Barack Obama, otage du lobby juif ?
Barack Obama, otage du lobby juif ? Iran-Israël : Les enjeux sous jacents de la confrontation (deuxième partie)
Par René Naba |
Le 15 septembre 2009 |
Paris, 14 septembre 2009. Le refus du sénat américain de libérer l’espion américain pro israélien Jonathan Pollard (1), le 19 juin 2009, suivi du démantèlement un mois plus tard, le 23 juillet, d’un vaste réseau de corruption ayant des ramifications jusqu’en Israël, mettant en cause une quarantaine d’élus dont cinq rabbins soupçonnés de blanchiment d’argent et de trafic d’organes, se superposant au scandale Madoff, une faillite frauduleuse de l‘ordre de 65 milliards de dollars, à l’affaire Larry Franklin, un analyste de haut rang du Pentagone suspecté d’espionnage au profit d’Israël, à la naissance enfin d’un nouveau lobby juif américain de gauche J-Street, ont donné à penser que l’AIPAC (American Israël Public Affairs Committee), le principal lobby juif américain, mettrait en sourdine son outrecuidance habituelle dans son opposition à la politique de rééquilibrage du Président Obama Mais la récente promotion d’un inconditionnel d’Israël au poste de conseiller spécial du président pour la «Région Centrale» (Afghanistan Palestine) pourrait remettre en question ce savant échafaudage diplomatique dans la mesure où le nouveau promu, Dennis Ross, l’un des dirigeants du Washington Institute for Near East Policy (WINEP), un think tank satellite de l’AIPAC, passe pour être un ultra faucon proche du néo conservateur Paul Wolfowitz, l’un des artisans de l’invasion de l’Irak sous l’administration de George Bush. Dennis Ross est tout à la fois l’auteur du discours de M. Obama devant l’AIPAC au lendemain de sa confirmation comme candidat démocrate à la compétition présidentielle et l‘un des co-auteurs d’un rapport prônant la manière forte à l’égard de l’Iran (2). Sa désignation pourrait être interprétée comme la marque de la gratitude présidentielle à l’égard d’un collaborateur efficace dans la collecte de voix juives durant la campagne électorale. Sa propulsion, toutefois, à un poste de responsabilité sur un secteur qui sous tend les points chauds de l’arc de crise allant d’Israël Palestine au Pakistan en passant par l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban, dans le prolongement de la nomination d’un ancien réserviste de l’armée israélienne, Rahm Emmanuel, au poste stratégique de secrétaire général de la Maison Blanche, et la démission, sous la pression de ce même lobby, de Charles W. Freeman, ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite (1989-1992) de son poste de président du National Intelligence Council, tendrait à accréditer l’idée d‘un président américain otage du lobby juif. Le lymphatisme américain devant l‘accélération de la colonisation israélienne de Jérusalem et de la Cisjordanie, de même que le mutisme d’Obama face à la destruction de Gaza, en janvier 2009, donnent une consistance complémentaire à cette hypothèse. Sauf à y voir le souci du nouveau président américain de calmer les appréhensions concernant ses origines ethnico religieuses, un métis de père kenyan de confession musulmane, la concentration sans précédent de personnalités pro israéliennes au sein du noyau dur de la présidence Obama pose dans toute son acuité, en tout état de cause, volens nolens, qu’on le veuille ou non, bon gré mal gré, la question de la marge de manoeuvre dont dispose le président américain dans la définition de sa propre politique en direction du Moyen-orient. L’approche occidentale pourrait se heurter aussi à la nouvelle configuration régionale résultant de la convergence entre L’Iran, la Syrie et la Turquie sur le problème Kurde, leur détonateur commun, à l’effet de renforcer leur coopération interrégionale pour maintenir une parité diplomatique face à l’axe israélo américain et son prolongement egypto-saoudien. L’Iran, la Syrie et la Turquie, qui disposent de fortes minorités kurdes, sont hostiles à l’idée que le Kurdistan irakien fasse office de plateforme américaine de déstabilisation régionale. La nomination de l’universitaire kurde Mohammad Reza Rahimi Ghorve’ei, professeur de Droit à l’Université Azad- Téhéran et ancien gouverneur du Kurdistan iranien, au poste de vice premier ministre du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad, traduit cette préoccupation. En prévision de cette échéance, tant Israël que l’Iran ont multiplié les actes d’autorité, dans ce qui apparaît comme une démonstration de force pour le leadership régional alors que le camp arabe paraît marginalisé par sa fragmentation et que les deux pays musulmans non arabes de la zone, La Turquie pour le compte sunnite, et l’Iran pour le compte chiite, tentent de suppléer la défaillance du leadership arabe en tentant de s’imposer comme interlocuteurs incontournables du camp occidental. L’Iran a procédé