Tunisie : Il est temps de trancher la place de la religion dans la société

Publié le par Mahi Ahmed

Tunisie : Il est temps de trancher la place de la religion dans la société

12/08/2018

Par Sofiene Ben Hamida

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Une frange de la société se mobilisera demain au centre de la capitale pour apporter son soutien au rapport de la Colibe. Cette manifestation se veut une réponse à la mobilisation organisée samedi par les islamistes contre ce rapport. Tout porte à croire qu’en l’absence d’un débat public profond, qui n’a jamais eu lieu, sur des questions de fond qui touchent les problématiques de la liberté, l’égalité et l’essence même de la démocratie, nous aurons droit à un médiocre comptage des voix et à une massification des troupes qui rapprochent le pays encore plus de la ligne de fracture qui conduira inéluctablement à la guerre civile, et qui l’éloigne davantage de la paix sociale et de la démocratie tant souhaitée.

 

 A qui la faute ? Qui doit-on incriminer ? Ce n’est sûrement pas le camp de ceux qui s’attachent à la démocratie, qui portent les valeurs des droits de l’Homme dans leurs dimensions globales et planétaires et qui défendent la liberté et l’égalité pour tous qui doit être mis à l’index. Ceux là, malgré leurs faiblesses, leur hétérogénéité, leurs petits calculs pour certains d’entre eux et leurs mesquineries même pour d’autres, sont les porteurs d’un rêve permanent de la société tunisienne depuis des décennies, des siècles même : celui de la modernité. Ils peuvent donner l’impression de ne pas être les plus nombreux, mais leur rêve est porté, anonymement, par la grande majorité des Tunisiens, certains par conviction, d’autres d’une manière profonde quoique inconsciente.

 

 

 

On pourrait certes leur reprocher d’être trop conciliants, de vouloir ménager les croyances populaires ancestrales et de chercher des recoupements hypothétiques entre la religion et le droit positif, celui des hommes. Or ce sont deux champs totalement distincts dans la mesure où la religion gère exclusivement les rapports de l’individu avec son Dieu alors que le droit organise uniquement les rapports des hommes entre eux. Le subterfuge des islamistes est de vouloir gérer les rapports des hommes entre eux au nom de Dieu. Mais comme ce n’est qu’un artifice, ils usent de tous les moyens, y compris la désinformation et le mensonge pour perdurer un statuquo qui ne profite qu’à eux au détriment de toutes les autres franges de la société.

 

 

 

Qu’ils nous disent seulement qui les a mandatés pour parler au nom de Dieu ? Qu’ils montrent en quoi les libertés individuelles et l’égalité entre tous sont contraires à la croyance et perturbent les bons rapports entre les croyants et leur Dieu ? Qu’ils expliquent pourquoi ils ont accepté l’abolition de l’esclavage, des châtiments corporels et de la polygamie et refusent aujourd’hui que les femmes soient égales aux hommes en droits et devoirs ou que des citoyens soient différents d’eux dans leurs croyances ou dans leurs choix de vie ?

 

 

 

Le rapport de la Colibe n’est qu’un prétexte pour mettre à nu les clivages qui traversent notre société. Entre une frange passéiste qui utilise tous les moyens, même le bon Dieu, pour asservir le pays et une autre moderniste qui est dotée de beaucoup de bonne volonté mais de peu de moyens, il est temps de trancher. Cela risque d’être douloureux pour un certain temps, de provoquer des tensions, peut-être graves pour une période, mais il est absolument nécessaire aujourd’hui de poser clairement la question de la place de la religion dans la société.  En termes clairs, il est impératif que la religion soit clairement reléguée dans la sphère privée et que les rapports entre les citoyens soient gérés uniquement et simplement dans le cadre des lois émanant de la Constitution qui garantit les libertés individuelles, l’égalité et le droit à la différence. En dépit de la situation politique incongrue actuellement, il est important d’avoir le courage d’aller à l’essentiel.

 

 

Publié dans Tunisie actuelle

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