Entretien avec le SG adjoint de l’Union générale des travailleurs tunisiens

Publié le par Mahi Ahmed

Entretien avec le SG adjoint de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), Samy Tahri :

 

Écrit par web

«Les cents jours de Marzouki sont catastrophiques»

Vous êtes aujourd’hui l’une des forces qui avait porté la révolution du Jasmin. Et si l’on vous demandait quel regard vous portez sur la situation politique en Tunisie ?

La Tunisie a connu différents dérapages lesquels vont être au fur et à mesure corrigés afin de construire un Etat de droit et une République d’institutions fortes. Nous considérons que cette période de transition a apporté beaucoup de points négatifs qui peuvent déboucher sur des luttes féroces, mais qu’à terme ce sont la Tunisie et son peuple qui sortiront vainqueurs au bout du compte.

Des observateurs estiment que le rôle de l’UGTT s’est considérablement réduit, comparativement à celui qu’il a joué auparavant et que la place laissée par l’UGTT a été occupée par les partis politiques Etes-vous d’accord avec ce point de vue ?

Nous n’avons jamais déserté la scène politique ou la lutte syndicale, et ce depuis 1946, date de création de l’union. Elle est toujours restée à la tête des revendications et des luttes. Mais en ce qui concerne la situation aujourd’hui sur la scène politique, nous sommes au contraire au cœur des luttes sociales et sur tous les fronts de la contestation. Nous avons même apporté un soutien direct à des listes aux dernières législatives. Mais nous avons constaté que des parties ont voulu isoler l’union et l’exclure du débat politique.

Et-ce que cette exclusion est le fait aussi de l’institution militaire ?

Il n’existe aucun lien de cette exclusion avec l’institution militaire. Nous visons particulièrement des partis politiques qui sont au pouvoir. Ces partis font tout pour dénigrer l’UGTT ou tenter de la manipuler, en vain. Mais nous sommes prêts à nous confronter avec quiconque qui tentera de nous exclure ou d’essayer de nous faire isoler.

Vous avez par le passé parlé des dangers qui guettent la scène politique. Voulez-vous être plus précis ?

Beaucoup de partis tentent aujourd’hui de mettre de côté leurs principes démocratiques et veulent imposer leur domination en imprimant leur propre conception de la démocratie. Cette démarche ne correspond pas aux principes de la République et de l’UGTT. Notre peur vient aussi du trafic d’armes qui circulent dangereusement dans le territoire, provenant principalement des frontières libyennes, et du comportement de certains courants extrémistes qui veulent imposer un ordre religieux. Ces peurs sont réelles et nous avons également peur de certains qui veulent imposer leur conception par la force en se jouant des institutions du pays.

Vous dites aussi que votre organisation n’a pas déserté le terrain de la lutte politique et que vous allez même, s’il le fallait, entrer en confrontation violente avec ceux qui menacent l’ordre établi ?

«L’UGTT a toujours été pour le dialogue et la concertation. Nous avons en notre sein des hommes issus de différents courants politiques. Cela a toujours été le cas depuis le régime révolu lorsque l’activité politique était circonscrite et l’existence de partis interdit».

Mais comment faites-vous pour concilier ces différents points de vues ?

Avec le dialogue et la discussion qui sont absents dans les partis politiques, on peut arriver à un consensus. L’Union a toujours été la seule organisation dans le pays à élire ses dirigeants dans la transparence la plus totale.

Le chef de l’état-major de l’armée, le général Amar, a indiqué qu’il n’hésitera pas à siffler la fin de la récréation si d’avis il existait une menace sur la sécurité nationale ? Etes-vous d’accord avec cette déclaration ?

La situation politique actuelle demande une application stricte de la loi pour tout le monde. Ce n’est pas nous qui sommes visés mais ceux qui étaient en dehors de la Tunisie, ceux qui n’ont jamais milité ou ceux qui n’ont pas participé à la révolution du 14 janvier. A Ceux-là nous, demandons : où étiez-vous avant cette date historique ? Aujourd’hui, ils veulent imposer aux Tunisiens un mode de vie contraire à leurs us et coutumes.

Pourtant, le peuple tunisien a bien voté pour ce courant ?

Il faut distinguer entre les courants islamistes salafistes et ceux non, salafistes et ceux qui ne veulent pas accepter la règle du jeu démocratique. De plus, l’expérience électorale du 23 octobre dernier est une expérience unique en son genre. Il est encore trop tôt pour tirer les conclusions hâtives. Sur un plan statistique, il y a eu 5 millions d’électeurs qui n’ont pas voté. Nous ne voulons pas chipoter sur les résultats obtenus car la vraie bataille politique est à venir (les élections locales, législatives et présidentielles). C’est là où il y aura de véritables débats. La dernière élection a été émaillée de flou, la corruption des électeurs et le dopage des urnes. Bien entendu, le paysage va changer aux prochaines élections générales l’an prochain.

Pensez-vous que l’institution militaire réagira si le courant islamiste obtient la majorité des sièges lors de la prochaine consultation ?

L’institution militaire a toujours été marginalisée. Elle n’a joué aucun rôle dans la lutte que se livrent les différents partis politiques. Nous espérons que l’armée reste dans ses casernes pour lutter contre le terrorisme et protéger la nation.

Quelle est votre appréciation du bilan de Marzouki ?

Ce dimanche (avant-hier) ce sera le 100e jour de présidence pour Marzouki. Sans aucun résultat positif. Il n’a accompli aucune action positive. On note beaucoup plus de chahut que de concret aussi bien en ce qui concerne l’emploi que le développement. La situation sécuritaire qu’on disait pourtant ’améliorant n’est pas au rendez-vous. C’est le contraire qui se produit. La situation est précaire. Il y aura un débat sur la loi de finance complémentaire et à la lumière du débat et du programme proposé qui reste encore flou, la gestion de Marzouki est catastrophique. Il n’a aucune influence sur tous les grands dossiers qui restent ouverts.

Quelles sont les chances du courant islamiste pour les prochaines élections ?

Je ne peux avancer pour le moment un quelconque résultat. Mais je dirais que la tendance générale ira vers un tassement des scores obtenus par les trois partis au gouvernement. Elle sera différente de celle des élections passées.

Et où en sont vos relations avec l’UGTA ?

Nous avons des histoires communes avec nos partenaires de l’UGTA que ce soit dans des moments difficiles ou autre. Et récemment avec la tragédie de l’assassinat de Abdelhak Benhamouda. Nous avons à l’UGTT fait connaître la personnalité du martyr Benhamouda en Tunisie ainsi que son combat pour les droits des travailleurs. Avec le syndicat du Maroc, nous sommes ceux qui ont une véritable influence sur les syndicats des autres pays arabes et nous travaillons de concert à chaque réunion ou regroupement de syndicats arabes.

Entretien réalisé par Hocine Adryen

et El Djazair News

 

Publié dans TUNISIE Spécial

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