au verrouillage de son dispositif, réprimant sévèrement la contestation électorale qui a suivi la reconduction du mandat du président Mahmoud Ahmadinejad, et, en dépit des injonctions de l’ONU, a poursuivi à un rythme soutenu un programme d’enrichissement d’uranium, affirmant son objectif civil alors que les Occidentaux y redoutent sa finalité militaire. Dans son dernier rapport, l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a établi que l’Iran avait accumulé 1,339 tonne d’uranium faiblement enrichi, un volume suffisant pour produire l’uranium hautement enrichi nécessaire à la fabrication d’une bombe nucléaire, assurant toutefois n’avoir “aucune preuve que l’Iran soit en train d’essayer de produire une arme nucléaire”. L’Iran s’est assuré en outre, sur le plan militaire, d’une base de redéploiement dans le port d‘Assab, en Erythrée, à l’embouchure du golfe arabo-persique, et, s’est doté, sur le plan politique, d’un redoutable négociateur du dossier nucléaire, en la personne de M. Ali Akbar Saléhi, son ancien ambassadeur auprès de l’agence atomique de Vienne. Diplômé de physique (promotion 1977) de la prestigieuse université américaine du MIT (Massachusetts Institute of Technology), le nouveau chef de l’organisation iranienne de l’énergie atomique, est un homme d’expérience, bon connaisseur des dossiers, rompu aux méandres des négociations de la haute technologie et aux manoeuvres diplomatiques subséquentes. Sous la présidence Mohammad Khatami, il avait signé avec l’agence un protocole additif renforçant le contrôle des instances internationales sur la production iranienne. Placé le 19 juillet 2009 à la tête de l’OIEA, Saléhi va superviser le programme nucléaire iranien, qui s’apprête à entrer dans une phase opérationnelle à Bouchehr (Sud). Le premier réacteur nucléaire du pays, construit et alimenté en combustible par la Russie, doit en effet entrer en service à la fin de l’année, tandis qu’à Natanz (Centre), 5 000 centrifugeuses ont déjà permis d’accumuler plus de 1,3 tonne d’uranium faiblement enrichi (UFE), une quantité suffisante pour alimenter en combustible d’éventuelles centrales nucléaires, dans l’hypothèse d’un passage à la production de la première bombe atomique iranienne. Israël a, de son côté, ordonné la désarabisation des noms de 2.500 (deux mille cinq cents) villes et localités arabes d’Israël (3), prohibé la commémoration de la Nakba, la perte de la Palestine, en 1948, gommant même ce terme des ouvrages scolaires, et, accéléré la colonisation de la Cisjordanie et du secteur arabe de Jérusalem, dans le souci de rendre irréversible la situation sur le plan cadastral, sur fond d’importantes manoeuvres aéronavales. Deux raids à long rayon d’action sur le Soudan prétextant un convoi d’armes pour le Hamas et un autre au dessus de la crête, ont eu lieu en janvier 2009, au moment de l’entrée en fonction de Barack Obama. Deux croiseurs lance-missiles israéliens de type sagger et un sous marin de type Dolphin, porteurs de charges nucléaires, ont par ailleurs traversé le canal de Suez en juillet 2009, en direction de la Mer Rouge, alors que la flotte des bombardiers israéliens effectuait un entraînement de longue portée fin juillet dans le désert du Nevada (Etats-Unis), parallèlement aux opérations de déstabilisation menées depuis la zone kurdophone d’Irak tant par les Américains que vraisemblablement par les Israéliens. Une subvention de l’ordre de vingt millions de dollars a été allouée à l’USAID (Agence des Etats Unis pour le développement international), proche de la CIA, pour «favoriser la démocratie et les Droits Humains en Iran». Ces manoeuvres se veulent tout autant comme une démonstration de force à l’égard de l’Iran, qu’une volonté de pression sur les pays occidentaux en vue de maintenir le dossier nucléaire iranien en tête de l’ordre du jour de l’agenda diplomatique international, au détriment d’autres dossiers hautement prioritaires, tels le programme nucléaire nord-coréen autrement plus avancé que l’iranien, ou l’enlisement américain en Afghanistan ou encore la récession économique mondiale. La croisade israélienne contre l’Iran est double: écarter une éventuelle menace iranienne et se soustraire à ses engagements internationaux concernant le règlement de la question palestinienne. Comparable par son intensité à la campagne de mobilisation contre l’Irak, cinq plus tôt, cette offensive militaro médiatique israélienne, en reléguant au second plan le règlement du conflit israélo-palestinien, viserait, d’un manière sous jacente, à acclimater l’opinion internationale au fait accompli de l’annexion de la Palestine, à l’effet de restaurer le prestige israélien terni par ses échecs répétés tant contre le Liban, en 2006, que contre l’enclave palestinienne de Gaza en 2008-2009. Tel est du moins l’une des interprétations ayant cours quant à la focalisation