’un coup d’État contre son père en 1995, l’émir a su mettre sur la carte du monde ce minuscule État. Une véritable prouesse. « Quand je disais que je vivais au Qatar, je devais préciser que c’était dans le Golfe, car mes interlocuteurs pensaient que je parlais du pays cathare, en France », se souvient Cécile Avgoustopoulos, à Doha depuis vingt ans. Cette époque est désormais révolue. Le Qatar est sorti de l’anonymat. Surtout en France, depuis le rachat, cet été, du Paris Saint-Germain.

Cette montée en puissance est le fruit d’une stratégie mûrement réfléchie. Elle a commencé en 1996, avec la création de la chaîne d’information Al Djazira. La « CNN du monde arabe » devient vite un formidable vecteur d’influence et de notoriété malgré ses accointances avec des islamistes. « Al Djazira s’est imposée grâce à sa capacité à critiquer tout le monde, sauf qu’il n’y a jamais d’émissions critiques sur ce qu’il se passe au Qatar », pointe Didier Billion, de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

Le deuxième étage de la fusée commence au début des années 2000, avec l’organisation de compétitions sportives puis de grands événements comme les Jeux asiatiques en 2006. L’émirat accueillera, en 2015, le championnat du monde de handball, puis, en 2022, la Coupe du monde de football en plein été, sous 50 degrés, avec des stades climatisés. « Le sport 
leur permet de faire du “soft power”. Et ça marche ! » constate le chercheur français.

Une nouvelle étape est franchie en 2005, avec la création d’un fonds souverain, The Qatar Investment Authority (QIA), afin de diversifier les revenus d’une économie excédentaire. QIA prend son essor en 2008, à la faveur de la crise économique, en multipliant les acquisitions et les prises de participation en Europe (Suisse, Espagne, Luxembourg, Allemagne, Grande-Bretagne). Londres est désormais surnommée « Londo-ha » depuis qu’un Qatari y construit The Shard, la tour la plus haute d’Europe.

La France est une cible de choix : Lagardère (10 %), Vinci (5,8 %), Veolia (5 %), Suez (1 %). Le maroquinier Le Tanneur a été racheté cet été. La compagnie aérienne Qatar Airways est le transporteur officiel du Tour de France. Deux chaînes de télé de sport sont en cours de création à Paris pour diffuser des matchs de foot de la Ligue 1 et de la Ligue des champions, acquis au prix fort. Le Qatar aurait aussi raflé une version des Joueurs de cartes, de Paul Cézanne, pour la somme record de 250 millions de dollars afin de doter l’un de ses musées.

Les Qataris sont aussi propriétaires, à Cannes, du casino municipal et de trois palaces (Majestic, Gray d’Albion, Carlton). À Paris, ils ont le Royal Monceau et le Centre international des conférences. À titre personnel, l’émir possède, outre un duplex rue de Rivoli et une villa à Marnes-la-Coquette, l’hôtel d’Évreux, place Vendôme. Ses proches ont acquis l’hôtel Lambert, sur l’île de la Cité… Depuis 2009, une loi taillée sur mesure exonère les Qataris d’imposition sur les plus-values immobilières et d’impôt sur la fortune (pour les cinq premières années de résidence). En contrepartie, la France équipe l’armée du Qatar, y vend des Airbus, et permet à des entreprises comme Bouygues, dont le plus gros chantier à l’international est à Doha, d’y signer de juteux contrats.

Le dernier étage de la fusée a été lancé l’année dernière, lors des
révolutions arabes. En les soutenant activement (intervention militaire en Libye, formation et financement des opposants), sauf à Bahreïn, à la demande de Riyad (Arabie saoudite) qui ne veut pas de chiites au pouvoir, le Qatar en a profité pour s’imposer comme un nouvel acteur régional. À la tête de la Ligue arabe, il s’active pour faire tomber le régime syrien. C’est un rôle nouveau.

