28 Algériens se suicident chaque mois

Publié le par Mahi Ahmed

 

Davantage de fonctionnaires et de mineurs autant de chômeurs et de femmes

28 Algériens se suicident chaque mois

Le phénomène du suicide connaît une évolution inquiétante dans la société algérienne et semble toucher surtout la catégorie la plus fragile des jeunes âgés de 18 à 30 ans, généralement sans profession. En effet, 28 Algériens se suicident chaque mois dont la plupart sont des chômeurs.

Le bilan alarmant des cas de suicide durant le premier semestre de l’année en cours en est l’illustration. Les chiffres obtenus sont effrayants et les causes demeurent souvent mystérieuses ou insondables. Par contre, les méthodes de suicide sont multiples : arme à feu, pendaison, absorption de produits caustiques, immolation par le feu... Le nombre des personnes qui tentent de se suicider connaît une augmentation effrayante dans notre pays, d’autant qu’il s’agit de mineurs qui se donnent la mort à cause de conflits au sein de la famille, la maltraitance, la démission des parents et l’échec scolaire.
Parmi les 164 cas enregistrés par les unités de la GN, 154 sont majeurs, dont une grande partie constituée par la gent masculine, soit 120 cas contre 44 femmes suicidées. Les mineurs sont touchés aussi. Ils ont été 10 à avoir mis fin à leurs jours durant les premiers six mois de l’année en cours. Les tentatives de suicide, qui sont un signe de détresse, sont encore plus nombreuses que les suicides qui aboutissent. 274 tentatives de suicide ont été recensées durant la même période.  L’étude de la gendarmerie fait ressortir que “les femmes ont été beaucoup plus nombreuses à tenter de se suicider, avec 196 tentatives contre 78 pour les hommes”.
Paradoxalement, les femmes tentent mais les hommes réussissent, selon ce rapport.
Les sociologues estiment que les femmes sont plus enclines aux tentatives de suicide qu’au suicide lui-même car “il s’agit d’appels au secours qu’elles lancent plutôt qu’une réelle envie de mourir”. 149 tentatives ont été recensées parmi les personnes âgées entre 18 et 30 ans tandis que 61 étaient âgées entre 30 et 45 ans, 17 tentatives parmi les âgées de plus de 45 ans ainsi que 47 mineurs âgés de moins de 18 ans. Pour ce qui est des raisons menant au suicide, l’étude effectuée par la GN  montre que le phénomène touche particulièrement les couches défavorisées. Si les troubles psychiques sont généralement la cause directe du suicide avec 38 cas, le rapport enregistre cependant 26 cas de suicide à cause des dépressions nerveuses et 22 autres à cause des problèmes familiaux, 3 cas à cause du désespoir et 3 autres liés aux problèmes sociaux. Alors que dans 72 cas, les causes restent toujours mystérieuses.
S’agissant des tentatives, les troubles psychiques restent en effet les principales causes de suicide avec 38 tentatives et 7 autres dues au désespoir, 126 tentatives ont pour cause les problèmes sociaux, 31 à cause des problèmes familiaux, 22 à cause des dépressions nerveuses.
L’échec scolaire est derrière 5 tentatives de suicide, généralement chez des mineurs, 2 à cause de problèmes financiers, et 43 pour diverses raisons inconnues d’autant que, dans la plupart des cas, les familles des suicidés préfèrent le mutisme que révéler les vraies causes.

Les chômeurs en tête de liste des suicidés
Les statistiques font état de la prévalence du suicide chez la tranche d’âge comprise entre 18 et 30 ans avec 67 cas. Suivie des personnes dont l’âge varie entre 30 et 45 ans avec 56 cas, et 31 autres cas ont été enregistrés pour les personnes de plus de 45 ans et 10 cas pour les mineurs. Ainsi, selon l’étude, les chômeurs sont souvent les premiers sur la liste des suicidés. Les chômeurs arrivent en tête du classement du nombre de suicidés avec 100 cas et 206  tentatives de suicide durant les 6 mois. Concernant les professions des suicidés, l’étude relève que parmi les suicidés, il y a 21 fonctionnaires et 9 agriculteurs ainsi que 5 commerçants  alors que 29 autres ont des professions diverses.
Concernant les tentatives en elles-mêmes, les fonctionnaires viennent toujours après les chômeurs avec 29 cas, suivis de 5 étudiants ainsi que 2 fellahs. Un commerçant aussi a tenté de mettre fin à ses jours à cause d’un problème financier. 31 tentatives ont été enregistrées pour des raisons non déterminées.
Les  gens qui se suicident souffrent de manque de confiance en eux-mêmes ou ont des difficultés de contact et de communication au sein de leur milieu familial. Ils sont aussi fragiles et agissent par violence sur leur propre personne, selon l’analyse du rapport.

