Communications à la Conférence Nationale Économique et Sociale du FFS

Publié le par Mahi Ahmed

Communications à la Conférence Nationale Économique et Sociale du FFS

Communication du Dr Mourad GOUMIRI,Professeur associé le 19 septembre 2016

CRISE ECONOMIQUE OU DE GOUVERNANCE ?

PLAN.

L’évaluation des politiques économiques.

1.1- Capitalisme d’état.

1.2- Libéralisme débridé.

Les mythes et utopies économiques.

2.1- Le mythe du taux d’intégration.

2.2- Le mythe de l’indépendance économique.

2.3- Le mythe dépendance énergétique.

Gouvernance, gaspillage et corruption.

3.1- Gouvernance.

3.2-Gaspillages.

3.3- Corruption.

Quelques pistes de réflexion pour une croissance durable.

4.1- Substitution aux importations.

4.2- Economie mixte publique, privée nationale.

4.3- Intégration par le haut à la mondialisation.

4.4- En guise de conclusions.

L’évaluation des politiques économiques.

Capitalisme d’état.

L’économie coloniale.

L’économie coloniale est fondée sur une stratégie de domination de la métropole sur les périphéries coloniales et en particulier sur l’Algérie qui, il ne faut l’oublier, était la seule colonie de peuplement. Avec la brutalité de l’indépendance, malgré les accords d’Evian, qui devaient assurer un passage en douceur, l’économie algérienne caractérisée par un capitalisme primaire, à 90% dominé par les secteurs de l’agriculture, l’agroalimentaire, les services et les mines, est complètement extravertie et dépendante structurellement à la France.

L’économie indépendante.

Les Chartes de Tripoli et celle d’Alger, qui peuvent être considérées comme les premiers textes doctrinaux de l’économie de l’Algérie indépendante, sont d’obédience socialisante, probablement liées à la revendication des paysans sans terre, qui représentaient la grande masse de la population algérienne et qui a investi très tôt le couple FLN ALN combattant. Il était donc obligatoire que l’économie algérienne indépendante se dirige vers une forme de capitalisme d’état, à partir de 1962, pour des raisons idéologique, politique, économique et culturelle, en l’absence d’un capitalisme national substantiellement capable de générer le développement.

La planification centrale et bureaucratique.

La charte et la constitution de 1976 va confirmer considérablement cette tendance idéologique et politique, ce qui va se traduire économiquement par la mise en œuvre de plans de développement (triennal, quadriennaux et quinquennaux). C’est la période dite de la «révolution industrielle» que certains évoquent encore avec nostalgie. La réalité est plus nuancée, puisque déjà l’équation des hydrocarbures va s’installer durablement dans notre économie, prenant une place de plus en plus importante dans la croissance économique et absorbant une part substantielle du revenu national, reléguant les autres secteurs au deuxième ou troisième rang. Mais s’est l’échec du secteur agricole qui a été la plaie béante de notre économie, ce même secteur si florissant durant la colonisation. La «révolution agraire» est passée par toutes les formes d’utopies et d’idées factices et s’est traduite, à chaque changement organisationnel, par une diminution drastique de la production et de la productivité du secteur dans toutes ses spéculations, aggravant ainsi la facture alimentaire du pays. Dès lors, le temps du changement devenait impératif en même temps que des révolutions de palais s’opéraient au sein des clans du pouvoir qui commençaient à s’affronter autour du partage de la rente.

Libéralisme débridé.

– L’économie bazarie.

Le passage d’un système planifié centralement par une bureaucratie puissante à un libéralisme non assumé idéologiquement et politiquement, va se traduire par la construction d’une économie en rupture constante et sans vision stratégique à moyen et long terme. Des mesures économiques, plus ou moins inspirées voire imposées par le couple FMI BIRD, après la signature du plan d’ajustement structurel (PAS) en 1994, vont voir le jour en fonction et au gré des fluctuations les prix de l’énergie sur le marché international, sans qu’elles ne rentrent dans le cadre d’une cohérence économique globale. Le secteur privé, longtemps décrié (voir la constitution de 1976), va faire son apparition par la plus mauvaise des portes, celle de l’économie informelle tant au niveau national qu’à celui international. Tous secteurs confondus, l’économie algérienne va se transformer en un immense bazar où tous les biens et services étrangers sont vendus, sans réglementation efficace et avec une caractéristique spécifique à notre pays, à savoir, le transfert du monopole public au monopole privé, sans organisme puissant de régulation et de contrôle. Cette politique va créer d’une nouvelle économie par la destruction de pans entiers de son appareil de production public et privé, remplacée par le secteur des services et en particulier celui du commerce, largement informel, ce qui va accentuer la dépendance, de plus en plus significative, à la rente pétrolière dans les grands équilibres macroéconomiques, approfondissant ainsi la vulnérabilité de notre économie aux événements conjoncturels nationaux et internationaux. Seule variable d’ajustement utilisée, par les pouvoirs publics, le secteur de l’importation va structurer cette politique dite de l’Infitah, qui se traduira par une croissance économique faible et des politiques distributives et de subventions massives, pour l’achat de la paix sociale, tant que la rente pétrolière le permet. Au moindre renversement de la conjoncture sur le marché mondial de l’énergie, une rupture violente du pacte sociale implicite, va remettre en cause le système (octobre 1988, par exemple) qui sera obligé de procéder à des réformes, plus ou moins profondes, en attendant de récupérer les libertés fondamentales qu’il a dû céder, dès que la rente pétrolière s’annonce de nouveau.

– Les réformes économiques.

Les réformes économiques introduites à partir de 1988, par le gouvernement Hamrouche, ont été une tentative de synthèse entre une économie bureaucratique et centralisée, imposée après l’indépendance et une nécessaire réforme de l’organisation de notre économie pour l’adapter aux nouvelles orientations de l’économie mondiale, dominées par les puissants courants idéologiques néolibéraux. Il s’agissait, en fait, de libérer le champ économique public et privé tout en consacrant l’état dans son rôle de régulateur, dans le cadre d’un programme cohérent de développement durable à moyen et long terme. La réforme sur « l’autonomie de l’entreprise publique » s’inscrivait dans cette logique et devait mettre une distanciation entre la décision politique et celle économique, la première relevant entièrement de l’&tat propriétaire et la seconde de l’équipe managériale. Le secteur privé productif, national et international, entrait de plein pied dans le processus, avec l’ouverture, de tous les secteurs économiques, aux investisseurs, sans exclusif, dans des proportions que l’état régulateur devait arbitrer, en fonction des aspects stratégiques ou pas des opportunités d’investir. Les réformes économiques avaient pour objectif implicite la destruction des rentes et des rentiers ainsi que le marché informel et de ses adeptes. Elles devaient préparer le champ aux investissements productifs, tout en introduisant progressivement une politique soutenue de diminution de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures, par des programmes de diversification de la production, en particulier dans des secteurs à forts avantages comparatifs. La libération de l’acte d’investir et la débureaucratisation des rouages économiques devaient booster le taux de croissance et générer des emplois réels, hors du secteur de l’administration. Les réformes économiques ont été stoppées par les tenants de la rente de toute nature, qui se sont ligués, par des alliances contrenatures sans précédent, avec toutes les autres forces sociales rentières (syndicats, associations, institutions…) qui ont, entre temps, amassé des fortunes colossales, entièrement dédiées à la destruction du mouvement réformateur de manière à perpétuer les rentes dont ils ont joui.

– La rente importatrice.

La rente importatrice va structurer les comportements économiques et les décisions organisationnelles du secteur public et privé puisque c’est à travers les importations que des fortunes colossales vont se constituer soit à travers l’exclusivité dont vont jouir certains tenants du pouvoir soit par la fraude généralisée au niveau des déclarations des biens et services importées. Plus grave encore, la rente importatrice va interdire la réalisation de projets industriels rentables dans notre pays, de manière à permettre de perpétuer l’importation et la rente qui la caractérise. Elle va également favoriser la fuite des capitaux nationaux vers l’étranger à travers diverses procédures émises pour le transfert des devises, amplifiant ainsi le processus. La rente importatrice va enfin gangrener toutes les institutions liées à son fonctionnement (banques, douanes, impôts, registre de commerce, services de contrôle et de sécurité…) en développant des circuits parallèles et des réseaux efficaces de trafics nationaux et internationaux, de toutes espèces. Elle va permettre un processus de corruption généralisée des différents acteurs activant dans le secteur, occasionnant un préjudice au Trésor public qui se chiffre à plusieurs Milliards de DA, chaque année et qui siphonnera les ressources financières publiques affectées aux soutiens des plus démunis.

Les mythes et utopies économiques.

2.1– De l’origine des mythes économiques.

Les mythes économiques ont, de tout temps, été utilisés pour masquer des arguments idéologiques ou politiques non avoués et surtout non assumés. En effet, l’invention du concept du «socialisme spécifique» a entrainé des décisions économiques dans les secteurs industriels, agricoles, des services qui ont été catastrophiques pour la production et la productivité (gestion socialiste des entreprises, domaine agricole autogéré, magasins pilotes socialistes, l’entreprise privée non exploiteuse…). D’autres concepts comme celui des « industries industrialisantes » nous ont conduits à des impasses puisqu’il introduisait une espèce de mouvement dynamique interne, éternel et permanent et les « effets d’entrainement » se font toujours attendre, ce qui a induit des erreurs décisionnelles stratégiques, dans le secteur industriel notamment.

2.2-Le mythe du taux d’intégration.

Il en va de même pour le mythe du taux d’intégration qui a sévi durant la décennie des années 60 et 70. En fait, la recherche d’un taux d’intégration le plus élevé possible à savoir 100%, donnait à ses adeptes l’illusion d’une réussite comparativement aux autres projets nationaux et internationaux. Cette quête forcenée d’un taux d’intégration maximum a été une catastrophe doublée d’un échec, dans tous les domaines et notamment dans l’industrie alors que la préférence pour une «montée en cadences» est toujours un gage de réussite. De même, que l’introduction d’une technologie intermédiaire est préférable à celle d’un dernier cri technologique impossible à maitriser et à digérer, ce qui a poussé notre pays à aller d’une formule « clé en main » à celle de « produits en main ». Les transferts de technologie, tant attendus, n’ont pas fait leur apparition et après le départ des techniciens étrangers la production et la productivité a baissé drastiquement.

2.3- Le mythe de l’indépendance économique.

