L'évaluation des systèmes éducatifs s'impose comme facteur de changement au sud de la Méditerranée
L'évaluation des systèmes éducatifs s'impose comme facteur de changement au sud de la Méditerranée
Depuis dix ans, les études PISA mettent en évidence les qualités et les défauts des systèmes éducatifs dans le monde. En Méditerranée, seules la Tunisie et la Turquie ont pour l'instant accepté d'être évaluées. Leurs résultats, médiocres, montrent l'importance des réformes à engager pour mieux former la jeunesse.
L'inadéquation de la formation des jeunes a été au coeur de la révolution tunisienne (photo DR)
MÉDITERRANÉE. « Le printemps arabe ne va pas durer longtemps si on ne met pas très rapidement en corrélation l’offre et la demande en terme d’emplois et de formation». En ouvrant samedi 2 avril 2011 à Marseille le colloque sur « Les enseignements à tirer des études PISA (1) pour les pays du sud de la Méditerranée », Jean-Louis Reiffers, Président de l’Ecole de la seconde chance de Marseille et co-organisateur du colloque, a longuement insisté sur le cas de la Tunisie. « Entre 1999 et 2010, le taux de chômage des diplômés de niveau maîtrise est passé de 9 à 24%. C’est considérable ! Il faut créer des centaines de micro entreprises où travailleront ces milliers de diplômés si on veut éviter le déversement d’argent public pour créer des centaines de fonctionnaires qu’on ne pourra pas garder dans trois ans ».
Un cas d’école en quelque sorte, dont les limites de la politique éducative avaient bien été mises en évidence par les études PISA réalisées par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) depuis 2000.
Seul pays du sud de la Méditerranée - avec la Turquie - à avoir accepté de participer à ces études dont l’objectif est d’évaluer les systèmes éducatifs dans le monde, la Tunisie a en effet régulièrement été classée parmi les dix derniers sur les soixante-cinq pays étudiés. Les études PISA portent sur la compréhension de l’écrit mais aussi sur les mathématiques et les sciences et sur tous ces points, les élèves tunisiens de la tranche d’âge concerné (quinze ans environ) ont obtenu des résultats très inférieurs à la moyenne des pays étudiés.
Connaissances ou compétences?
« L’étude PISA ne concerne que la tranche d’âge de quinze ans et n’a donc pas mis en évidence les problèmes des diplômés universitaires en Tunisie. Mais ce pays a engagé une massification des études supérieures beaucoup trop importante car il n’y a pas d’emplois correspondants ce qui a conduit à un déclassement social », souligne Bernard Hugonnier, directeur adjoint de la direction de l’Education à l’OCDE.
L’évaluation PISA de la Turquie, réalisée depuis 2003, a également donné des résultats très inférieurs à la moyenne, les élèves turcs se classant au 41ème rang pour la compréhension de l’écrit.
Dans ce contexte, comment les études PISA qui sont avant tout fondées sur la compétence et pas sur la connaissance, peuvent-elles contribuer à modifier la structuration de l’enseignement dans ces pays ? Pour Bernard Hugonnier, l’enseignement dans les pays méditerranéens, du nord comme du sud, « est peut-être encore trop fondé sur la connaissance et pas sur la capacité à trouver un emploi. Il est trop figé. Si on est plus ouvert, on peut s’adapter plus facilement ».
Réforme engagée au Liban
Le Liban a en tout cas tiré parti d’une autre étude, baptisée TIMMS (2) et dédiée aux sciences et aux mathématiques, pour revoir en profondeur son système éducatif. « Les études, réalisées successivement en 1999, 2003 et 2007 ont mis en évidence un certain nombre de problèmes et montré l’intérêt de la collecte d’informations pour échafauder une stratégie », remarque Olivier Labinal du Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée (CMI).
Les résultats de TIMMS ont ainsi été l’un des piliers du plan de développement du secteur de l’éducation approuvé en avril 2010 par le gouvernement libanais. « C’est le principe des politiques publiques mises en place sur la base de résultats que nous essayons de promouvoir sur les pays de la zone MENA », explique Mats Karlsson, directeur du CMI.
Les clés de la réussite
Bernard Hugonnier, de l'OCDE, insiste sur l'importance de la formation des enseignants (photo BC)
L’évaluation des systèmes éducatifs reste toutefois un exercice délicat. Les résultats et les méthodes utilisées par les études PISA sont assez critiquées, et leurs résultats pas toujours faciles à interpréter.
Comment expliquer en effet que la Finlande, plusieurs pays asiatiques (Corée, Japon, Singapour, Shanghaï, Hong-Kong) ainsi que le Canada caracolent en tête du classement avec pourtant des systèmes très différents ? « Il y a certaines données communes qui semblent incontournables comme la volonté de très bien former les enseignants en insistant beaucoup sur la pédagogie et la motivation, ou encore des évaluations fréquentes et externes ainsi qu’une politique de soutien particulièrement vigilante pour les élèves en grande difficulté », relève Bernard Hugonnier.
Une chose est sure, les pays du sud de la Méditerranée feraient bien de ne pas s’inspirer du système français qui prend depuis longtemps le contre pied de toutes ces remarques qualitatives.
(1) Programme international pour le suivi des acquis des élèves
(2) Trends in International Mathematic and Science Study
http://www.oecd.org/dataoecd/33/5/46624382.pdf
http://www.econostrum.info/L-evaluation-des-systemes-educatifs-s-impose-comme-facteur-de-changement-au-sud-de-la-Mediterranee_a5262.html