La plus importante concentration navale de l’histoire:l’armada américaine au Golfe arabo-persique

Publié le par Mahi Ahmed

La plus importante concentration navale de l’histoire

L’armada américaine au Golfe arabo-persique

Par : René Naba

La plus importante concentration navale de l’histoire contemporaine est déployée dans la zone du Golfe arabo-persique-océan Indien, dans une démonstration de force américaine sans précédent face à l’Iran, alors que le Conseil de sécurité des Nations unies s’est penché depuis le 21 septembre 2007 sur le programme nucléaire iranien avec en arrière-plan, la menace d’une intervention israélo-américaine contre le régime islamique de Téhéran.

Trois porte-avions à propulsion nucléaire, dont le Nimitz, le plus grand porte-avion du monde, ainsi que le Dwight Eisenhower et le John Stennis- soutenus par une quarantaine de bâtiments d’escorte, et près d’une centaine d’appareils de l’aviation embarquée, ont été affectés à cette zone où ils bénéficieront de l’appui de la gigantesque infrastructure militaire américaine en Irak, qui était et demeure le nouveau champ d’expérimentation de la guerre moderne américaine dans le Tiers-monde.

La base navale de Manama (Bahreïn), point d’ancrage de la Ve Flotte américaine dans cette région pétrolifère. D’Israël, le partenaire stratégique des Etats-Unis dans la zone, ainsi que des bases relais de Diégo Garcia (océan Indien) et de Doha (Qatar), qui abrite le poste de commandement opérationnel du CentCom (le commandement central américain) et dont la compétence s’étend sur l’axe de crise qui va de l’Afghanistan au Maroc. Cette armada, plus substantielle que celle massée face à l’Irak, en 2003, et face à l’Afghanistan, en 2001, constitue la plus importante concentration navale depuis le déploiement occidental au large de Beyrouth, en février 1984, qui était intervenu après la prise de contrôle de la capitale libanaise par les milices chiites et les attentats anti-occidentaux contre le quartier général français du Drakkar (59 morts français) et le quartier général américain de l’aéroport de Beyrouth (212 Marines US tués).

Le porte-avions nucléaire Nimitz est en effet, accompagné du croiseur lance-missiles Princeton et de quatre destroyers lance-missiles (Higgins, Chafee, John Paul Jones et Pinckneyles), renforcés par l’escorte de deux autres porte-avions constituant «l’Entreprise Strike Group» : le destroyer USS McFoul, la frégate USS Nicholas, le croiseur cuirassé USS Leyte Gulf, le sous-marin d’attaque USS Alexandria et le bâtiment de soutien USNS Supply, un bâtiment dont l’efficacité a été démontrée dans les affrontements en close-combat avec les forces iraniennes dans le Golfe persique. «Cette concentration tend à marquer la détermination des Etats-Unis à peser, peu ou prou, sur le programme nucléaire iranien en faisant planer la menace d’une intervention militaire. Les trois porte-avions et leur escorte devant avoir, dans l’esprit de Washington, un effet dissuasif pour «empêcher et dissuader certains pays d’agir contre les intérêts nationaux des Etats-Unis».

Le dispositif iranien

Face à une telle concentration, l’Iran a aligné une flotte de sous-marins de fabrication iranienne ou russe, une flotte d’aéroglisseurs, l’une des plus importantes du monde, de ROV (véhicules actionnés à distance), de navires de surface de différentes tailles, d’unités aéroportées comprenant plusieurs escadrons d’hélicoptères, des dragueurs de mines et un important arsenal de missiles antinavires. La flotte sous-marine iranienne comprend également des «sous-marins de poche» de fabrication iranienne.

A en juger par un tel dispositif, tout porte à croire que l’Iran pratiquera la guérilla navale à coup d’opérations commandos, comme tend à le démontrer le dernier coup de main contre une unité britannique au printemps 2007 où Téhéran avait réussi à capturer quinze marins anglais. Mais au vu du dispositif américain, l’Iran ne parait pas devoir se contenter d’opérations de harcèlement, mais pourrait moduler sa riposte en fonction de la frappe adverse et le cas échéant compter sur son propre hinterland stratégique d’une densité démographique sans pareille pour des opérations «derrière les lignes ennemies» avec le concours de leurs alliés régionaux, notamment une large fraction de l’importante communauté chiite du monde arabe implantée au Bahreïn, en Arabie Saoudite, dans la région pétrolifère de l’est du royaume, dans la zone pétrolière du nord du Koweit ainsi qu’en Irak et au Liban, dans la zone limitrophe d’Israël.

Tirant les enseignements des trois dernières guerres du Golfe (1979-89, 1990-91 et 2003), l’Iran a considérablement renforcé sa flotte militaire au cours de la dernière décennie présentant ses nouvelles réalisations au cours de ses deux dernières grandes manœuvres navales. Lors de ces exercices, en avril et en août 2006, l’Iran a présenté les derniers-nés de sa flotte, notamment le dernier torpilleur de patrouille, petit bâtiment efficace dans l’attaque de grands navires de guerre.

Doté d’une technologie de pointe sans doute parmi les plus avancés du monde notamment en ce qui concerne les équipements électroniques, pouvant atteindre une vitesse de pointe de 45 nœuds, le «Joshan» de même que son frère jumeau, le «Peykan», disposent d’une redoutable puissance de feu. Patrouilleur lance-missiles, armé en supplément d’un canon sous-marin de 76 mm, à usage variable, le plus moderne du monde, appelé Fajr, il peut atteindre des cibles sous-marines et aériennes distantes de 19 km. Il peut lancer également plusieurs types de missiles et des roquettes d’une portée dépassant 100 km. L’Iran a également testé une série de missiles antinavires mer-surface, réputés être «les plus rapides du monde». Propulsé à une vitesse de 362 km/h, ces missiles sont destinés à détruire de grands sous-marins.