A l’heure de la mondialisation et des grands ensembles économiques mondiaux homogènes (UE, ALENA, OMC, ZALE…), il y a encore des idéologues qui prônent encore, le mythe de l’indépendance économique, en rupture avec le capitalisme mondiale, voire de l’autarcie, dans une espèce de cocktail où on trouve le romantisme économique, le nationalisme économique étroit, le protectionnisme géniteur de rentes et surtout la concurrence déloyale qui est porteuse de déséquilibres sur tous les segments de marché. Pourtant, tout le monde est conscient que le protectionnisme doublé du nationalisme a été et est toujours porteur de guerres et de conflits, à plus ou moins long échéance et que seule la négociation équilibrée et volontaire, dans le cadre d’une intégration globale, peut créer une dynamique de cercles vertueux d’une croissance durable de l’économie mondiale. Le fruit de cette croissance devra être ensuite réparti équitablement entre partenaires, ce qui est la partie la plus difficile, en privilégiant toujours le contrat plutôt que le rapport de force.

2.4- Le mythe dépendance énergétique.

L’économie algérienne est toujours interpellée par rapport à sa forte dépendance vis-à-vis du secteur de l’énergie. Certains vont même jusqu’à considérer ce potentiel minier comme une malédiction qui est à l’origine de tous nos malheurs ! Personne ne tient ce langage pour les pays du Golf, ni pour le Maroc qui jouit de la plus grande production mondiale de phosphates et des superphosphates ainsi d’ailleurs que du cannabis… Le « syndrome hollandais » revient dans toutes les bouches pour rappeler que les hydrocarbures faussent le calcul de la performance économique réelle. Pourtant, il est évident que c’est dans l’utilisation rationnelle des recettes d’exportations des hydrocarbures que le problème se pose et non pas dans le fait que notre pays jouit naturellement de ce produit stratégique et de ses dérivés. Il est donc irresponsable de se priver de cette manne importante et de ne pas l’intégrer dans un programme de développement économique et social durable par une politique de valorisation (chimie, pétrochimie, engrais, plastiques…) mais il est également irresponsable de la dilapider comme c’est le cas malheureusement aujourd’hui. L’Algérie a engrangé, depuis 1999, quelques 1.000 Milliards de US$, de recettes d’exportation, il faudra bien un jour faire le bilan de cette manne et de son utilisation ! La question primordiale est donc de savoir si cette manne a été affectée rationnellement pour cette génération et pour celles à venir ?

Gouvernance, gaspillages et corruption.

3.1- Gouvernance.

Les capacités managériales de notre pays, ont subi plusieurs vagues de destruction qui ont toutes coïncidé avec une politique de déstabilisation pour mieux émasculer l’encadrement de notre pays et le rendre complètement asservi aux désidérata des pouvoirs passés et présents. Les différents statuts, concoctés pour eux, vont les fragiliser et les rendre vulnérables aux conjectures politiques du moment. Un arsenal répressif impressionnant va, tour à tour, les désigner comme les boucs émissaires (cour spéciale des infractions économiques, article 421 du code pénal, relatif à la mauvaise gestion, responsabilité civile, pénale, financière et sécuritaire…) des crises aigues de partage de la rente des différents pouvoirs. Cette situation va se traduire par des procès en sorcellerie retentissants, à chaque changement des clans civils et militaires du pouvoir, les poussant de plus en plus vers l’exile intérieur et extérieur et à une mise à la retraite forcée. Les cadres algériens vont faire le bonheur des firmes étrangères, après avoir été formés, en Algérie et accumulés une expérience inestimable, en Algérie, sans que le pouvoir ne s’en émeut, pire encore, il va leur facilité leur départ du pays. Organiser le vide de l’encadrement national, devient une pratique courante du pouvoir, qui va faire appelle à l’encadrement étranger beaucoup plus malléable et dans tous les cas de figure moins, critique vis-à-vis des décisions économiques intempestives. Le phénomène d’accumulation du savoir faire, dans notre pays, est donc réalisé au seul profit des pays étrangers.

3.2- Gaspillage.

La notion de gaspillage est abstraite pour beaucoup de monde car pas toujours perceptible et difficile à quantifier, de la même manière, le manque à gagner est lui aussi difficile à apprécier car non concret. Des projets d’investissement colossaux vont être réalisés, en général, par des entreprises étrangères, qui relèvent beaucoup plus du gaspillage de prestige et entièrement dédié à l’image de marque des tenants du pouvoir. Faut-il donner des exemples pour convaincre ? Le monument de Maqam el-Echahid a permis à l’entreprise canadienne Lavalin international de se refaire une santé financière grâce au projet qui a couté au bas mot un Milliard de US$ : Quelle a été son utilité, était-il prioritaire ? Le tracé de l’autoroute Est-Ouest intègre des tronçons très peu fréquentés, notamment à ses extrémités. La hauteur du minaret de la grande mosquée d’Alger est un gouffre financier, sans aucune signification cultuelle. Enfin, inauguré récemment, en présence rare du Président de la république, un Centre International de Conférences aussi luxueux, en pleine crise économique et financière, relève de l’irresponsabilité et d’un manque flagrant de discernement des priorités en ces temps de disette annoncée.

3.3- Corruption.

La corruption est devenue en Algérie un instrument de gestion du pouvoir politique, ce n’est plus un phénomène à étudier à la marge mais une véritable catégorie économique qu’il faut analyser en tant que telle. En effet, des centres de recherche internationaux considèrent que lorsque la corruption atteint les 10% du PIB, elle devient une catégorie économique à l’instar des autres catégories telles que l’industrie ou l’agriculture et qu’il convient de les analyser sous cet angle, comme c’est le cas pour le trafic d’héroïne en Colombie ou celui du cannabis pour le Maroc qui lui rapporte quelques 2 Milliards de US$. La corruption c’est « démocratisée » en Algérie, depuis qu’en 1999, l’institution militaire a installé le Président à la tête du pays et lui a garantie quatre mandats. En effet, elle va devenir un phénomène sociétal qui va atteindre toutes les couches de la société, sans que les montants en jeu ne soient égaux, entre les différentes catégories, les taux les plus élevés revenant aux sphères les plus proches des cercles du pouvoir. Faut-il citer les affaires connues jusqu’au jour d’aujourd’hui, pour s’en convaincre ? Les affaires Sonatrach I, II, III et celle de sa filiale BRCondor, …, celle de l’autoroute Est-Ouest, de CNAN group, des groupes Khalifa et Tonic, du FNDA, du rachat de Djezzy au groupe Sawaris et récemment le scandale du Parc Dounia de Dely-Brahim… A l’évidence, le départ de ce pouvoir va certainement permettre la révélation d’autres scandales, non encore portée à l’opinion publique ! La corruption devient donc une catégorie économique à l’instar des autres mais devient en plus le critère absolu et déterminant dans la prise finale de décision économique que ce soit au niveau national et international. La distribution de la manne corruptrice se décide en fonction des rapports de force, entre les différents clans du pouvoir, de manière hiérarchisée et pour « service rendu » au clan dominant du pouvoir. Elle devient, surtout, l’élément discriminant du pouvoir et son signe distinctif, puisqu’elle va structurer la société toute entière et devenir l’un des composants des prix relatifs. Elle va également dresser une nouvelle hiérarchie sociale et permettre l’émergence d’une classe de « nouveaux riches » entièrement dévouée au pouvoir qui l’a créée et sur laquelle il va s’appuyer pour consolider et pérenniser son pouvoir.

4.- Quelques pistes de réflexion pour une croissance durable.

4.1- Substitution aux importations.

Les politiques de substitution aux importations datent des années 50 et notamment de la réunion de la CNUCED du 1958 à Santiago du Chili où les pays latino-américains, l’Inde, la Chine… étaient invités à les mettre en œuvre pour assurer leur décollage économique à moyen et long terme. Il s’agit en fait de concentrer les investissements afin de produire de biens et services nécessaire au marché local dans un premier temps, de manière à limiter les importations. Ce processus se crée soit par la création, ex nihilo, d’un tissu industriel, lorsque les avantages comparatifs existent, soit par la signature de joint-ventures avec des multinationales pour produire une partie ou la totalité des biens et services, avec une période de montée en cadence à déterminer. Force est de constater que cette politique vieille, de plus de cinquante ans, a porté ses fruits ans la mesure où ces pays forment ce que l’on appelle aujourd’hui, les pays émergeants, puisqu’ils ont construit une base industrielle qui a dépassée le simple marché national et dégage des excédents à l’exportation.

4.2- Economie mixte publique, privée nationale.

Les synergies, tant recherchées, entre secteurs publics et privés nationaux, n’ont jamais vu le jour dans notre pays, alors que les joint-ventures entre le secteur public et privé et les entreprises étrangères, fleurissent tous les jours ! De même, qu’une économie mixte entre l’état et le secteur privé, est rarissime, alors que l’état intervient dans le secteur public de manière massive ! Quelles sont les raisons profondes d’une pareille discrimination ? Ce qui est certain, c’est que cette forme d’économie mixte peut être un gisement non négligeable d’investissements et d’introduction de modes de gestion transparents, innovants. Elle responsabilise l’état dans son action de régulation plutôt que de le confiner uniquement dans son rôle de donneur d’ordres et de distributeur de rentes.

4.3- Intégration par le haut à la mondialisation.

La tendance actuelle de l’économie mondiale est d’intégrer les économies des pays en développement par le haut, dans le cadre de la mondialisation, c’est-à-dire de la participer à la production d’un ou de plusieurs biens et services, en fonction d’un ou de plusieurs avantages comparatifs (terres et matières premières, main d’œuvre qualifiée et abondante, positionnement géographique, paix sociale et politique, innovations, infrastructures, gisements touristiques…). Cette forme particulière d’intégration peut nous être très utile dans notre effort de diversification et de satisfaction des besoins sociaux, puisqu’elle permet à notre appareil économique de s’arrimer à de puissantes entreprises internationales qui, en plus de produire des biens et services en direction de la consommation nationale, vont introduire les technologies et le savoir-faire nécessaires à une production de qualité qui est susceptible d’être exportée, une phase ultérieure.

4.4- En guise de conclusions.

