Le « Bushisme » et la « scharonite
17.04.02
Le « Bushisme » et la « scharonite »
Par Mahi Ahmed
Sharon persiste dans une guerre d’une envergure d’enfer appelée «Rempart de protection » contre le peuple palestinien. Ses chars et toute son armada occupent les terres morcelées par les implantations coloniales et le ciel ensanglanté de la petite et frêle Palestine qui ne demande qu’à émerger de la nuit coloniale et trouver sa place historique dans le concert des nations et des Etats libres. Le prétexte qu’il avance, c’est l’action des kamikazes palestiniens, c’est le terrorisme « musulman » frappant inconsidérément des civils israéliens innocents. Il est, en cela, franchement et activement soutenu par W. Bush et son administration. Celle-ci ignore superbement la cause palestinienne, ses causes profondes et immédiates de même que la terrible situation imposée depuis des décennies au peuple palestinien. Elle assujettit toute position ou toute démarche à ses ambitions planétaires. Tous les symboles de l’autorité palestinienne sont sauvagement détruits, les localités palestiniennes occupées par une soldatesque déchaînée et chauffée à l’extrême . Le processus d’Oslo, inscrit dans l’esprit et la lettre de la conférence de Madrid initiée par la communauté internationale, est étouffé et enterré dans la mémoire inconsciente et brisée de dirigeants israéliens qui n’ont rien appris de l’histoire et surtout de celle endurée par la communauté juive mondiale avec l’holocauste, la shoa, histoire qui a favorisé l’émergence de l’Etat d’Israël. Faut-il qu’ils l’oublient et se laissent entraîner par un intégrisme religieux dont les internationales qui sévissent aujourd’hui, puisent leurs inspirations et leurs modèles historiques modernes ? Sharon agit à sa guise avec les moyens militaires et politiques qu’il fixe, refusant d’exécuter les résolutions du conseil de sécurité de l’ONU et se moquant des injonctions de Bush lui demandant avec une fermeté feinte et ambiguë de retirer ses troupes des territoires palestiniens. Il humilie les représentants de la communauté européenne, lui refusant de rencontrer le Président Arafat. Il ignore avec arrogance la dernière déclaration des quatre (ONU, USA, Union Européenne et Russie) de Madrid. Il pousse l’outrecuidance jusqu’à vouloir donner l’impression d’orienter les opérations de la mission de Colin Powell dans la région, ce dernier ne levant son doigt que pour exprimer sa solidarité avec Israël ou formuler des exigences en direction d’Arafat et des palestiniens soumis à une occupation barbare avec ses lots de massacres et de destructions rappelant Sabra et Chatila ou encore Sébreniça. Cette occupation et ces massacres physiques, moraux et matériels qui constituent le cœur du problème ne semble pas remuer la conscience de ceux des pays dits développés qui étaient prompts à mobiliser leurs forces armées et leurs opinions publiques, au nom de la liberté et de la justice, voire des droits de l’homme, lors des différentes situations historiques dans les Balkans au cours de la dernière décennie.
Tout se passe comme si , depuis les terribles évènements du 11 septembre 2001, une géostratégie nouvelle basée sur l’idéologie d’un néolibéralisme unilatéral de caractère impérial prenait forme visant une domination intégrale sous la houlette de l’unique superpuissance.
La lutte contre le terrorisme, sans que ce concept soit clairement défini et explicité en rapport avec l’évolution et l’histoire des sociétés, est érigée en idéologie primaire et surtout en stratégies politiques et militaires de domination.
Le monde assiste , comme impuissant , à une colossale déferlante militaire et militariste , orchestrée par les faucons du pentagone et leurs idéologues, quadrillant et tenant sous la menace d’une puissance de feu sophistiquée, jamais mobilisée avec autant d’intensité, des pays et toutes les régions du globe et menaçant sérieusement la paix mondiale .
La guerre d’Afghanistan, si elle a débouché sur la défaite des Talibans et une certaine dislocation des réseaux d’El kaida , si elle semble avoir crée des conditions favorables à l’installation d’un nouveau pouvoir et d’un Etat national multiethnique afghans fondés sur la pratique démocratique, n’est pas terminée et n’a pas encore livré les secrets de tous les prolongements géostratégiques qui ont fondamentalement déterminé le contenu et les formes de son déclenchement et de ses multiples développements.