Jusqu’à présent, le Qatar était connu pour son rôle de médiateur dans les crises (libération des infirmières bulgares, Liban, Darfour…). « Le Qatar regarde à l’est, à l’ouest, au nord, au sud », proclame-t-on à Doha. C’est au nom de cette « neutralité », unique dans la région, que cohabitent les soldats de la base militaire américaine Al-Udeid, les islamistes de tout poil réfugiés à Doha, comme le fondateur du FIS algérien, Abassi Madani, des représentants israéliens, des cadres internationaux et, demain, les prochains locataires de la première ambassade des talibans à l’étranger. « Faites venir les gens, donnez-leur de l’argent et le tour est joué », résumait dans The New York Times le journaliste qatari Hamid Al Ansari. « Le Qatar a compris assez tôt qu’il ne fallait pas mettre tous ses œufs dans le même panier », assure Didier Billion.

Mais le Qatar a ensuite déconcerté et agacé ses alliés en prenant fait et cause pour les partis islamistes comme les Frères musulmans égyptiens, le mouvement tunisien Ennahdha et le gouverneur militaire de Tripoli, 
Abdelhakim Belhadj, ancien proche d’al-Qaida. Simple opportunisme, parti pris religieux ? « La grande question que je me pose, sans avoir de réponse, est de savoir si, dans certains pays, le Qatar ne va pas jouer la carte des salafistes, des éléments encore plus radicaux, en concurrence avec les Saoudiens. Je considère que le Qatar joue pour le moins un jeu très dangereux », répond Didier Billion. C’est à cause de ce contexte que l’annonce de la création d’un fonds d’investissement de 50 millions d’euros pour les banlieues françaises, à la demande de l’Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld), a jeté le trouble sur les réelles motivations du Qatar. Il n’a pas encore été dissipé.

La métamorphose au pas de course du Qatar suscite aussi beaucoup d’inquiétudes chez les Qataris, plus conservateurs que leurs dirigeants. Au cours des six dernières années, la population, composée à 85 % d’une main-d’œuvre immigrée, a doublé. « Nous ne voulons pas être un autre Dubai. Nous ne voulons pas perdre notre identité et nos traditions. Il y a trop de modernité ici », affirme Khalifa Al Obaidli, quarante ans. Ce photographe qatari regrette l’irruption de la photo numérique. « Avant, les gens venaient entre amis chez le photographe. C’était un lieu de convivialité. Aujourd’hui, tout le monde est rivé à son téléphone portable », regrette-t-il. Sa femme porte le voile mais pas le niqab, ce tissu qui recouvre le visage. En l’espace de dix ans, sous l’impulsion de la première dame du pays, la cheikha Moza, les femmes ont gagné le droit de conduire, de voter, de travailler, de sortir avec leur mari et de s’habiller comme elles le souhaitent, même si force est de constater qu’elles portent toutes une abaya noire, sorte de longue robe. « Les vieux apprécient beaucoup ces changements mais mes frères, par exemple, sont très sceptiques », indique Khalifa Al Obaidli.

Les Qataris possèdent le plus haut revenu par tête d’habitant. Tous ne sont pas richissimes mais ils ont le droit à de nombreux avantages
(logement, aides sociales) et bien sûr ne paient pas d’impôts. Le chômage n’existe pas. « Et quand on appartient au clan de la famille régnante des Al Thani, on est soit un ministre soit un directeur », constate un journaliste d’Al Djazira. Toujours prompt à organiser des colloques sur la démocratie et les droits de l’homme, le Qatar ne tolère toujours ni parti politique ni syndicats et a encore refusé d’abolir la peine de mort. Mais personne ne proteste. « L’émir a acheté son peuple », affirme un expatrié.

La seule révolte pourrait venir de ces milliers d’ouvriers exploités sur les chantiers. « Ce sont des esclaves low cost, mais il y a aussi des esclaves de luxe. Ce sont tous ces cadres internationaux venus pour de très bons salaires. Ils ont en commun d’avoir peur de perdre leur travail », poursuit cet expatrié. « Ici, tout peut s’arrêter du jour au lendemain. C’est une véritable épée de Damoclès », continue-t-il. Un avis partagé par les nombreux journalistes d’Al Djazira, issus du Maghreb. « On est payés entre 6 000 et 12 000  euros net d’impôt, avec un logement fourni. Alors évidemment, on fait attention à ne pas s’attirer d’ennuis... », confie l’un d’entre eux.

