« L’affaire Rebrab », les travailleurs et la gauche

Publié le par Mahi Ahmed


« L’affaire Rebrab », les travailleurs et la gauche
Par Hocine Belalloufi

L’affaire Rebrab, initialement liée aux problèmes rencontrés par le patron de Cevital à propos de ses investissements dans le pays, a pris en 2018 une nouvelle dimension avec l’organisation de marches à l’initiative d’une Coordination Nationale des Comités Citoyens de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques. Cette nouvelle dimension oblige toutes les forces politiques et sociales à se déterminer clairement et contribue ainsi à accélérer la cristallisation de camps politiques. C’est à la lumière de cette évolution qualitative et des enjeux qui en découlent que le PST s’est positionné et qu’il continuera à le faire sans se laisser impressionner par les attaques contre la gauche.
Notre parti a toujours combattu la politique libérale du régime autoritaire et les oligarques (FCE…) qui en profitent. De même combattons-nous la direction bureaucratique et anti-ouvrière de l’UGTA totalement soumise au pouvoir. Mais nous refusons en même temps de nous placer à la remorque de l’opposition « démocrate » ultralibérale qui vient de trouver en Issad Rebrab (un patron qui n’a quitté le FCE qu’en 2014) son champion dans le double espoir de cristalliser ses forces fragmentées et de se tailler enfin une base populaire.
Le PST s’oppose à la fraction de l’oligarchie (FCE de Ali Haddad) qui cherche à embrigader la classe ouvrière dans le projet libéral autoritaire du régime grâce à une direction de l’UGTA sous influence patronale. Mais il combat avec la même force l’autre fraction de l’oligarchie, celle de M. Rebrab,qui cherche à embrigader les travailleurs dans le projet ultralibéral de l’opposition « démocrate ».
Militants socialistes, nous refusons, critiquons et combattons la tentative de faire avaliser le projet antisocial et antinational des partisans de la bourgeoisie compradore sous couvert d’une nécessité abstraite de défense des droits démocratiques. L’épisode de l’instauration de la démocratie au moyen de missiles tomahawks lancés par l’impérialisme occidental est encore trop récent pour que nous oubliions qu’il s’est achevé sur les ruines de l’Etat libyen.
Comme tout capitaliste conscient de ses intérêts, M. Rebrab, comme M. Haddad, ne crée pas d’emplois par bonté d’âme et charité ou en pensant à l’intérêt suprême du pays ou de la Kabylie. Il crée des emplois afin d’exploiter les travailleurs et accumuler des milliards de dollars, ce qui fait fantasmer des idéologues fascinés par la saga « du capitaine d’industrie » et son rang de 6e fortune du Continent. Mais en quoi ces richesses et ce classement sont-ils utiles aux travailleurs licenciés arbitrairement et illégalement par le patron de Cevital et qui croupissent sous la pluie et dans le froid devant le siège de son usine ?

En finir avec le mythe Rebrab
Les travailleurs ont besoin d’un emploi. Certains de ceux qui protestent aujourd’hui sous les murs de l’usine ont même manifesté pour défendre Cevital. Ils ont naïvement cru à la fable paternaliste du bon oligarque, mais n’ont pas été remerciés en retour et se retrouvent à la rue. C’est ainsi que les oligarques dédommagent les exploités qui les soutiennent.Cette dure leçon doit apprendre aux travailleurs à distinguer leurs vrais amis de leurs faux amis. Les capitalistes en général et les oligarques en particulier ne sont pas leurs amis.C’est par le bradage (Sogedia, El Hadjar, Fertial…), les subventions, les exonérations et autres avantages publics, l’évasion fiscale, la corruption… et la mise au pas de la classe ouvrière que la classe des capitalistes a été créée de toutes pièces par l’Etat. Et c’est par l’exploitation du travail salarié qu’elle continue à se développer et à prospérer. Quant aux travailleurs qui étaient autrefois à la pointe du combat pour la justice sociale et même de l’égalité sociale (le socialisme), on leur demande aujourd’hui de se contenter d’un simple emploi et de bénir celui qui leur offre ce job si généreusement… Cela renseigne sur le recul de la classe ouvrière dans notre pays depuis que le régime de Chadli a lancé l’infitah.
Il convient de récuser la prétention de M. Rebrab et de son mouvement à parler au nom de la démocratie alors même qu’il interdit toujours aux ouvriers de son groupe de créer des sections syndicales pour défendre leurs revendications élémentaires. On ne peut être démocrate à l’extérieur de l’usine et dictateur à l’intérieur, exiger du pouvoir la reconnaissance de contre-pouvoirs et refuser à ses salariés le droit de s’exprimer et de constituer des syndicats. C’est pourtant ce qu’a fait, avec une rare constance, Issad Rebrab de Samsung Algérie à Samha Sétif, en passant par Cevital Bejaia et autre quotidien Liberté…
Nous récusons également la prétention de M. Rebrab à se présenter en défenseur des intérêts des travailleurs alors même qu’il les exploite sans vergogne et qu’il n’hésite pas à les jeter à la rue et à les priver, eux et leurs familles, de pain parce qu’ils revendiquent une amélioration de leurs salaires et de leurs conditions de travail.
Les militants et travailleurs conscients doivent expliquer à tous les salariés mal informés ou trompés par la propagande que MM Rebrab et Haddad sont, pour eux,de « faux amis » qui vivent, comme tous les capitalistes, de l’exploitation et de la domination des salariés. Ils sont donc leurs adversaires de classe. La dramatique situation dans laquelle se retrouvent les travailleurs licenciés arbitrairement par notre « capitaine d’industrie » et qui tiennent leur sit-in devant l’usine Cevital de Bejaia illustre cette réalité. Ce travail d’explication s’avère d’autant plus important aujourd’hui que l’enjeu politique principal consiste, pour les travailleurs, à arracher leur indépendance de classe.