La crise économique, que le pouvoir actuel relie à la chute des prix de l’énergie sur le marché mondial, n’est en fait qu’une simple crise de gouvernance, entièrement dû à l’organisation rentière voire mafieuse, de notre appareil économique public et privé. En effet, lorsque les prix caracolés à 140 US$ le baril, il y a deux années, les taux de croissance ne dépassés pas les 2% à 3% par an, alors que les ressources financières englouties dans le processus d’investissement, notamment public, auraient dû nous permettre d’atteindre des taux de croissance avoisinant les 8% à 10%. Où sont donc passés ces taux de croissance de plus de 6 à 8 points ? Pour partie, ils ont été absorbés par les entreprises étrangères, auxquelles les pouvoirs publics ont confié la plupart des projets importants, pour le reste, ils ont été accaparés par la corruption généralisée d’une part et par le gaspillage à travers la réalisation de projets de prestige, d’autre part. Les pouvoirs publics sont restés sourd à tous les experts honnêtes qui annonçaient aux termes de leurs analyses, un retour de la conjoncture pétrolière, en les dénonçant comme des « ennemis et des traitres » de la nation. Refusant d’endosser la responsabilité de la situation actuelle, ils accusent la chute des prix du pétrole d’être à l’origine de la crise et plus grave encore, ils entretiennent l’illusion et caressent le faux espoir d’un renversement, à court terme, de la situation des prix des hydrocarbures (en organisant un colloque sur l’énergie, à Alger, le 27 septembre) et donc que la crise s’en ira aussi vite qu’elle n’était venue ! Enfin, comble de l’immaturité économique et politique les pouvoirs publics surfent sur le FRR (instrument financier anticonstitutionnel et illégal) en distillant des chiffres à géométrie variables sur son véritable contenu, feignant d’ignorer que ce dernier n’est qu’un solde comptable et qu’il est fort probable qu’il est été déjà engagé comptablement, sur des projet, en attendant que s’effectuent les paiements (puisque non budgétisé ce Fonds est mouvementé par simple décret présidentiel). Les mesures envisagées pour faire face à la crise créée par une mauvaise gouvernance depuis 1999, sont toutes inscrites sur le registre des contribuables et notamment les plus vulnérables (augmentation indirecte des prix à la consommation, impôts et taxes et diminution de la plus part des transferts sociaux), ce qui va se traduire par une paupérisation plus grande des classes moyennes et celles les plus démunies. La paix sociale est donc menacée et pour faire face les pouvoirs publics renforcent leurs moyens répressifs considérés comme un impératif vital pour la pérennité du pouvoir, faute de s’attaquer aux véritables causes structurelles qui sont fondamentalement d’ordre politique et de déficit démocratique flagrant.

(1) Les principaux producteurs de l’Opep devraient «poursuivre leur stratégie de maintien des parts de marché», prévoit l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), à moins de trois semaines de la très attendue réunion informelle de l’Organisation, prévue pour la fin du mois en cours à Alger.

(2) Les prix du pétrole repartent à la baisse en cours d’échanges européens, après avoir bondi la veille à cause d’une chute massive et surprenante des stocks de pétrole brut la semaine dernière aux Etats-Unis. Le baril de brent de la mer du Nord pour livraison en novembre valait 49,25 dollars sur l’InterContinental Exchange (ICE) de Londres, en baisse de 74 cents par rapport à la clôture de jeudi. Dans les échanges électroniques sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en octobre lâchait 66 cents à 46,96 dollars. Les prix du pétrole ont bondi jeudi après que l’EIA (Energy Information Administration, une antenne du département américain de l’Energie, ndlr) ait confirmé les rapports sur les réserves américaines de brut, lesquels annonçaient un déclin, le plus fort depuis 1999.

(3) Le Fonds de régulation des recettes épuisé totalement en 2018.

Selon certaines sources, le cadrage macroéconomique et financier de l’avant-projet de loi de finances pour 2017 a été confectionné sur la base du prix du baril de pétrole brut à 50 dollars. Le déficit global effectif du Trésor a atteint 1 768,984 milliards de dinars à fin juin 2016 selon les statistiques publiées par le ministère des Finances. Les recettes budgétaires effectivement recouvrées durant la même période sont estimées à 2 316,596 milliards de dinars. 883,138 milliards de dinars proviennent de la fiscalité pétrolière alors que les ressources ordinaires ont été évaluées à 1 433, 458 milliards de dinars. Quant aux dépenses budgétaires, elles ont atteint 4 100,286 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement sont estimées à 2 527,760 milliards de dinars et les dépenses d’équipements à 1 572,526 milliards de dinars. Ce qui donne un solde budgétaire déficitaire de 1 783,690 milliards de dinars. Selon le ministère des Finances, le solde des comptes d’affectation spéciale est évalué à 45,239 milliards de dinars. Le solde des opérations budgétaires affiche un déficit de 1 738,451 de dinars et les interventions du Trésor sont aussi déficitaires de 30,533 milliards de dinars. Du coup, le solde global du Trésor (solde exécution lois de finances), comprenant les soldes budgétaire, les comptes d’affectation et des opérations du Trésor ainsi que les interventions du Trésor, enregistre un déficit de 1 768, 984 milliards de dinars. Le ministère des Finances évoque cinq sources de financement du solde global du Trésor. Il cite les financements bancaires à hauteur de 21,062 milliards de dinars et non bancaires pour 98,400 milliards de dinars. Les prélèvements sur le Fonds de régulation des recettes ont atteint 1 333,847 milliards de dinars. Le ministère des Finances évoque aussi des emprunts extérieurs nets et l’emprunt national pour la croissance économique (317, 622 milliards de dinars). Pour rappel, selon la loi de finances pour 2016, les recettes budgétaires s’établiraient, en 2016, à 4 747,4 milliards de dinars, soit une baisse de 4,1% par rapport aux recettes prévues dans la loi de finances complémentaire pour 2015 qui comprenaient un revenu supplémentaire à caractère exceptionnel. Les dépenses budgétaires s’élèveraient en 2016 à 7 984,2 milliards de dinars, en diminution de 8,8% par rapport aux dépenses prévues dans la LFC 2015 (8 753,7 milliards de dinars). Les ressources du Fonds de régulation des recettes seraient épuisées totalement en 2018.

(4) Les cinq grandes recommandations du FMI à l’Algérie. Jean-François Dauphin, Chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour l’Algérie, s’est exprimé, mardi 9 août, sur sa récente visite dans le pays en juillet dernier. Il révèle notamment les cinq suggestions du FMI « pour doper les perspectives de croissance de l’Algérie ». Le premier pilier doit être un rééquilibrage budgétaire « visant à rétablir la santé de l’économie en résorbant les déficits public et extérieur ». Le second consiste en « de vastes réformes structurelles, des mesures qui contribuent à libérer le potentiel du secteur privé, à diversifier l’économie, et à favoriser durablement une plus forte croissance et davantage d’emplois ». Le FMI a émis cinq grandes suggestions « pour doper les perspectives de croissance de l’Algérie ». Elles concernent l’amélioration du climat des affaires en allégeant les lourdeurs bureaucratiques ; le renforcement de la gouvernance économique, la transparence, et la concurrence ; l’amélioration de l’accès au financement et développer les marchés de capitaux ; l’ouverture de l’économie aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers ; et enfin l’amélioration du fonctionnement du marché du travail.

(5) Des révélations faites ces derniers jours ont montré que le gouvernement d’A. Bouteflika est présentement le plus important problème de développement qu’a à surmonter l’Algérie. Dans son texte “EU’s energy hopes for Algeria tied to leadership change”, publié le 18 août dans Politico, Sara Stefanini constate que l’Algérie ne profite pas d’une importante voie de sortie de crise qui lui est offerte en raison de l’opposition de son gouvernement. Selon les faits révélés, la présence du président Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’État est un obstacle à une entente entre l’Europe et l’Algérie. Cette obstruction se ferait à deux grands niveaux, soit au législatif et à l’administratif. Au niveau législatif, son support de la règle des 51/49 % qui oblige toute entreprise étrangère de donner le contrôle de son investissement à un partenaire algérien est fortement critiqué. Côté administratif, le gouvernement algérien n’applique que la partie qui lui plaît de ses lois. Les législations telle la récente révision constitutionnelle qui donne à l’Algérie une allure de pays moderne sont sans effet sur le terrain où la corruption, le népotisme et le clientélisme règnent. Au niveau international, l’Algérie est devenue un des endroits les moins intéressants pour investir et développer de nouvelles ressources. Le fait que quatre mandats du gouvernement Bouteflika aient amené le pays à la 126e place sur 128 pays en 2014 n’est mentionné nulle part. Le document de la Banque mondiale sorti en fin juillet prévoit des réserves de change de 60 milliards de dollars en 2018. Cette situation avait fait dire au journal The Independent que l’Algérie risque la faillite dans moins de cinq ans. L’Algérie s’éloigne des principes d’une vraie démocratie tout en prétendant qu’il s’en rapproche. Selon les statistiques officielles du gouvernement, les hydrocarbures ont pour 2015 représentés 95 % du volume global des exportations. Cependant, en volume absolu, ces exportations représentent une diminution de 41% par rapport à l’année 2014. L’Algérie est donc face à une diminution du prix du pétrole et en même temps a une diminution du volume de la production vendue.

Communication du Dr Ammar Belhimer, Faculté de droit de l’université d’Alger I

à la Conférence Nationale Économique et Sociale

L’exigence de sécurité juridique et les obstacles à sa mise en œuvre

Le droit repose sur trois valeurs classiques : la sécurité, la justice et le progrès.

La sécurité juridique a été proclamée comme principe par les plus hautes juridictions de l’espace romano-germanique de droit écrit auquel nous sommes apparentés:

La Cour de Justice des Communautés Européennes ;

La Cour européenne des droits de l’Homme ;

La Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe érige la sécurité juridique en principe constitutionnel déduit du principe plus général d’Etat de droit ;

Le Conseil constitutionnel français : il consacre un véritable principe normatif de sécurité juridique dans sa décision 99-421 DC du 16 septembre 1999, JORF 22 décembre 1999 ; il énonce « l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ».

Le Conseil d’Etat français : CE Ass., 24 mars 2006, Société KPMG et autres, Recueil Lebon 2006, p. 154. Dans ses Rapports Publics de 1991 à 2006, le Conseil d’Etat recense trois causes d’insécurité : la prolifération ou l’inflation des textes ; l’instabilité des règles (la rétroactivité) ; la dégradation de la qualité de la norme ou les défauts de l’élaboration jurisprudentielle

La sécurité juridique concerne les modes d’expression et de réalisation du droit. Comme telle, elle assure la réalisation de l’ordre social qui va au-delà de la protection contre l’anarchie ou l’arbitraire : il œuvre au développement harmonieux des rapports entre les sujets de droit.