Le Qatar n’a pas fini d’étonner. Personne ne semble résister à ses gazodollars. L’émirat fourmille de projets : départ du Tour de France, création d’un circuit de Formule 1… Mais le rêve de l’émir est d’organiser les jeux Olympiques d’été. Évincé pour ceux de 2016 à cause du climat, le Qatar a remporté une première victoire en obtenant le droit d’organiser des JO entre le 20 septembre et le 20 octobre. « Vous avez devant vous les meilleures installations sportives au monde », nous montre Serge Van Poelvoorde, responsable de la gymnastique pour le Comité olympique du Qatar. « En dix ans, j’ai appris qu’ici tout est possible », assène-t-il. « Le Qatar aura bientôt les Jeux d’été. 2020, 2024 ou 2028, c’est sûr », a confié récemment un expert du mouvement olympique. L’émir Al Hani, qui a tout planifié dans le cadre de son « Qatar National Vision 2030 », est prêt à patienter. Mieux vaut Qatar que jamais…

Quelques chiffres clefs

Population : 1,7 million d’habitants, dont 425 000 Qataris (25 %).

Capitale : Doha.

Indépendance : 3 septembre 1971 (ancien protectorat britannique).

Superficie : 11 600 kilomètres carrés.

PIB par habitant : 88 000 dollars (le plus élevé au monde).

Croissance 2011 : 17 % (16 % en 2010).

Taux de chômage : 0,5 %.

Ressources : troisième réserve de gaz naturel au monde, premier exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL).

Damien Roustel

Qatar. « Des conditions proches de l’esclavage »

Tim Noonan est le porte-parole de la Confédération syndicale internationale, auteur d’un rapport sur les conditions de vie des travailleurs immigrés au Qatar.

Quelle est la situation de la main-d’œuvre étrangère au Qatar ?

Tim Noonan. Le Qatar attire chaque année des milliers d’employées domestiques et d’ouvriers du bâtiment. Plus de cent milliards de dollars de dépenses en infrastructures sont prévues pour l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022. Un million d’ouvriers supplémentaires seront nécessaires. Les conditions sont très difficiles. Il faut imaginer travailler au trentième étage d’une tour en construction sous 50 degrés. Nous savons qu’une centaine de Népalais décèdent chaque année de crises cardiaques liées aux fortes chaleurs. Les syndicats, 
les négociations collectives 
et les grèves sont interdits. 
Les logements sont des dortoirs sordides. Ces travailleurs sont traités plus ou moins comme 
des esclaves.

Combien sont-ils payés ?

Tim Noonan. C’est très variable mais c’est de l’ordre de 200 dollars pour une servante, 300 dollars pour un ouvrier du bâtiment. La moitié des travailleurs asiatiques ont dû s’endetter pour régler des droits d’inscription d’environ 550 dollars auprès d’agences de recrutement dans leur pays. Sur place, ils doivent signer un nouveau contrat de travail dans une autre langue avec un salaire parfois revu à la baisse, qu’ils peuvent mettre des mois à toucher car les retards de paiement sont fréquents.

Qu’est-ce que la kafala, ce système que vous dénoncez dans votre rapport ?

Tim Noonan. C’est le contrat de travail qui vous lie avec votre employeur. Pour venir au Qatar, toute entreprise a besoin d’un partenaire local. Si celui-ci rompt ce contrat, vous vous retrouvez du jour au lendemain sans rien. Si ce partenaire ne vous délivre pas un permis de sortie ou ne vous restitue pas vos papiers, vous pouvez rester bloqué dans le pays sans argent. C’est la pire des situations.

Y a-t-il eu des avancées ces dernières années ?

Tim Noonan. Le premier ministre a évoqué l’abrogation de la kafala. Il est question de créer un endroit pour les ouvriers afin d’améliorer leurs conditions de vie. C’est évidemment bienvenu mais ceux-ci risquent d’être mis encore plus à l’écart. L’émir a dit que les salariés devaient avoir le droit de se syndiquer mais pour le moment cela ne s’applique qu’aux Qatariens. Les autorités ont également parlé de créer un comité d’une cinquantaine de personnes, nommées par le pouvoir, pour défendre les droits des travailleurs étrangers. C’est inacceptable. Cela pourrait même être un pas en arrière. Nous sommes très clairs. Nous demandons au Qatar de ratifier les conventions sur les libertés d’association et les droits 
de négociation collective. 
Tant que cela ne sera pas fait, 
nous ne pourrons rien régler.