israélienne sur l’Iran. L’Iran, par effet d’aubaine, a acquis une stature de puissance régionale du fait de la politique erratique des États-Unis tant en Afghanistan qu’en Irak, où ses rivaux idéologiques, les radicaux taliban sunnites et le laïc baasiste irakien Saddam Hussein ont été éliminés par leur ancien protecteur américain. Il entend se faire reconnaître la place qu’il estime sienne dans le concert régional, qui était en fait sienne il y trente ans lorsque les Américains avaient confié au Chah d’Iran un rôle de « super gendarme » dans le Golfe en proie alors à la rébellion communiste du Dhofar (Sultanat d’Oman) et à la contestation nationaliste du « Front de Libération Nationale de la Péninsule Arabique » tant en Arabie saoudite qu’au Yémen que dans les Émirats pétroliers. Dans cet esprit, l’Iran a réaffirme son droit inaliénable au nucléaire et proposé le 11 septembre une négociation globale avec le groupe de contact portant sur tous les aspects du contentieux qui l’oppose avec les pays occidentaux depuis trente ans, tant l’embargo qui frappe la République islamique, que les avoirs iraniens bloqués aux Etats-Unis, de l’ordre de plusieurs milliards de dollars, que le rôle régional de l’Iran, la coopération sécuritaire en Irak et en Afghanistan. Sa démarche heurte de plein fouet l’option saoudo égyptienne, et, en frappant de caducité leur choix, pose le problème de la pertinence des choix stratégiques du groupe des états arabes situés dans la mouvance américaine. L’Égypte a dû ainsi renoncer à l’option nucléaire sous la pression de Washington en contrepartie d’une aide annuelle d’un milliard de dollars, abandonnant de fait la maîtrise de l’espace stratégique moyen-oriental à l’aviation israélienne. En porte-à-faux devant leur opinion publique dont ils redouteraient un débordement, l’Égypte et la Jordanie ont été autorisés, fin 2006, à s’engager dans la production nucléaire à usage civil sous contrôle américain, accumulant ainsi un retard technologique de cinquante ans sur leur voisin israélien. Pour ne pas être en reste, La Ligue arabe, elle-même, a engagé, en Août, à un mois de la réunion annuelle de l’Assemblée générale des Nations Unies, une offensive diplomatique visant à contraindre l’Etat hébreu à signer le traité de non prolifération nucléaire. Un éventuel conflit paraît difficilement devoir se limiter aux deux antagonistes, à en juger par la proximité des belligérants, celle des autres protagonistes du conflit, la configuration du terrain, le déploiement militaire occidental et russe dans la zone et les risques d’embrasement généralisé qu’un tel enchevêtrement impliquerait. Mais, curieusement, une telle hypothèse n’a toutefois jamais donné lieu à aucune proposition de dénucléarisation complète du Moyen-orient, qui constitue pourtant la forme la plus parfaite de la non prolifération réclamée par les pays occidentaux. D’ores et déjà, les Etats-Unis qui disposent de huit importantes bases dans la zone (Irak, Qatar, Bahreïn, Koweït, Oman, Djibouti, Diego Garcia et Djibouti) ont assuré Israël du soutien de «l’armée la plus puissante du monde», selon l’expression de Hillary Clinton, secrétaire d’état qui a menacé l’Iran d’étendre le bouclier anti-missile à l’ensemble des pays du Golfe, alliés de l’Amérique, en vue de neutraliser sa dissuasion balistique. Un blocus du détroit d’Ormuz, par où transit le tiers du trafic énergétique mondial, pourrait, en perturbant fortement le ravitaillement des pays industrialisés, aggraver la récession économique mondiale et fragiliser d’autant le système politique international. 1. Officier de renseignement de la marine américaine au Naval Anti-Terrorist Alert Center, Jonathan Pollard est arrêté en 1985 pour espionnage au profit d’Israël. Condamné à la prison à vie le 4 mars 1987, il est demeuré derrière les barreaux, malgré plusieurs demandes de libérations formulées par Israël. Le service de communication du Sénat américain a déclaré le 19 juin 2009 dans un communiqué »ne pas souhaiter écourter le séjour en prison de Pollard ». »Nous ne souhaitons pas mettre à mal les intérêts stratégiques américains en libérant Pollard », précise le communiqué des instances américaines. 2. Le rapport remis au groupe de travail présidentiel en juin 2008 est intitulé «Strengthening the Partnership: How to Deepen U.S.-Israel Cooperation on the Iranian Nuclear Challenge» (Renforcer le partenariat : comment approfondir la coopération entre les États-Unis et Israël sur le défi nucléaire iranien). 3. «Des colons israéliens incendient des centaines d’oliviers en Cisjordanie et le ministre des communications donne son accord à débaptiser le nom de 2.500 villes et localités arabes de Palestine en leur donnant un nom en hébreu» cf. «Al Qods al Arabi», journal transnational arabe édité à Londres, 21 juillet 2009.
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