Les traits caractéristiques du concept sont empruntés à Thomas Piazzon[1].

L’impératif de sécurité juridique

La notion de sécurité juridique recouvre :

La sécurité du droit : sécurité des transactions en droit des contrats (respect de la force obligatoire, rejet de la lésion ou de la théorie de l’imprévision) ou sécurité des affaires en droit commercial (théorie de l’apparence ou mise à l’écart de la rétroactivité de la nullité en certaines espèces)

La sécurité des modes d’expression et de réalisation du droit

La sécurité des droits subjectifs des individus

Il y va du développement harmonieux des relations sociales.

Enfin, la sécurité juridique recoupe trois exigences du droit :

Accessibilité : le droit doit être clair et lisible

Stabilité du droit, des droits et des situations individuelles régulièrement constitués

Prévisibilité

Accessibilité

Elle intéresse au premier chef les sources du droit et constitue une des facettes de la sécurité juridique.

Accessibilité formelle d’abord, au sens de prise de connaissance matérielle ou physique des sources du droit qui ne doit pas être secret. Elle permet aux sujets de droit de prendre réellement connaissance de la règle de droit, d’accéder au corpus des règles juridiques.

L’accessibilité matérielle couvre le mode de diffusion et de publicité du droit.

Il ne suffit pas de découvrir et de lire le droit. Encore faut-il le comprendre. C’est la seconde dimension de l’accessibilité : l’accessibilité substantielle, au sens d’accessibilité intellectuelle, de compréhension du sens des règles. Elle couvre le mode d’expression du droit.

L’accessibilité intellectuelle de la règle correspond à son intelligibilité, sa lisibilité, sa clarté, sa compréhensabilité qui sont autant de déclinaisons de la qualité du droit.

A cette qualité et de fiabilité du droit s’attachent les exigences de simplicité et de précision : les sujets de droits prennent connaissance de leurs obligations de manière claire et précise. Il y va de l’effectivité des droits, de la réalisation d’un « droit au droit » dans un contexte de renforcement des fonctions du droit comme mode de régulation des rapports sociaux.

Illustration : le foncier industriel

Evoquant la question du foncier industriel, Mme Akroune Yakout insiste sur « l’’absence de définition légale (qui) a induit une sorte de flottement sémantique dans la pratique des institutions qui utilisent une pluralité de vocables pour désigner les terrains destinés à l’activité industrielle ; Il est tantôt question de ²foncier économique², tantôt de ²foncier destiné à l’investissement², tantôt de ²foncier industriel²[2].

« Foncier économique, au sens de l’article 1 de la loi n°90-25 du 18 novembre 1990, portant orientation foncière.

« Foncier destiné à l’investissement² est la définition du patrimoine foncier donnée par l’article 2 de la loi n°90-25 sus citée.

« Foncier industriel² : la loi n°90-29 du 1 décembre 1990 relative à l’aménagement et à l’urbanisme, modifiée et complétée, cite l’industrie comme une des trois fonctions du sol urbanisable, réparties entre l’habitat, l’agriculture et l’industrie.

Les notions sont utilisées indistinctement, l’une pour l’autre et parfois même de manière synchrone.

« Ce balancement sémantique résulte d’une organisation institutionnelle dans laquelle cohabitaient, avant leur fusion, en 2007, un ministère de l’industrie en charge des zones industrielles et zones d’activités qui revendiquait la gestion du ²foncier industriel² qui s’y localisait et un ministère chargé de la promotion de l’investissement, préoccupé par la rareté du foncier destiné à l’investissement, qui proposait l’utilisation de la notion plus large de foncier économique.

« Mais au delà de l’expression utilisée pour désigner les terrains destinés à l’implantation des activités industrielles, productrices de biens et de services, ce type de foncier, surtout lorsqu’il est rattaché au domaine privé de l’Etat ou des collectivités locales, est régi par un dispositif juridique spécifique qui a connu, ces dernières années, une réelle instabilité ».

Stabilité

Elle couvre aussi bien le droit objectif que les droits subjectifs.

Stabilité du droit objectif

Cette dimension couvre les sources du droit, principalement la loi et la jurisprudence Elle touche tant à la forme qu’au fond ou au sens des règles.

S’agissant du fond, la stabilité du droit tient à eux aspects : le respect de la hiérarchie des normes et la mise à l’abri de la règle contre toute remise en cause a posteriori au nom d’une règle de valeur supérieure (c’est l’assurance qu’elle est à l’abri de réactions intempestives), d’une part; l’absence de changement du contenu de la règle par celui qui a compétence pour la modifier (parce que le temps donne de l’autorité au droit), d‘autre part.

Un législateur prolifique et versatile a pour récompense l’ineffectivité de ses lois

Il y a va de la cohérence de l’ordre juridique et de la fiabilité du droit qui acquiert de la légitimité par sa continuité.

Illustration : la dictature de la circulaire

Bennadji revient sur les sources du droit dans notre pays en mettant l’accent sur le rôle de la circulaire « pré-formelle » comme mode de production privilégié de ce droit, des origines à nos jours (le ver est dans le fruit !)[3].

Concernant les origines, il conteste la thèse qui fait encore école, alors qu’elle ne lui paraît pas pertinente, et qui fixe comme point de départ de l’ordre juridique national la loi n 62-157 du 31 décembre 1962 tendant à la reconduction jusqu’à nouvel ordre (de fait, jusqu’en 1975) de la législation en vigueur au 31 décembre 1962, « sauf dans ses dispositions contraires à la souveraineté nationale » énonce son article 1er auquel l’Assemblée Constituante ajouta une seconde limite : l’exclusion des textes et dispositions d’inspiration colonialiste, discriminatoires ou attentatoires à l’exercice normal des libertés démocratiques.

Pour tous les historiens du droit cette loi a servi de socle à l’ordre juridique de l’Algérie indépendante de 1963 au 5 juillet 1975, date de son abrogation par l’ordonnance n 73-29 du 5 juillet 1973 – celle-ci faisant de cette abrogation « une nécessité absolue » et « un devoir impérieux et sacré ».

En réalité, le fondement premier de la reconduction de l’ordre juridique français en Algérie n’est pas la loi 62-157 du 31 décembre 1962, mais une instruction du président de l’Exécutif Provisoire, datée du 13 juillet 1962 et « superbement ignorée » jusqu’à nos jours. Voilà qui doit avoir « pour effet immédiat de faire descendre la célèbre loi du 31 décembre 1962 de son piédestal » et de la rabaisser à un simple « prolongement » de la dite circulaire.

Personne ne s’en offusque tant est prégnant le mépris général du droit dans une construction qui est loin de s’embarrasser de notre formalisme de juristes. En effet, aucun autre auteur que Mohamed Boussoumah ne fixe cette instruction comme matrice de « l’esprit des lois » dans notre pays. Il l’e feiat fait dans un ouvrage récent auquel nous avions consacré une chronique, « L’établissement public », avec le commentaire suivant : « «Dépourvu de légitimité populaire du fait de sa désignation par les deux signataires des accords (d’Evian-ndlr), l’Exéucutif provisoire ne veut pas s’immiscier dans une question émiunemment politique, touchant de surcroît à la souveraineté, en renvoyant son règlement à la prochaine ANC (assemblée nationale constituante) et au gouvernement provisoire qu’elle désignera »[4].

«Cette instruction du 13 juillet 1962 semble avoir été perçue par ses destinataires comme une injonction pour utiliser sans limite aucune le droit français en vigueur en Algérie à la date du 1er juillet 1962 », conclut M. Bennadji au terme d’un inventaire exhaustif qui permet de mesurer l’étendue et la profondeur de sa portée.

Les historiens du droit font remonter à un arrêt du Conseil d’Etat français du 29 janvier 1954 la distinction qu’introduit la jurisprudence administrative entre les circulaires interprétatives (« postérieures » à la loi) et les circulaires réglementaires (« antécédentes » à la loi).

La circulaire « pré-formelle » figure parmi les circulaires réglementaires, « antécédentes » à la loi, qui ont pour objet de combler un vide juridique, d’édicter du droit. Ses effets sur l’ordonnancement juridique sont alors énormes.

Chez nous, elle marque l’amorce d’un processus ininterrompu de violation du formalisme juridique, lui-même révélateur d’une lame de fond sur laquelle nous reviendrons plus loin. Certes, l’article 4 du décret n 88-131 du 4 juillet 1988 organisant les rapports entre l’administration et les administrés, interdit les circulaires pré-formelles, mais rien n’y fait, ce procédé de production ou de fabrication du droit n’a jamais cessé de renaître de ses cendres à la faveur, notamment, de la mise en place de la fonction de médiateur administratif auprès de chaque wali en 1998, des modes de gestion des services publics et de leur privatisation en 1994, de l’organisation de l’enseignement de Tamazight en 1995/1996.

Ahmed Ouyahia en fera également un usage inconsidéré, se substituant à tous les organes créateurs du droit : une première fois le 6 février 1996 lorsqu’il annonça dans un message à la nation sa décision de procéder à une retenue sur les salaires de tous les agents du secteur public pendant onze mois, avant de formaliser la retenue plus tard par deux circulaires – n° 7 du 6 février 1996 et n° 14 du 21 mars 1996 – précédant de quatre mois la loi de finances complémentaires du 24 juin 1996 ; puis une seconde fois en 2008 lorsqu’il bouleversa de fond en comble « l’équilibre global du code et du régime juridique des investissements étrangers » par trois instructions dont le contenu ne sera repris que bien plus tard dans des dispositions de valeur législative, notamment sous forme de « cavaliers budgétaires » insérés dans la loi de finances.

La circulaire pré-formelle a ainsi ouvert la voie à «un mode de régulation juridique quelque peu perverti eu égard à la place excessive qu’occupent les circulaires et autres instructions parmi les sources du droit ».

Pour notre confrère Chérif Bennadji, la systématisation du recours à la circulaire pré-formelle comme mode privilégié de création du droit est, à juste titre, un « révélateur efficient de la nature de l’Etat en Algérie ».

Cela est, par certains égards, l’expression d’un appareil administratif, au dessus des autres pouvoirs, « qui se rapproche davantage de l’Etat de police que de l’Etat de droit »

Le réflexe du mépris de la règle de droit, et son corollaire la sous-estimation de la caution juridique, ont tendance à pousser les pouvoirs en place à prendre des raccourcis autoritaires qui peuvent créer des situations de rupture dommageables au crédit même de forces qui, à défaut d’être dominantes, s’imposent comme étant dirigeantes et despotiques.