Les objectifs de guerre et les arguments des protagonistes

Bon nombre d’observateurs inclinent à penser que le président américain serait tenté par l’option militaire contre l’Iran pour «une sortie par le haut», selon le jargon en vigueur dans les cercles atlantistes, en vue de restaurer son prestige terni par l’échec irakien et de consacrer durablement la primauté occidentale dans la gestion des affaires du monde, alors que le leadership américain est ouvertement contesté par ses compétiteurs militaires et économiques, la Chine, l’Inde et à un degré moindre la Russie, l’Afrique du Sud, en ce qui concerne le leadership moral sur l’Afrique, ainsi que le Brésil et le Venezuela de Hugo Chavez, pour l’Amérique latine.

L’Iran, par effet d’aubaine, a acquis une stature de puissance régionale du fait de la politique erratique des Etats-Unis tant en Afghanistan qu’en Irak, où ses rivaux idéologiques les radicaux talibans sunnites et le laïc baasiste irakien ont été éliminés par leur ancien protecteur américain. Il entend se faire reconnaître la place qu’il estime sienne dans le concert régional, qui était en fait sienne il y trente ans lorsque les Américains avaient confié au Chah d’Iran un rôle de «super gendarme» dans le Golfe en proie alors à la rébellion communiste du Dhofar (Sultanat d’Oman) et à la contestation nationaliste du «Front de libération nationale de la Péninsule arabique» tant en Arabie Saoudite qu’au Yémen que dans les Emirats pétroliers.

Les Etats occidentaux considèrent, pour leur part, que la détention de l’arme atomique par l’Iran constitue une menace à la paix mondiale dans la mesure où le régime islamique de Téhéran est de nature anti-démocratique et, du fait de ses alliances avec la Syrie et le Hezbollah libanais, un facteur de subversion intégriste qu’il importe de combattre au même titre que les autres composantes de «l’axe du mal». Ils tirent argument supplémentaire du fait que l’Iran a ratifié le traité de non-prolifération nucléaire qui lui commande de s’abstenir d’accéder à la puissance militaire nucléaire. L’argument gagnerait en crédit si les pays occidentaux observaient la même rigueur juridique à l’égard des autres protagonistes du dossier nucléaire. L’Inde et le Pakistan, par exemple, sont l’un comme l’autre détenteur de l’arme atomique. Bien que ces deux puissances asiatiques antagonistes n’aient jamais ratifié le traité de non-prolifération nucléaire, ils bénéficient néanmoins d’une forte coopération nucléaire de la part des Etats-Unis et de la France.

Il en est de même d’Israël, lui aussi non-adhérent au traité de non-prolifération qui a, lui aussi, bénéficié de la coopération active des Etats occidentaux membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) pour se doter de l’arme atomique et dont l’arsenal s’élèverait à une centaine d’ogives. En revanche, les Etats arabes notamment l’Egypte, a dû renoncer à l’option nucléaire sous la pression de Washington en contrepartie d’une aide annuelle d’un milliard de dollars, abandonnant de fait la maîtrise de l’espace stratégique moyen-oriental à l’aviation israélienne.

En porte-à-faux devant leur opinion publique dont ils redouteraient un débordement, l’Egypte et la Jordanie ont été autorisées, fin 2006, dans la perspective de l’épreuve de force irano-américaine, à s’engager dans la production nucléaire à usage civil sous contrôle américain, accumulant ainsi un retard technologique de trente ans sur leur voisin israélien. La neutralisation de l’Iran ne répondrait donc pas exclusivement à des considérations de formalisme juridique, -le respect de la légalité internationale, tant bafouée par ailleurs par les Etats occidentaux eux-mêmes-, mais relèverait aussi d’impératifs militaires sous-jacents : le maintien d’une supériorité stratégique d’Israël sur l’ensemble des pays du Moyen-orient réunis, et, au-delà, la persistance de la mainmise occidentale sur les réserves énergétiques de l’Asie occidentale et le contrôle des nouveaux oléoducs stratégiques en construction depuis l’Asie centrale, une des motivations latentes de l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak.

Les transactions militaires américaines à destination du Moyen-orient tendraient à accréditer la thèse du primat israélien qui trouve sa justification la plus récente dans le comportement de l’administration américaine à l’égard de ses amis et alliés au Moyen-Orient : le président Bush a en effet, promis à Israël, en août 2007, des fournitures d’armes de l’ordre de trente milliards de dollars sur dix ans, à titre gracieux, en contrepartie de la vente d’équipements militaires d’une valeur équivalente à quatre pays arabes représentant une population de cent millions d’habitants. Dans son approche des problèmes du Moyen-Orient qu’il souhaite équilibrée, Washington offre ainsi gracieusement des armes à Israël, pourtant déjà doté de la bombe atomique, mais en vend, en revanche, à ses alliés arabes.

Au-delà du nucléaire iranien, la Révolution islamique iranienne s’est heurtée dès sa naissance, en 1979, et sous divers prétextes, à l’ostracisme occidental, d’abord via une guerre déclenchée par l’Irakien Saddam Hussein encouragé en sous-mains par les Américains et les Français, ensuite par l’embargo de fait imposé à son économie, enfin par sa diabolisation permanente, quand bien même les Etats-Unis instrumentalisaient la frange la plus radicale de l’Islam sunnite, «les talibans» afghans, dans leur guerre contre l’Union soviétique en Afghanistan.

R. N

Source : Algérienews du 04.10.12

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