L’enjeu politique, imposer l’indépendance de classe des travailleurs
Ils réussiront à acquérir cette indépendance en imposant des syndicats dans toutes les entreprises publiques, privées, nationales ou étrangères. En avançant leurs revendications économiques et sociales et en les faisant aboutir par la lutte. En développant la solidarité avec les travailleurs qui luttent dans d’autres entreprises, d’autres secteurs, d’autres régions. En défendant le droit de grève et les libertés syndicales de plus en plus ouvertement bafoués par les patrons et le gouvernement. En combattant les Inspections du travail qui basculent du côté des patrons, en résistants aux attaques gouvernementales contre les salariés, les retraités, les chômeurs, les diplômés sans avenir… Ils arracheront cette indépendance en défendant les subventions et le droit à une santé et à une éducation gratuites pour tous et de qualité. En faisant échec à la volonté commune du pouvoir et de tous les oligarques de casser le Code du travail pour en faire un Code du capital…
Les travailleurs arracheront leur indépendance en construisant une opposition de classe dans l’UGTA pour combattre la soumission totale de la direction bureaucratique de cette organisation au pouvoir et aux patrons. En aidant les syndicats autonomes à dépasser leurs divisions et les corporatismes et les aider à intégrer le fait que les travailleurs forment une seule et même classe, au-delà de leurs secteurs d’activité et de leurs métiers. En refusant de se laisser entrainer dans les querelles des oligarques car ces derniers s’entendent toujours pour exploiter et dominer la classe ouvrière. En refusant de choisir entre l’infitah à petits pas du pouvoir libéral autoritaire, d’un côté, et le brutal projet antisocial et pro-impérialiste de l’opposition démocrate ultralibérale, de l’autre.
Enfin, les travailleurs les plus conscients doivent s’organiser de manière indépendante sous leur propre étendard politique (leur propre parti), celui de l’anticapitalisme et du projet socialiste, afin de ne pas se contenter de lutter pour limiter leur exploitation, mais de combattre pour imposer une société débarrassée de l’exploitation et de la domination politique, le socialisme.

Pour une alternative démocratique, antilibérale et anti-impérialiste
L’indépendance de classe des travailleurs leur permettra de rassembler la grande masse des exploités et dominés autour d’une alternative politique démocratique, antilibérale et anti-impérialiste. Ce bloc social majoritaire, dirigé par les travailleurs, sera à même de mettre en échec le projet libéral autoritaire du pouvoir et celui ultralibéral de l’opposition « démocrate ». Il sera alors possible d’empêcher que des travailleurs et certaines de leurs organisations se placent à la remorque de MM Rebrab ou Haddad et de leurs représentants ou sponsors politiques.
Telle est la double tâche politique à laquelle les militants et les travailleurs conscients doivent s’atteler. Et tant pis si ces idées et propositions semblent ringardes aux yeux des « modernistes » valets d’un système capitaliste qui fait chaque jours davantage sombrer l’Humanité tout entière dans la misère et la barbarie et qui menace, une nouvelle fois, de la détruire par ses attaques permanentes contre l’environnement et ses guerres incessantes.

Alger, le 14 janvier 2019

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