Prônez-vous toujours le boycott du Mondial 2022 au Qatar ?

Tim Noonan. Nous avons rencontré la Fifa à propos de la construction des stades. Elle nous a écoutés et a indiqué qu’elle souhaitait travailler avec nous pour améliorer la législation au Qatar. D’autres réunions sont prévues. Mais si le Qatar ne bouge pas, alors nous lancerons une campagne de boycott de la Coupe du monde 2022. Nous demanderons à la Fifa de trouver un autre pays organisateur..

Entretien réalisé par D. R.

L’appétit grandissant du Qatar pour Lagardère

Dans une déclaration d’intention adressée à l’Autorité des marchés financiers, le Qatar a annoncé sa volonté d’augmenter sa participation au capital du groupe Lagardère.

Le Qatar est décidément bien gourmand. Dans une déclaration d’intention adressée à l’Autorité des marchés financiers (AMF) et publiée mardi, la société Qatar holding LLC, fonds d’investissement de l’émirat, a déclaré qu’elle pourrait « augmenter sa participation dans la société Lagardère SCA ». Une décision que le groupe n’a pas commentée. Le 23 décembre dernier, le Qatar avait déjà acquis plus de 10 % du capital du groupe français de médias et 7,87 % des droits de vote, devenant de fait le premier actionnaire de Lagardère.

Toutefois, la holding qatarie a pris soin de préciser qu’elle n’envisageait pas de « prendre le contrôle de la société » (les statuts de l’entreprise l’en empêchent) tout en réclamant pourtant sa nomination au conseil d’administration. Lagardère SCA, société en commandite par actions, reste donc entre les mains d’Arnaud Lagardère (fils du fondateur du groupe, Jean-Luc Lagardère), qui ne détenait pourtant que 9,62 % du capital et 14,01 % des droits de vote fin 2010.

Dans son courrier adressé à l’AMF, le Qatar prévoyait également de « discuter avec tous les acteurs intéressés (…) en vue de partenariats stratégiques permettant la création de valeur à long terme pour les actionnaires de la société ».

Cet appétit grandissant de l’émirat pour les entreprises françaises, et en particulier pour la société d’Arnaud Lagardère, soulève pour le moins quelques interrogations sur ses ambitions à long terme.

Au-delà de l’activité média du géant français, c’est son leadership industriel qui fait saliver. En effet, Ahmad Mahamed Al Sayed, président de Qatar Holding LLC, a fait entendre en septembre dernier son intention d’« étudier de près » l’éventuelle entrée au capital d’EADS, groupe aéronautique européen dont Lagardère est actionnaire à hauteur de 7,5 %. Une stratégie économique huilée qui fait craindre une mainmise de l’émirat sur les secteurs clés de l’économie européenne et relance les spéculations.

Pour sa part, l’investisseur américain Guy Wyser-Pratte, qui avait tenté sans succès d’entrer en 2010 au conseil de surveillance de Lagardère, n’y voit qu’une sombre histoire de copinage. Selon lui, les dirigeants de Qatar Holding SCA « sont des amis de Jean-Luc Lagardère », ajoutant qu’ils sont en train « de verrouiller le capital en faveur du fils ».

Et alors que l’action en Bourse de Lagardère a chuté de plus de 33 % en un an en 2010, et que le groupe a annoncé en novembre dernier revoir à la baisse ses prévisions de bénéfices, qui restent colossaux, l’annonce de la probable augmentation de la participation du Qatar a changé la donne. Mardi, après la publication par l’AMF de la déclaration d’intention de Qatar Holding LLC, la valeur du titre prenait en effet 4,59 %, passant à 22,01 euros. CQFD.

Marion d’Allard

http://www.humanite.fr/medias/l%E2%80%99appetit-grandissant-du-qatar-pour-lagardere-487053

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