Au-delà, « l’Etat administratif » qui s’exprime à travers ce mode privilégié de création du droit résulte d’une double déficience : l’absence de pouvoir législatif et de justice indépendante. Le parlement est une chambre d’enregistrement ou de régularisation d’actes de l’exécutif, alors qu’il est sans cesse attenté à l’autonomie du pouvoir judiciaire. Le tout émanant d’une même source d’autorité et de pouvoir, d’essence policière, répressive et autoritaire.

Même dites autrement, les choses se ramènent souvent à cette amère réalité.

Stabilité des droits subjectifs

Les droits et situations individuels des sujets de droit gagnent en stabilité lorsque deux leviers majeurs sont pris en compte : la prescription et la non-rétroactivité. L’exigence exprimée ici est la protection des droits et situations constitués avant l’adoption de la règle nouvelle (non-rétroactivité) ou auxquels l’écoulement d’un certain laps de temps confère une valeur particulière (incontestabilité des situations en cause quelles que soient les prétentions des individus ou prescription).

Prévisibilité

A la différence de la stabilité attachée au respect du passé, la prévisibilité des actes et des comportements concerne plus précisément le futur.

Essence véritable du principe de sécurité juridique, l’idée de prévisibilité suppose, d’une part, que le droit soit accessible pour permettre aux individus de bâtir des prévisions juridiques (d’où l’accessibilité des règles de droit) et, d’autre part, que le droit se montre respectueux des prévisions déjà élaborée.

Le respect des prévisions contractuelles assure la sécurité des droits.

La prévisibilité poursuit deux objectifs : bâtir des prévisions et respecter des prévisions déjà bâties.

Bâtir des prévisions, c’est donner aux sujets de droit la possibilité de construire des prévisions individuelles juridiquement sanctionnées.

Le droit se propose ici de dissiper l’incertitude de l’avenir que peuvent générer les incohérences et les flous.

Respecter les prévisions volontaires régulièrement bâties trouve sa meilleure illustration dans la responsabilité civile contractuelle.

Le contrat est par définition un acte de prévision. Et la sécurité juridique s’entend du respect des prévisions juridiques des parties, de la protection de la confiance légitime des contractants.

Première illustration : le système comptable

Sarrab Larbi, Commissaire aux comptes Expert judiciaire agréé, donne une parfaite illustration du peu de prévisibilité attendu de normes contradictoires :

« Aux termes de l’article 4 du décret exécutif n° 08-156 du 26 mai 2008 portant application des dispositions de la loi n° 07-11, la comptabilité doit permettre d’effectuer des comparaisons périodiques et d’apprécier l’évolution de l’entreprise dans une perspective de continuité d’activité. Alors que suivant le code de commerce, la comptabilité a pour finalité de retracer de manière objective, conformément aux techniques réglementaires, l’évolution des éléments du patrimoine de l’entreprise.

Ce qui a induit une divergence de taille consistant à prendre en considération, pour l’une, le transfert des avantages économiques, et pour l’autre le transfert de propriété. En termes clairs, au bilan élaboré suivant le SCF, nous retrouvons des actifs dont la propriété n’a pas été transférée à l’entreprise. «

L’auteur de l’article relève par ailleurs, et à juste titre :

« Les bénéfices déterminés à la fin de chaque année pourront devenir une source de conflits entre les associés vu que le montant du bénéfice résulte non pas d’opérations comptabilisées sur la base de pièces justificatives probantes, mais sur la base d’estimations de valeurs fixées par les dirigeants de l’entreprise. Et ces mêmes causes peuvent engendrer des contestations quant à la situation patrimoniale de l’entreprise établie à travers un bilan élaboré par une telle comptabilité. Cette comptabilité tenue sans observation des formalités prescrites par le code de commerce risque de ne pas être admise par les juridictions en charge des infractions économiques et financières et les juridictions en charge des litiges en matière commerciale ou fiscale ».

Et de conclure :

« A défaut d’admission de cette comptabilité, le secteur de la justice doit-il instituer son propre système comptable répondant à ses besoins à l’instar du secteur des finances qui, pour les besoins de l’administration fiscale, a instauré des règles consistant à établir un bilan annuel quasiment purgé de tous les changements d’estimation réalisés conformément au nouveau Système comptable financier afin d’obtenir des bases imposables conformes au Droit fiscal ? »[5]

Seconde illustration : le droit de la propriété immobilière

Le droit de la propriété immobilière, réunit à lui seul, tous les facteurs configurant l’insécurité juridique, à savoir, l’absence de vision globale, la contradiction des textes circonstanciels, leur décalage avec la réalité et partant, leur inefficience.

Depuis 1970, le législateur a consacré le formalisme en matière immobilière. A cet égard, l’article 12 de l’ordonnance 70- 86 du 15 décembre 1970 portant fonction notariale, impose que les transactions portant transfert de droits immobiliers, soient passées en la forme authentique, sous peine de nullité. Ce texte a été repris in extenso en 1988 dans le code civil sous le numéro 324 bis1.

Pareillement, aux termes de l’article 29 de la loi portant du 18 novembre 1990 portant orientation foncière : « La propriété privée de biens fonciers et de droits réels immobiliers est établie par acte authentique soumis aux règles de la publicité foncière. »

Or, à l’évidence, cette rigueur de la loi se trouve être en total déphasage avec la réalité, la majorité des biens immobiliers, étant dépourvue de titres de propriété.

Devant l’impossibilité pour les citoyens de prouver leur qualité de propriétaires et conscients de l’importance socio-économique du foncier, les pouvoirs publics ont adopté des instruments juridiques à même de leur faciliter cette preuve. Les textes promulgués pour ce faire, s’inscrivent dans une démarche législative singulière, manquant de prospective. Le droit de la propriété foncière s’est construit par strates, les mécanismes juridiques proposés successivement et dans l’urgence, pour permettre la délivrance des titres de propriété, ont fait l’objet de textes circonstanciels, dictés par les impératifs socio-économiques de l’heure. Il en est ainsi notamment, de l’acte de notoriété, du certificat de possession et de la constatation et la délivrance des titres de propriété par voie d’enquête foncière.

Mais, voilà que ce formalisme consacré depuis 1970, est réduit à néant par le code de procédure civile et administrative promulgué en 2008, lequel a consacré un chapitre à la saisie des biens immeubles non publiés, dont l’article 766 dispose : « Le créancier peut… saisir les biens immobiliers non publiés de son débiteur, s’il détient une décision administrative ou un acte sous seing privé, dont la date est valide, conformément au code civil. »

Troisième illustration La qualité de la dépense publique

Les résultats de l’enquête périodique que réalise International Budget Partnership sur la transparence de la dépense publique apportent une autre lecture critique de première importance.

L’exercice associe 102 institutions de recherche et des organisations de la société civile du monde entier spécialisés dans les finances publiques. Il bénéficie du soutien du Département du Royaume-Uni pour l’aide au développement international (UKAid) et des Fondations Open

Society, Ford et William et Flora Hewlett. En Algérie, il a pour partenaire local l’Association nationale des finances publiques.

Le dernier rapport en date, paru sous le titre «Open Budget Survey 2015 (Open Budgets. Transform Lives)», insiste sur un enseignement majeur de l’enquête : «Des budgets ouverts peuvent transformer des vies.»[6]

De l’avis des rédacteurs du rapport, la responsabilité budgétaire repose sur trois piliers : la transparence, la participation et la surveillance (ou le contrôle parlementaire et judiciaire).

La transparence est une condition importante et nécessaire pour «assurer une discussion complète du budget et son suivi de façon appropriée ; elle n’est cependant pas une condition suffisante ; il reste à créer les conditions dans lesquelles les gouvernements sont toujours tenus de rendre compte de la gestion efficiente et efficace des fonds publics».

Les résultats escomptés d’une telle gestion sont largement tributaires «des opportunités significatives offertes pour les citoyens et la société civile de participer au processus budgétaire» et d’une «forte surveillance formelle» du pouvoir législatif et des instances suprêmes

d’audit et de contrôle» (style Cour des comptes).

Le «processus budgétaire» ainsi configuré permet la création d’un «écosystème de responsabilisation budgétaire solide». Les trois piliers évoqués ne sont pas dissociables car «sans information complète sur le budget, les institutions de contrôle officiel et la société civile ne

peuvent pas surveiller l’élaboration et la mise en œuvre de la politique budgétaire». De même que «l’accès adéquat (du public) aux espaces formels et informels pour exposer aux décideurs une diversité de points de vue» permet de mettre au point des politiques budgétaires «fondées

sur des informations complètes et refléter les priorités nationales».

Enfin, si elles ne sont pas dotées d’un pouvoir réel, de prérogatives larges et de ressources suffisantes, «les institutions formelles de surveillance ne peuvent pas s’acquitter efficacement de leurs mandats et assurer que les fonds publics sont perçus et dépensés de la manière

souhaitée». Ce sont là les parades idoines à la corruption et la mauvaise gestion

des fonds publics.

L’appréciation que donne l’Open Budget Index 2015 du «processus budgétaire» en Algérie est extrêmement sévère. L’Algérie est affectée d’une appréciation critique : «Insufficient or None (0-20) », c’est-à-dire «insuffisant ou nul», avec une note de 0 à 20 sur un total de 100, la situant au même rang que le Soudan, le Niger ou le Tchad.

Par comparaison, les meilleurs scores (81-100) sont attribués à la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Norvège, les Etats-Unis et l’Afrique du Sud.

Combien de pays obtiennent une note insuffisante pour les trois piliers de la responsabilité du budget (la transparence, la participation, et les deux mesures qui couvrent la surveillance – du Parlement et de la Cour des comptes), s’interroge ensuite le rapport sur 32 pays dont

Algérie. L’état critique dans lequel se trouveraient nos finances publiques donne alors une signification particulière aux recommandations qui nous sont formulées, au titre de chacun des trois piliers.

S’agissant d’abord de la transparence, il est recommandé de «publier davantage d’informations». A ce titre, il est conseillé comme un «besoin urgent d’augmenter le nombre des documents budgétaires qui sont publiées en temps opportun». Priorité reste à donner «à la publication de

documents qui sont actuellement produits à usage interne, pour être mis à la disposition du public à un coût minime».