Les faits marquants de ces derniers mois, depuis le 11 septembre 2001, laissent observer la formation d’une nouvelle doctrine américaine de domination planétaire qu’on peut appeler le Bushisme. La Sharonite en est une manifestation contagieuse, une sorte de maladie incurable, un état psychotique aggravée et de démence avancée .Elle est activée et nourrie par le fondamentalisme religieux sioniste. Elle poursuit des visées politiques propres, populistes et sectaires voire racistes. Bush et Sharon se complètent et articulent harmonieusement leurs démarches en fonction de leurs intérêts fondamentaux communs et de leurs intérêts particuliers et conjoncturels. Le Bushisme et la sharonite sont indissociables. Ils représentent, par l’indigence de la pensée qui les porte , par l’élan militariste qui les pousse , par leur duplicité, un danger réel pour la stabilité et la paix mondiales, si on n’en prend pas conscience et si les nécessaires résistances et solidarités internationales ne s’expriment pas avec la vigueur et l’ampleur qui s’imposent. Ce que Sharon se permet aujourd’hui en Palestine et dans cette région du monde si explosive, défiant avec arrogance la communauté internationale y compris certains représentants de son allié le plus sûr comme ces jours-ci Colin Powell, n’aurait pas été possible s’il n’avait pas de convergences idéologiques, stratégiques et opérationnelles fortes avec la ligne actuelle de W. Bush, s’il n’était pas surtout soutenu et porté par l’alliance active des idéologues et stratèges du néo-reaganisme partisans de la ligne offensive de « l’Amérique aux commandes du monde » comme Dick Cheney le vice-Président, Rumsfeld le secrétaire d’Etat à la défense, Paul Wolfowitz son puissant adjoint et leurs think-tanks. Sharon ne serait rien qu’un bulldozer de la guerre s’il ne représentait pas, sur le terrain, l’incontournable lobby sioniste international mais aussi américain dont la maîtrise de la finance internationale et des secteurs décisifs comme celui de l’information relève d’une écrasante réalité. La fonction d’Israël de tête de pont des intérêts US dans la région n’a pas changé d’essence dans la politique américaine, indépendamment du parti au pouvoir à Washington. Elle a seulement connu des adaptations de forme liées aux évolutions du contexte international et régional. Une telle fonction est élevée par la classe politique américaine dirigeante au rang de facteur de politique intérieure. La gigantesque manifestation officielle de Washington devant le capitole du 15 avril 2002 de soutien à Israël et à « sa juste lutte contre le terrorisme palestinien et international » et animée par l’envoyé de Sharon, le tristement célèbre Netanyahou, en est une probante démonstration. Cette manifestation a été bénie et soutenue par Bush et les institutions US. Elle représente une application vivante du Bushisme qui encourage, arme et finance les élans agressifs et colonisateurs de ceux qu’ils considèrent comme des maillons actifs de ses stratégies régionales et internationales et qui humilie et fait monter les pressions sur ceux qui, comme les palestiniens, osent continuer à lutter pour leur libération nationale et refusent les plans de soumission qu’on veut leur imposer au nom de la sécurité internationale et de la sécurité et de l’intégrité teritoriale d’ Israël.
Le Bushisme ,comme expression idéologique et stratégie opérationnelle du stade néo-libéral du capitalisme globalisé, entend gérer les processus de l’unification planétaire en imposant des mécanismes nouveaux de domination, des formes nouvelles de colonisation, de tutelles et en combattant énergiquement toute velléité s’apparentant aux mouvements historiques de libération nationale. La région des Balkans, l’Asie centrale et certaines parties de l’Amérique latine en sont des théâtres d’expérimentation et d’exécution.
Colin Powell vient de terminer sa mission au Moyen Orient ; sans résultats probants faisant avancer la paix dans cette région. Il n’a surtout pas réussi à montrer à l’opinion publique arabe, israélienne et internationale attachée à la paix que les USA étaient, cette fois-ci décidés à user de tout leur poids pour imposer à Israël non seulement le retrait immédiat de ses troupes des territoires palestiniens occupés mais surtout la cessation de sa colonisation de la palestine. Sa démarche ne pouvait aboutir parce qu’elle était avant tout orientée vers l’exercice de fortes pressions sur le Président Arafat pour qu’il se distancie du terrorisme, le condamne et traduise pour son peuple une telle position comme étant la fin de la résistance à l’occupant et de la lutte pour la libération nationale. Sa démarche ne s’est pas fixé comme objectif premier d’imposer à Sharon d’appliquer les dernières résolutions du conseil de sécurité et la déclaration des quatre de Madrid lui demandant d’arrêter son agression , de retirer ses troupes et de s’engager dans des négociations politiques avec l’autorité palestinienne avec le concours de la communauté internationale. Sa démarche n’a pas été marquée de gestes forts capables de mobiliser la confiance et l’espoir par exemple au sujet du siège intolérable de l’église de la nativité ou une compassion avec les populations palestiniennes de Jennine ou encore la condamnation de la mise à résidence musclée d ‘Arafat. La démarche de Colin était dés le départ piégée. Elle relevait étroitement de la nouvelle ligne stratégique américaine basée sur la lutte contre le terrorisme, en un mot sur le Bushisme. Le terrorisme est une réaction brutale dont la forme est tout à fait condamnable. Les solutions pour endiguer le terrorisme doivent être, elles, mises en rapport juste avec ses racines objectives et subjectives.
La solidarité active des peuples arabes et du monde entier avec le peuple palestinien et ses droit nationaux tels que reconnus par l’ONU, l’engagement renforcé pour la paix et la sécurité dans cette région du monde et une condamnation énergique de la ligne colonisatrice, raciste et belliqueuse de Sharon en arrêtant sans tarder ses méfaits sont les trois facteurs qui peuvent frayer des voies sûres à un processus de paix fructueux. L’occupation et la ligne intégriste de Sharon sont les véritables problèmes.