FERMETURE DE L’ESPACE NOÛN
FERMETURE DE L’ESPACE NOÛN
Encore une librairie qui disparaît !
Par : Sara Kharfi
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Cette librairie qui a redonné à plus d’un le goût de la lecture fermera définitivement ses portes le 31 juillet.
Lorsqu’on perd un être cher, la plupart du temps, on ne réagit qu’après coup, parce qu’on ne réalise l’importance de celui-ci que lorsque notre vie reprend son court. On constatera alors le vide qu’il aura laissé. Le sentiment de vide est, certainement, le plus triste, le plus pénible que l’être humain puisse ressentir. La vie certes continue, mais la sensation d’incomplétude restera éternellement et se greffera à la personnalité de celui qui reste, pour toujours. Ainsi et c’est avec ce même sentiment que nous accueillons la nouvelle de la fermeture de l’espace Noûn.
Cette librairie qui a redonné à plus d’un le goût de la lecture fermera définitivement ses portes le 31 juillet. On ne reverra plus Nacéra Saïdi présenter les auteurs avec une grande émotion dans la voix et, parfois même, avec des larmes aux yeux. On n’écoutera plus les histoires et autres récits extraordinaires d’Arezki Tahar alias Kiki. Les débats enflammés dans la cuisine de cet espace ainsi que les rencontres conviviales et les discussions sympathiques avec des inconnus autour d’un thé ou d’un café cesseront à jamais. C’est triste ! Le contrat de location expire et le propriétaire ne veut pas renouveler le bail. Les gérants veulent également prendre un peu de recul après nous avoir habitués à ce lieu accueillant. Grâce à Nacéra et Kiki, nous nous sommes réconciliés, quelque peu, avec la lecture. Ils ont réussi à nous faire partager leur amour pour le livre. Acheter un livre est devenu un acte naturel, mais surtout solidaire. Une solidarité envers des créateurs qui révèlent aux lecteurs une part d’eux-mêmes. Dans cette librairie-galerie, des rencontres inoubliables ont eu lieu. Parmi celle-ci, le récital poétique de Linda Khaled dédié à Mahmoud Darwich. Linda avait rencontré le violoniste Amine Khettat lors de la présentation de l’album, à l’espace Noûn, du chanteur Brahim Tayeb. Des liens se sont tissés et ils ont décidé ensemble de rendre hommage au poète de la résistance. Un après-midi mémorable ! Malek Alloula a fait une halte en ce lieu et a présenté son recueil, le Cri de Tarzan, avec une grave émotion ; Omar Mokhtar Chaâlal a longuement évoqué Abdelhamid Benzine en présentant le roman qu’il lui a consacré (tome I d’une trilogie à venir), Talghouda ; Lyonel Trouillot est venu d’Haïti pour présenter Yanvalou pour Charlie, et parler de la littérature haïtienne d’aujourd’hui. Nous avons appris grâce à cette rencontre que la littérature haïtienne, tout comme d’ailleurs la littérature algérienne, ne peut se décharger du poids de la politique. La librairie Noûn a également abrité la superbe rencontre avec Yussef Bazzi, poète libanais et auteur de Yasser Arafat m’a regardé et m’a souri, dans lequel il raconte son expérience de la guerre. L’ambiance de l’endroit et la liberté de ton ont, bien souvent, permis aux invités de se raconter en toute simplicité, de se confier, de dire leurs rapports aux mots pour dire les maux. Qu’un lieu tel que l’espace Noûn disparaisse n’est pas seulement triste, il est révoltant. Car c’est le métier de libraire qui est en train de disparaître, dans un silence complice de tous. Lorsqu’on entre dans une librairie aujourd’hui, on trouve bien souvent de jeunes vendeurs qui n’ont aucune idée des ouvrages dont dispose la librairie. Ils ne discutent aucunement avec les potentiels acheteurs et orientent très mal. La loi du profit et l’esprit mercantile de certains ont pris le dessus sur tout le reste, c'est-à-dire le contact humain. Beaucoup de librairies ont été contraintes à la fermeture et d’autres ont été menacées. Gérer une librairie est comme avoir une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, car la situation du livre en Algérie reste encore à son stade embryonnaire et beaucoup de maillons manquent à la chaîne de l’édition. Par ailleurs, on ne peut pas dire avec exactitude qu’étaient nos vies avant l’espace Noûn, mais on sait déjà ce qu’elle sera après la fermeture de cet espace. Vide ! Tâchons donc de garder le meilleur de ce lieu, et “cultivons l’espoir
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