Notre confrère de la Faculté de droit, Tahar Bouara, l’a déjà écrit en 2006 dans sa thèse de doctorat portant sur «la loi de finances en Algérie» : «Dans le contexte algérien, la tendance à l’emprise du droit sur les finances publiques n’a pas été remarquable ; une constatation qui laisse penser que les raisons historiques propres à l’Algérie n’ont pas permis la prévalence du droit en matière budgétaire».

Son étude approfondie de la loi de finances dans notre pays indique qu’elle ne s’est jamais départie d’une double «tare» congénitale : son décalage avec le droit et l’absence de mécanismes de contrôle qui donnent à la représentation parlementaire un droit de regard tatillon sur les finances publiques.

Nombre de difficultés ont en effet «empêché» ou retardé l’emprise du droit sur les finances publiques et il convient instamment de les combler. Par ailleurs, il est recommandé que soient «institutionnalisés les gains en matière de transparence», au moyen de «l’intégration des pratiques de transparence dans les lois, les règles et procédures».

Au titre de la participation, il est attendu l’ouverture «d’espaces formels de participation du public dans le processus budgétaire» aux stades législatif, exécutif, de suivi et de contrôle. De même qu’il est espéré «davantage de possibilités de participation du public» par des «approches novatrices» et des «exemples concrets» (budgétisation participative et audits sociaux) qui multiplient et élargissent les contributions du public lors de la formulation et la mise en œuvre du budget. Au stade législatif, il est proposé «des audiences publiques sur le budget au cours desquelles le public est autorisé à témoigner».

Au titre du contrôle, les résultats de l’enquête montrent que les institutions en charge de cette fonction, réputées sévères dans certains pays, «ont tendance à avoir plus de portée et d’autorité pour mener à bien leur rôle dans la tenue des comptes du gouvernement et la protection des ressources publiques» lorsqu’elles associent les citoyens et la société civile.

Autre mesure attendue : la sécurisation de l’indépendance de l’institution supérieure de contrôle, y compris par un financement adéquat, afin de renforcer les processus d’audit.

Les obstacles à la sécurité juridique

On impute à deux grandes séries de facteurs techniques l’insécurité juridique en vigueur (un grave déficit de légistique et un bijuridisme enfanté par un bilinguisme inavoué). On donnera également un bref aperçu sur les raisons liées aux faiblesses attachées à la construction inachevée de l’Etat de droit.

Un grave déficit de légistique

Il reste beaucoup à faire en matière de légistique, une discipline que les «nouveaux juristes» chérissent tant et sur laquelle il n’est pas inintéressant de revenir.

Une loi ne vaut que par son application et il faut prendre garde d’édicter des textes qui restent sans suite. Il y va de l’effectivité des lois, de la crédibilité de leur émetteur et, au delà, de tout l’Etat.

Le droit ne se définit-il pas aussi par la sanction et, bien plus, par l’applicabilité de la sanction ? C’est ici que s’exprime mieux le grave déficit de légistique que nous soulignons. Par cette expression, les juristes désignent «une “science” (science appliquée) de la législation, qui cherche à déterminer les meilleures modalités d’élaboration, de rédaction, d’édiction et d’application des normes».

L’idée est d’assurer l’élaboration de lois mieux adaptées, mieux acceptées, et donc mieux appliquées. A défaut, c’est la porte ouverte au rejet, par intérêt ou par ignorance. Parce qu’une certaine idée, même illusoire, que le respect de la loi est le corollaire d’une certaine idée de la démocratie, on ne peut faire impunément l’impasse sur les aspects séquentiels. Il ne suffit pas à un système juridique d’être bien intentionné ; encore faut-il qu’il fonctionne en tant que tel.

Le premier risque qui guette le producteur de la norme est la surestimation de la vertu opérative de la seule affirmation juridique, alors que la loi ne peut pas tout si les conditions sont telles que l’on ne peut en imposer l’application, soit que les obstacles soient trop forts, soit que le soutien soit trop faible.

Il reste à circonscrire les raisons qui nous poussent à faire preuve d’un stakhanovisme législatif démesuré pour produire des textes qui n’intéresse que la doctrine (et encore !).

Le réflexe de rejet, de protestation, peut alors l’emporter. A l’inverse, la sous-estimation de la caution juridique peut amener le pouvoir à prendre des raccourcis autoritaires qui peuvent créer des situations de rupture dommageables au crédit même des forces dirigeantes.

Voici donc venue l’heure de réhabiliter la légistique, une discipline dans laquelle nous ressentons un déficit récurrent, dû à la précipitation, la faible maturation des textes et des projets, le peu d’égard que nous manifestons au respect de la norme que nous nous empressons d’émettre. Plus profondément, ce déficit traduit un mépris de la législation, du droit, de l’ordre.

Pourquoi manifesterait-on de l’intérêt aux meilleures modalités d’élaboration, de rédaction, d’édiction et d’application des normes juridiques lorsqu’on s’inscrit dans une démarche systémique qui les ravale au statut de décorum.

La discipline de la légistique s’est progressivement imposée du fait du besoin d’assurer l’élaboration de lois mieux adaptées, mieux acceptées, et donc mieux appliquées et plus contraignantes.

Toute autorité respectueuse de soi d’abord, de ses prérogatives ensuite, ne peut faire impunément l’impasse sur les aspects séquentiels de son système juridique : parce qu’il ne suffit pas de répondre à un besoin, d’être bien intentionné.

Un partenaire exigeant attendra du pays d’accueil davantage une stabilité, une transparence et une lisibilité de ses normes que des exonérations ponctuelles et discrétionnaires.

Au-delà des obstacles ou des soutiens dont peut souffrir une loi dans son application, cela n’autorise pas, a contrario, le recours aux raccourcis autoritaires qui peuvent créer des situations de rupture dommageables au crédit même des intérêts dirigeants. Il y va de leur crédibilité.

Les effets du bijuridisme

Le bijuridisme manifeste enfanté par le bilinguisme juridique inavoué a pour conséquence première et directe de mettre en cause l’effectivité de la règle de droit et, incidemment, la sécurité juridique, faute de « définitions suffisantes ».

Des travaux récents ont mis en évidence la relation entre la faible effectivité de la règle de droit, d’une part, et la traduction du français à l’arabe et la divergence des grilles de lecture, d’autre part[7].

La traduction est érigée en technique d’élaboration du droit.

Le recours systématique à la traduction comme mode d’élaboration du droit a pour caractéristiques principales « la polysémie du vocabulaire juridique, l’absence d’unification des concepts juridiques et la traduction selon des référents décalés par rapport au texte initial »[8].

Les conclusions du recensement des concepts juridiques et de leur définition en langue arabe dans les textes relatifs au droit civil, au droit foncier et au droit de la consommation mettent en lumière le manque de précision de la terminologie. Il s’ensuit « une lecture complètement décalée de la règle juridique (doctrine) et une application divergente ou hétérogène (jurisprudence »[9].

L’Etat de droit en construction

«Le rapport sur l’Etat de droit dans le monde», publié par l’ONG World Justice Project (WJP), est un exercice inédit de quantification et de mesure de l’effectivité de la norme juridique dans différents Etats.

Cette vaste enquête de l’ONG World Justice Project[10], résultat de 97 000 entretiens individuels dans 97 pays et de 2 500 experts politiques à travers le monde, établit un classement en fonction d’un indice 2012 de l’Etat de droit. Compte tenu de l‘intérêt qu’elle présente, la méthode mérite qu’on y prête attention, même si elle ne couvre pas notre pays.

L’ambition affichée est d’offrir «une image globale de la mesure dans laquelle les pays se conforment à la règle de droit, non pas en théorie mais en pratique» et de mettre au point «une définition pratique de la primauté du droit». Des indicateurs de performance sont mis au point pour avoir «une image globale et multidimensionnelle de la situation de l’Etat de droit dans chaque pays».

Plutôt que de fixer les lois, les acteurs, ou les compromis institutionnels, la règle WJP cible «les situations courantes qui se produisent dans la vie des gens et qui sont directement influencées par le degré de primauté du droit dans la société». Elle couvre «neuf dimensions de la primauté du droit» : les limites aux pouvoirs du gouvernement, l’absence de corruption, l’ordre et la sécurité, les droits fondamentaux, l’ouverture ou l’accessibilité au gouvernement, l’application de la réglementation, la justice civile, la justice pénale et la justice informelle.

Des sous-facteurs, construits à partir de plus de 400 variables tirées des évaluations du grand public (1 000 personnes interrogées par pays) et des experts juridiques, vont expliciter ces neuf critères d’évaluation de l’Etat de droit.

L’Etat de droit trouve sa première expression dans l’existence d’un gouvernement qui jouit de prérogatives limitées – non absolues. Il en est ainsi lorsque lesdites prérogatives sont définies dans la loi fondamentale, si elles sont effectivement limitées par le législateur et par le pouvoir judiciaire et si elles sont soumises à examen et vérification indépendants, ainsi qu’à des contrôles non gouvernementaux, si les fonctionnaires sont sanctionnés pour les fautes commises, et si l’alternance au pouvoir obéit à la force de la loi et non à la loi de la force.

Le second critère, l’absence de corruption, mesure si les agents de l’Etat (fonctionnaires du gouvernement, de la justice, du Parlement, de la police et de l’armée) ne peuvent pas utiliser leurs fonctions publiques à des fins privées.

Le troisième facteur mesure l’ordre et la sécurité. Il permet de savoir si la criminalité est «effectivement sous contrôle», si la guerre civile est «effectivement limitée», et si les gens ne recourent pas à la violence pour résoudre leurs griefs personnels.

En quatrième lieu intervient l’effectivité des droits fondamentaux, mesurée à l’aune de : l’égalité des chances et l’absence de discrimination, la garantie du droit à la vie et à la sécurité de la personne, des procès réguliers dans le respect des droits de la défense, la garantie effective de la liberté d’opinion et d’expression, de croyance et de religion, de réunion et d’association, et des droits fondamentaux du travail, ainsi que l’absence d’immixtions arbitraires dans sa vie privée.

Cinquièmement : un gouvernement ouvert, accessible et transparent. Cela signifie que les lois sont rendues publiques et accessibles et qu’elles sont stables, que le droit de pétition contre le gouvernement et la participation du public sont garantis, que l’information officielle est «disponible à la demande».

Sixièmement : l’exécution de la réglementation. Au titre de cet indice, on s’assure que la réglementation est effectivement appliquée et respectée, sans influence indue, que les procédures administratives sont «réalisées sans retard déraisonnable» et que l’expropriation pour cause d’utilité publique s’exerce en contrepartie d’une «compensation adéquate».

