Échanges économiques et dynamiques internes de croissance

Publié le par Mahi Ahmed

Échanges économiques et dynamiques internes de croissance

Par : Mustapha Mekideche

Les ouvertures prématurées tous azimuts de notre espace commercial aux zones de libre- échange partaient de l’idée que cela entraînerait mécaniquement une dynamique interne de croissance. En vérité, tout le monde sait que cette idée était en fait consubstantielle aux programmes d’ajustements structurels résultants eux-mêmes du fameux consensus de Washington. Bien que les limites d’une telle démarche étaient déjà visibles chez nous dans la première moitié de la décennie en cours, l’Algérie avait persisté dans cette orientation comme en témoigne le démantèlement tarifaire opéré pendant cette période sans que personne ne nous le demande.
En fait, c’est avec la crise financière internationale de 2008 et ses effets directs sur nos équilibres internes et externes que l’on s’est aperçu que les choses ne pouvaient pas continuer à fonctionner ainsi. C’est du reste un problème qui ne nous est pas spécifique lorsque l’on observe la montée, à travers le monde et sous diverses formes, des politiques protectionnistes nationales et régionales. On peut donner deux exemples pour illustrer cela : résistances multiformes aux délocalisations industrielles vers les pays émergents, pressions sur l’Allemagne de la part de certains membres de l’Union européenne (UE) pour que ce pays ne tire plus l’essentiel de sa croissance à partir de ses exportations hors UE, mais qu’il s’appuie plutôt sur son marché intérieur.
Mais, en même temps, il me semble que les pouvoirs publics ont tiré une deuxième leçon importante. Il ne sert à rien de réduire la voilure de l’ouverture commerciale si par ailleurs on ne dispose pas d’une offre locale alternative de biens et de services susceptible d’être éligible à l’export ultérieurement. En constatant la part très faible prise par les moyens nationaux dans la réalisation du programme quinquennal précédent, l’émergence d’une telle offre revêt alors un caractère non seulement urgent mais aussi stratégique. Il me semble bien que c’est sur la base de ces deux réajustements fondamentaux mais transitoire pour le second que sont ordonnées les propositions économiques formulées par le Premier ministre Ahmed Ouyahia dans sa déclaration de politique générale prononcée devant l’Assemblée populaire nationale (APN), jeudi dernier.
Fait nouveau, s’agissant du premier réajustement relatif à la limitation des importations de biens et de services, le Premier ministre indique, pour la première fois, qu’il ne s’agit de mesures transitoires car “l’industrie nationale a droit à un léger répit pour s’adapter et se préparer à la concurrence sévère sur marché local et à prendre part à l’échange international avec quelque chance de succès”.Il confirme le caractère temporaire de ces mesures en disant bien qu’il s’agit “d’un répit dans la levée des protections tarifaires avec l’UE et la Zone arabe de libre échange(Zale)”. En d’autres termes, l’Algérie met en œuvre tout simplement les mesures de sauvegarde et de soutien aux industries naissantes prévues par ce type d’accord régionaux de libre-échange. C’est ce qu’elle dira à ses partenaires.
Le deuxième réajustement s’inscrit de plain-pied dans la transition vers une économie diversifiée hors hydrocarbures. Là aussi, pour la première fois, les objectifs sectoriels à atteindre sont indiqués clairement : l’industrie devra passer de 5% de contribution au PIB actuellement à 10% en 2014 et l’agriculture devra maintenir une croissance de 8% annuellement. S’il n’est pas fait mention au secteur du BTPH, c’est qu’il est déjà durablement installé sur un sentier de croissance à deux chiffres. Quant aux services dont la croissance est pour le moment essentiellement tirée par la distribution des produits importés, elle n’apparaît pas prioritaire. Un secteur important a été omis (délibérément ?) celui des hydrocarbures et de l’énergie.
Cela sans doute parce que d’une part, il ne contribue plus à alimenter directement la croissance globale du pays et que d’autre part, les arbitrages sur le futur modèle de consommation énergétique et sur la nature des énergies renouvelables à promouvoir, ne sont pas encore prononcés.
Pour atteindre ces objectifs sectoriels de croissance somme toute moyens, en particulier pour l’industrie, il y a une série de mesures prises en termes de préférence nationale (25% pour les commandes publiques), de soutien aux entreprises publiques et privées et de partenariat. Pour ce dernier point, il est précisé que l’entreprise étrangère, pour “toute soumission pour un contrat public de biens et de services en Algérie, devra accompagner son offre d’une proposition de participation d’une entreprise algérienne ou d’investissement”.
Concluons sur l’essentiel : les conditions de la bonne exécution de cette feuille de route dans les délais impartis, c'est-à-dire fin 2014. Cela suppose d’une part l’implication, à  défaut de l’adhésion, de nos partenaires internationaux et d’autre part  la construction d’un consensus solide avec les entrepreneurs nationaux assis sur un dialogue permanent par branches et même par filières. Ni l’une ni l’autre de ces conditions ne seront faciles à réaliser. Car les premiers ont été habitués  à considérer comme chasse gardée leurs parts de marché en Algérie sans avoir à donner suffisamment de contreparties.
Quant aux seconds, même s’ils sont quelquefois sous la pression de certains lobbies, ils considèrent qu’on ne leur fait appel que de façon circonstancielle. Mais dans tous les cas, c’est la confiance qu’il s’agira de rétablir. Il faudra faire vite.

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=145254

 

 

 

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