La Kabylie reste la plus touchée par le suicide
La répartition géographique des suicides fait apparaître que la Kabylie demeure la région la plus touchée par ce phénomène social. 29 cas ont été enregistrés dans la wilaya de Tizi Ouzou durant ce premier semestre, suivie de Béjaïa avec 13 cas, Bouira et Alger avec 12 suicides, talonnées avec 8 cas par les wilayas de Mascara et de Souk Ahras, 6 cas à Oran suivies de 5 cas dans les wilayas de Médéa et Jijel avec 4 cas dans la wilaya de Tlemcen.
Pour les tentatives, le classement de la GN confirme la première place pour la wilaya de Tiaret avec 38  tentatives, suivie de Mascara avec 21 tentatives, Oum El-Bouaghi et Béjaïa avec 19 cas, Bouira et Bordj Bou-Arréridj avec 12 cas et à des degrés moindres Sétif, Tébessa, Skikda, Souk-Ahras.
Les sociologues affirment qu'en Algérie, ce sont “environ 10 000 personnes qui tentent de mettre fin à leurs jours chaque année, pour la plupart des jeunes, dont un millier réussissent leur coup”.
Les spécialistes ont estimé que les principales causes du suicide sont, dans la majorité des cas, impossibles à connaître du fait que ce geste désespéré a toujours été considéré par la société comme étant “un tabou”.
Récemment, un nouveau mode de suicide s’est installé dans notre société, des jeunes et des fois même en famille qui tentent de mettre fin à leur vie en s’immolant par le feu en s’aspergeant d’essence à cause des expulsions de leur domicile ou parce qu’ils sont exclus des listes des bénéficiaires de logements.  Ce rapport reste alarmant d’autant qu’il ne concerne que les statistiques de la Gendarmerie nationale. Du côté des services de police, on a recensé 6 cas de suicide et 81 tentatives chez les mineurs âgés de 10 à 16 ans dont 61 filles, et ce, durant seulement les quatre premiers mois de 2010. Ces enfants ont choisi la mort en se jetant du haut de leur immeuble ou par pendaison alors qu’à leur âge, les enfants s’intéressent à la Play Station, aux dessins animés et même au foot !
Ces mêmes services ont enregistré 247 tentatives de suicide durant les premiers quatre mois de l’année en cours. Dans ce contexte, la gendarmerie appelle à multiplier les campagnes de sensibilisation et l’élaboration d’une stratégie avec tous les services de sécurité et les institutions concernées afin de lutter efficacement et attaquer ce fléau à ses racines, à savoir la prévention et favoriser le dialogue au sein de la famille. Des cellules de prévention contre la délinquance juvénile de la GN sont mobilisées dans ce cadre, conclut l’étude.

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=140135&titre=28 Algériens se suicident chaque mois

Ultime recours

Par : Outoudert Abrous
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Douloureux constat avec ces statistiques qui comptabilisent des départs définitifs de la vie, en toute discrétion, le suicide en Algérie prend des proportions alarmantes.

Le phénomène du suicide prend de l’ampleur et, plus grave encore, il touche des segments de la population qui jusqu'à très récemment étaient non concernés. Il s’agit notamment de la tranche des fonctionnaires, généralement sécurisés par la préservation d’un emploi.
Au-delà des chiffres alarmants qui ne cessent d’augmenter et qui donnent froid dans le dos, il y a aussi ces nouvelles façons de mettre fin à ses jours. De plus en plus de cas d’immolation sont signalés et ont lieu sur des places publiques comme pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’ultime recours du citoyen en bout de course.
Les “motifs” qui amènent à cette décision extrême sont pour la plupart connus pour la tranche des personnes âgées : la perte de l’emploi à cause de la fermeture de son usine, l’exclusion d’une liste d’attribution de logements sociaux, etc. Reste la catégorie des jeunes dont la cause principale est l’absence de communication au sein de la structure familiale, la fille étant généralement le plus souvent exposée à cette exclusion. Il en est ainsi de la déception amoureuse ou du mariage forcé. Le suicide, ici, constitue une alternative au fait accompli que d’autres contournent par un procédé moins radical, la fugue perçue comme un moyen d’échapper au diktat du père ou des frères.
Douloureux constat avec ces statistiques qui comptabilisent des départs définitifs de la vie, en toute discrétion, le suicide en Algérie prend des proportions alarmantes.
En amont, il faut avouer que ce nouveau fléau n’est pas encore appréhendé par les pouvoirs publics qui se contentent de le classer dans la rubrique des cas isolés, alors qu’il y a urgence à s’interroger sur le nombre de suicides qui touchent certaines wilayas, dont Béjaïa et Tizi Ouzou en tête de liste.
Mal-vie, absence de repères, hogra, chômage, il y a un peu de tout cela, mais quand on décide de mettre fin à ses jours, c’est que la confiance en son pays a déjà rendu l’âme.

O. A.

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=140136

Publié dans Economie et société

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