Septièmement : la justice civile. L’indice apprécie dans quelle mesure les justiciables peuvent accéder à une justice civile non discriminatoire, exempte de corruption, sans interférence excessive du gouvernement, soumise à des délais raisonnables et effectivement appliquée.

Huitièmement : la justice pénale. Elle est d’autant plus performante et appréciée que son système d’enquête et d’instruction est efficace, que l’arbitrage criminel est rapide et efficace, que le système correctionnel est efficient pour réduire les comportements criminels. Aussi, un système pénal est d’autant mieux apprécié qu’il est impartial, exempt de corruption, hors de toute influence nocive du gouvernement, entièrement dévoué à l’application régulière de la loi et au respect des droits de la défense. Neuvièmement, la justice informelle. L’indice apprécie si elle est rapide et efficace, impartiale et libre de toute influence inappropriée, et si elle protège les droits fondamentaux. Les pays d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest occupent, sans surprise, la tête du classement pour l’efficacité de leurs systèmes judiciaires, le niveau minimal de corruption, la protection des droits et la responsabilité de leurs gouvernements. A l’exception de la Norvège, des Pays-Bas et de l’Allemagne, ils sont néanmoins pointés du doigt pour leurs retards dans les procédures judiciaires, les discriminations policières à l’encontre des minorités, ainsi que leur «grande faiblesse» en matière d’accès à la justice civile. La France et le Canada sont critiqués pour les retards dans les procédures civiles et pénales et les discriminations contre les immigrés et les pauvres. En France, le rapport déplore aussi des discriminations religieuses. Il en est de même pour les Etats- Unis qui souffrent d’une «inégalité de traitement» pour les étrangers et les minorités ethniques ainsi qu’une aide juridique «souvent trop chère et inaccessible», marquée par un «fossé entre riches et pauvres». Notre pays ne fait pas partie de la liste examinée. Le rapport attribue aux sept pays du Moyen-Orient et d’Afrique évalués «les plus mauvaises notes en matière de droits fondamentaux en raison des restrictions sur la liberté de religion et d’expression et des discriminations à l’encontre des femmes et des minorités». Le Liban, les Emirats arabes unis, le Maroc, la Tunisie et l’Iran affichent des manquements à différents niveaux d’expression de l’Etat de droit.

A l’évidence, la justice participe de la bonne gouvernance. La sécurité juridique est également tributaire d’une justice indépendante, solide et stable. Il s’agit de construire ou de reconstruire un lien de confiance entre les citoyens et la justice. Cet objectif ne saurait être atteint sans une stabilité dans l’application des normes, matérialisée par la jurisprudence. Or, force est de constater, que la somme des décisions rendues par nos juridictions ne pourrait être qualifiée comme telle. Les lois sont diversement appréciées et donc non appliquées uniformément.

[1] Thomas Piazzon, La sécurité juridiques, Edition Alpha, Paris 2010, 625 pages.

[2] AKROUNE Yakout, 2013. Le foncier industriel en Algérie : localisation et modes d’accès, séminaire sur la propriété, In Ammar Belhimer – Yazid Benhounet – Ali Fillali, La propriété et le droit, Colloque de Faculté de droit, Université d’Alger I. Recueil à paraître dans la Revue algérienne des sciences juridiques économiques et politiques, Alger.

[3] Cherif Bennadji, Aux origines du système juridique algérien, in « Les univers du droit, Mélanges en hommage à Claude Bontems », Textes réunis par Brigitte Basdevant et Nathalie Goedert, Collection Presses Universitaires de Sceaux, 2013, pp. 77-92.

[4] Mohamed Boussoumah, L’établissement public, OPU, Alger 2012, pp. 19-20.

[5] Sarrab Larbi, Commissaire aux comptes Expert judiciaire agréé, El Watan 29 octobre 2012, supplément économique, page VII.

[6]International Budget Partnerhip, «Open Budget Survey 2015 (Open

Budgets. Transform Lives) », Washington DC, septembre 2015, disponible

en anglais sur www.internationalbudget.com

[7] Ghenima Lahlou-Khiar, 2012. « Le bilinguisme juridique en Algérie et l’effectivité de la règle de droit », in Didier Baisset – Ali Fillali, Le bilinguisme juridique dans les pays du Maghreb. Colloque international. Perpignan 2 et 3 avril 2012. Alger. CFDCM, p. 270-297.

[8] Ibid, p. 285.

[9] Ibid. 295.

[10] www.worldjusticeproject.org

Communication de Mohand Amokrane Chérifi, Membre de l'Instance présidentielle du FFS

Introduction politique au débat économique et social

1-La réponse aux questions économiques et sociales est avant tout d’ordre politique

La réponse aux questions économiques et sociales est avant tout d’ordre politique, car le système est la source des problèmes.

Ceux qui font la décision au sein du système le savent bien mais ne semblent pas disposés à engager sérieusement les réformes politiques permettant à la population de choisir démocratiquement ses institutions, ses dirigeants et son programme, et ce, pour une raison bien simple. Si rien ne bouge, c’est parce que le statu quo maintient les équilibres internes et arrange ses principaux partenaires occidentaux qui apportent leur soutien.

Les partisans de cet immobilisme considèrent qu’aucune menace sérieuse, interne et ou externe, ne peut mettre en danger le système car le système se sent fort de son Administration, le vrai parti du pouvoir, qui quadrille tout le pays, contrôle la société et les résultats des élections, fort de ses Services de sécurité, notamment de sa police qui a multiplié ses effectifs et modernisé ses équipements, qui dissuade toute manifestation pouvant porter atteinte à l’ordre public, fort également du soutien de la communauté internationale ayant des intérêts économiques dans le pays..

Il se sent si fort qu’il n’estime pas utile d’utiliser les médiations politiques et syndicales pour gouverner. Il les ignore carrément, car le mécontentement populaire ne menace pas la stabilité du régime, et ce, aussi longtemps que perdure le système qui favorise la corruption actuelle : l’absence d’Etat de droit, d’une véritable fiscalité, le monopole sur les importations, la généralisation du commerce informel.

Pour le système, il n’y a rien à craindre des émeutes quotidiennes, elles ne sont porteuses d’aucun projet politique. En général ces émeutes, les autorités parviennent à les éteindre par des expédients financiers dans certains cas et la répression dans d’autres cas. Tout est fait pour empêcher la société de fédérer ces mouvements de contestation. L’énergie des jeunes, passe entièrement dans la recherche des moyens d’émigrer outre mer. L’explication en revient à l’économie de rente et l’absence de système productif capable d’offrir des emplois en nombre suffisant.

En vérité, la redynamisation de l’appareil de production et sa diversification supposent la fin de l’économie d’importation, qui alimente la corruption et contribue à assurer la pérennité du système politique. Ce n’est donc pas pour demain, car les conditions de cette diversification, visant à substituer à la manne pétrolière la valeur ajoutée du travail productif, passent par un changement politique. Or ceux qui font la décision au sein du système en ont conscience et font tout pour éviter l’émergence d’une vraie alternative politique en divisant l’opposition et en marginalisant la société civile autonome.

Fort du soutien des pays Européens et des Etats Unis, à qui il assure d’une part l’approvisionnement en pétrole et gaz, un code des investissement libéral avec l’ouverture sans contrepartie du marché et, d’autre part, une collaboration active dans la lutte contre le terrorisme et l’émigration illégale, mais n’ayant pas la confiance du peuple, le système est malgré tout en état de faiblesse donc facile à influencer et à manœuvrer.

Les intérêts occidentaux et ceux du système convergent donc pour que rien ne change, car une alternative réellement démocratique constitue pour eux une perspective pleine d‘incertitude, avec le risque de remise en cause des rentes de situation politiques et économiques.

Partant de cette analyse, le discours officiel met l’accent sur la stabilité du pays, la poursuite de son développement économique et de son modèle social de protection des plus démunis, persuadé qu’après un demi-siècle de gestion autoritaire de la société, une telle politique avec quelques ajustements démocratiques de façade, et une alternance clanique, va encore maintenir le système inchangé pour longtemps.

Pas pour longtemps car nous avons changé d’époque.

Si deux générations ont vécu sans avoir pu exercer pleinement leur droit à l’autodétermination, ni joui de toutes les libertés démocratiques et de la protection d’un Etat de droit, la 3ème génération actuelle mieux informée de ses droits de citoyens ne se laissera pas faire passivement comme leurs grands parents et parents.

De plus la réalité est toute autre et rend inévitable un changement de système à plus ou moins brève échéance. Changement il y’aura, sans aucun doute. La question est : sera-t-il pacifique ou violent.

Le changement est inéluctable, car notre analyse s’appuie:

Sur l’Histoire universelle qui voit triompher sur tous les continents la démocratisation des pays et l’établissement d’Etats de droit respectueux des libertés et des droits de l’homme, mouvement irréversible qu’aucune manoeuvre ne peut ni arrêter, ni retarder indéfiniment.

Sur les aspirations du peuple algérien à vivre dans un Etat de droit et son attachement viscéral aux valeurs démocratiques, à la souveraineté et à l’unité nationale, à l’indépendance du pays, à l’intégrité du territoire et à la préservation de ses ressources.

Sur les limites du système actuel qui ne pourra pas compter indéfiniment ni sur les ressources financières pour se légitimer socialement, car les ressources baissent et les besoins grandissent, ni sur la force car il y’a une limite à l’autoritarisme et à la répression pour gérer des conflits politiques ou des revendications sociales.

Sur l’évolution du rapport de force dans le pays en faveur du changement, sous la pression conjuguée de la population, et de la communauté internationale anticipant cette évolution.

Considérant le changement inéluctable, nous le voulons pacifique, c’est le but poursuivi par notre projet de reconstruction d’un consensus national autour de l’Etat de droit, de la démocratie et du développement durable, qui éviterait au pays le risque de violences incontrôlables pouvant conduire au chaos et à des interventions étrangères.

Nous sommes confiants. Notre démarche de reconstruction du consensus national s’inscrit dans le temps en visant à mettre en mouvement la société. Nous considérons qu’elle est la seule à même de contrecarrer la stratégie du statu quo. L’opposition à notre démarche par les tenants du système actuel montre bien que nous sommes sur la bonne voie et qu’il faut persévérer dans ce sens en mobilisant les citoyens, le mouvement associatif autonome et tous les acteurs du changement.

Guidé par les enseignements de notre Cher Président Hocine Aït Ahmed, Allah Y Rahmou, qui nous a tracé la voie, fixé le cap, armé de valeurs et d’une double éthique à la fois de conviction et de responsabilité, nous sommes plus que jamais déterminés à réaliser ce consensus et à honorer les idéaux pour lesquels se sont sacrifiés nos martyrs de la liberté et de la démocratie.

2-Le temps presse car la situation est alarmante

Sur le plan social

Une rentrée difficile attend ceux qui ont un emploi: la précarité, un pouvoir d’achat en baisse avec de nouvelles taxes, la dévaluation du dinar et l’inflation en hausse, le recul des subventions aux biens et services essentiels.

Un chômage en progression, avec les nouveaux arrivants sur le marché du travail, dont des jeunes diplômés, qui viennent s’ajouter au million de chômeurs de longue durée, La jonction des jeunes chômeurs avec les anciens devient explosif. Sans la solidarité familiale, le seul exutoire reste le travail informel, l’émigration clandestine, le travail des enfants, le vol et les trafics en tous genres, la mendicité et la prostitution.

La protection sociale et la création d’emplois sont nettement insuffisantes. Avec le recul de l’investissement et le projet d’un nouveau code du travail qui faciliterait les licenciements et limiterait le droit de grève, la situation va empirer, Si l’on ne mesure pas la gravité de la situation et y répondre par le dialogue et la participation, la colère qui monte et les protestations qu’elle engendre feront place à la révolte, voire au chaos qui risque de conduire à une reprise en main autoritaire du régime, scénario qu’ont connu d’autres pays,.

A notre connaissance, au lieu d’un dialogue constructif avec les partis politiques représentatifs et les mouvements associatifs autonomes, les seules réponses mises en œuvre sont le renforcement des forces de police, les intimidations et les arrestations, la peur instillée par des démonstrations de force, et surtout le contrôle des medias et la marginalisation de l’opposition avec le nouveau code électoral et la fraude annoncée.

Sur le plan économique,

Les thématiques soumises à votre débat mettent l’accent sur les échecs du système et son incapacité à faire face aux conséquences de ses mauvais choix et de sa mauvaise gouvernance, pour ne citer l’austérité comme seule réponse à la baisse du prix de l’énergie qu’il n’a pas anticipé, la montée de l’informel qui marque la faillite du système à mettre en place une réforme fiscale à même d’insérer ce secteur dans l’économie, la destruction des classes moyennes dont les professions sont dévalorisées dans l’échelle sociale et sur le plan financier. L’ingénieur, le médecin, l’enseignant, sont moins considérés que les nouveaux riches qui ont bâti leur richesse sur le trafic et la corruption,

Les politiques publiques, pour ne pas dire anti public, réduisent l’accès de tous aux services sociaux de base et ne font plus de l’entreprise économique nationale le moteur du développement, faisant plus confiance au capital privé international pour assurer le développement du pays. Alors que le développement national ne peut être assuré par des investissements directs étrangers dont la finalité est la recherche du profit à court terme sans soucis de l’impact de leurs investissements sur l’emploi et la formation, le bilan devises, les disparités territoriales ou la protection de l’environnement, guidée avant tout par la rentabilité financière avant la rentabilité économique et sociale.

3-Un nouveau modèle de croissance est la mauvaise réponse du système à cette situation.

Le nouveau modèle de croissance économique du système, présenté comme la solution miracle pour sortir le pays de la crise, est inapproprié et inapplicable en l’absence d’un changement du système politique. Non adossé à une stratégie et à un plan d’action daté et financé, il n’ouvre pas la voie à un développement durable.

Par définition la Croissance n’est bénéfique que si elle est compatible avec le Développement durable. Alors que le Développement vise le bien être des citoyens, mesuré par l’IDH (Indice de Développement Humain), indicateur de l’augmentation du pouvoir d’achat, de l’espérance de vie, du niveau d’éducation et de la qualité de l’environnement, la Croissance ne s’intéresse qu’à l’évolution du Produit Intérieur Brut ( Y) que l‘on obtient en additionnant la consommation des ménages (C), l’investissement (I) et les dépenses publiques (G) et qui ne prend en considération ni le progrès social, ni la préservation de l’environnement.

Se fixer comme objectif la croissance économique et considérer le social et l‘environnement comme valeurs résiduelles, c’est tourner le dos au développement durable qui, dans une démarche systémique, considère en même temps et accorde la même importance à l’économie, au social et à l’environnement.

De plus, ce modèle conçu d’en haut fait table rase du passé, efface les échecs d’hier sans en tirer les leçons et se fixe des objectifs qui ignorent les réalités économiques, sociales et environnementales de notre pays et les défis futurs, et qui, prenant appui sur des schémas théoriques importés, visent à façonner une autre réalité, abstraite et étrangère à notre histoire et à notre société.

Impossible à appliquer sur le terrain pour réaliser un développement durable, car les raisons à cela sont nombreuses :

Non adhésion des citoyens, des acteurs de la société civile et des partis politiques représentatifs, non consultés.

Gouvernance centralisée, avec un système de décision lent, opaque et non démocratique.

Sous-traitance du développement à des firmes étrangères, à la recherche d’une rentabilité financière immédiate, sans garanties économiques et sociales

Acte d’investissement contrarié sur le plan des procédures, du financement et de la corruption.

Financement des programmes non garanti

Indépendamment de ces facteurs, il est une vérité qui transcende le tout. Le système et les partis qui le soutiennent, n’ont pas la légitimité nécessaire et donc l’appui de la population pour le réaliser à cause de l’austérité qu’il implique.

Seul un consensus politique autour d’un programme commun visant à construire un Etat de droit, la démocratie et un développement durable qui promeut simultanément le développement économique, le progrès social et la sauvegarde de l’environnement, a des chances de sortir le pays de la crise et de le protéger des menaces extérieures qui pèsent sur sa sécurité, ses ressources et son intégrité territoriale.

4-Un consensus autour du développement durable est un facteur de stabilité interne et de dissuasion externe.

Cette conférence vient à point nommé pour préciser le diagnostic et prescrire une médication voire une chirurgie pour guérir le pays de ses nombreux maux.

A cet effet, je rappelle à votre bienveillante attention que la résolution économique de notre Congrès est centrée sur le développement durable. Son caractère exhaustif et pédagogique, je dirais trans-partisan, peut apporter un éclairage à vos travaux. Datant de 2013, ce document prend appui sur les retards accumulés dans le domaine économique, social et environnemental dans notre pays tout en s’inspirant d’expériences à succès de pays étrangers ayant connu des avancées notables dans ce domaine en intégrant dans leur stratégie et planification nationale les 17 Objectifs de Développement Durable adopté par l’AG de l’ONU en septembre 2015.

L’Algérie qui a pris l’engagement de les mettre en œuvre, au même titre que les autres pays, et d’en rendre compte annuellement de leurs progrès devant les Nations Unies, ne les a pas considéré, en tant que tels, dans son modèle de croissance et n’a pas encore démarré ni l’information nécessaire pour sensibiliser et mobiliser l’opinion autour de ces objectifs, ni la formation appropriée des cadres au niveau central et local pour leur concrétisation. Par ailleurs, ils n’ont pas engagé les concertations avec les collectivités territoriales, le secteur privé et les parties prenantes représentant la société civile, appelés à jouer également un rôle clé dans la mise en œuvre.

De quoi s’agit-il ? Partant du constat que la pauvreté, les inégalités, la dégradation de l’environnement, l’impact des changements climatiques, portent atteinte aux droits de l’homme et menacent la paix et la sécurité dans le monde, la communauté internationale a convenu d’agir chacun dans son pays et tous ensemble pour orienter leur politique, économique, sociale et environnementale pour un développement durable. En annexe, la liste des Objectifs du Développement Durable.

Pour ne citer qu’un des objectifs ayant trait à la préservation de l’environnement qui préconise notamment la prise d’urgence de mesures pour lutter contre les changements climatiques, la lutte contre la désertification, la gestion durable des forêts, la préservation de l’écosystème et de la biodiversité, une meilleure qualité de vie avec un assainissement urbain et des espaces verts, le retard de notre pays dans ce domaine est considérable. Il suffit d’observer nos villes, nos campagnes submergées par des tas d’ordures ménagères, nos rivières polluées par des décharges sauvages et asséchées par des pilleurs de sables, nos forêts déboisées et détruites partiellement par des incendies chaque été faute d’entretien, de prévention et de reboisement.

Des espaces verts sont bitumés, des parcs nationaux détournés de leur vocation. La faune et la flore si riches dans le passé s’appauvrissent car non protégées.

De nombreux oiseaux migrateurs ont boycotté notre pays car leur habitat a été détruit par une urbanisation sauvage. Bientôt, nos enfants devront consulter des livres ou aller dans des zoos pour découvrir ces espèces qui auront disparu de notre pays.

Je tiens à rendre hommage aux associations de défense de l’environnement qui se créent dans nos communes, qu’il faudra encourager et soutenir dans leurs revendications auprès des pouvoirs publics pour prendre des mesures de sauvegarde, adopter une réglementation qui pénalise les pollueurs et des programmes scolaires pour sensibiliser les jeunes à la nécessaire protection de la nature.

Le reste des objectifs du développement durable gagnerait à faire l’objet d’une session spéciale car riche d’enseignements pour les acteurs politiques, économiques et sociaux.

Je reviens donc à vos travaux que je considère comme essentiels dans le processus de reconstruction du consensus national dans le domaine économique, social et environnemental. Mettons nous d’accord sur un certain nombre de mesures essentielles à prendre dans ce domaine, à court, moyen et long terme. Ces mesures nous serviront à amorcer le dialogue politique avec les principaux acteurs concernés, dans et hors du système, en vue de parvenir à une plateforme consensuelle, qui permettra de moderniser le pays et de l’armer face à l’adversité.

Il ne me reste qu’à vous souhaiter un plein succès à vos travaux.

Je vous remercie de votre attention

*Membre de l’Instance présidentielle du FFS

Annexe

Liste des Objectifs du Développement Durable

Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ;

Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable ;

Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien être de tous à tout âge

Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité sur un pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ;

Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ;

Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ;

Garantir l’accès de tous à des services énergétiques stables, durables et modernes à un coût abordable ;

Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous ;

Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ;

Réduire les inégalités dans le pays et d’un pays à l’autre ;

Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ;

Etablir des modes de consommation et de production durables

Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ;

Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins de développement durable ;

Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité ;

Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins de développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ;

Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser.

Publié dans : ACTUALITES, Conférence Nationale Économique et Sociale-2016

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